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Un enfant à tout prix

Il est difficile de stigmatiser le trafic d'enfants sans se poser de questions sur l'adoption légale quand le mercantilisme, certes déguisé, s'en mêle.
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Plus personne n'ignore qu'il y a de multiples façons de faire un enfant, et même de s'en procurer un. Certaines sont légales et d'autres pas. Ceux qui enfreignent la loi nous permettent néanmoins de nous interroger sur la validité de nos procédures.

En voici deux exemples récents : le premier concerne un couple de lesbiennes ayant eu recours à ce qu'on appelle le "don de sperme sauvage" par opposition au don de sperme anonyme et gratuit labélisé par un établissement assermenté. En clair, un ami du couple fournit le sperme que la femme s'injecte dans le vagin. Ce "don" est en principe interdit et même sévèrement puni mais personne ne va vérifier comment une femme est tombée enceinte. Ni vu, ni connu, si le père était resté à la place de pur géniteur anonyme que les deux femmes lui avaient assignée. Mais sept mois après la naissance, il a reconnu l'enfant et obtenu du Tribunal un droit de visite. Ce qui n'aurait pas pu arriver un centre agréé. Mais en France, les homosexuelles n'y ont pas accès précisément pour que l'enfant ait un père, même si le père n'est pas le géniteur. Dans les pays où l'anonymat du donneur a été levé, les hommes ont pris conscience que le don d'engendrement ne peut être assimilé au don de sang ou d'organe. Ils n'ont aucun droit ni devoir envers l'enfant qu'ils ont contribué à mettre au monde mais l'enfant, s'il le souhaite, aura plus tard accès à lui. Dans cette affaire, un homme, ami de la mère, a réalisé un peu tard que le don qu'il lui avait fait l'engageait davantage qu'il ne l'avait cru. Est-ce grave pour l'enfant d'avoir trois parents dont un père légal? Le tribunal a jugé que c'était son intérêt.

L'autre exemple concerne un trafic d'enfant. Tony a été vendu la semaine dernière 8.000 euros et une BMW d'occasion par son père et son oncle de nationalité roumaine à un couple de la communauté des gens du voyage. Il semble qu'il s'agisse d'un réseau comme celui des bébés bulgares qui avait été démantelé en 2005. La mère accouche sous le nom de la mère acheteuse et le père acheteur se présente comme le père biologique et déclare l'enfant. On ne peut que dénoncer la vente d'êtres humains et l'arnaque à l'Etat civil. Il n'empêche que ces couples - qui disent ne pas avoir accès à l'adoption légale - ont exactement les mêmes motivations que ceux qui déboursent des sommes conséquentes pour adopter à l'étranger. Quand des intermédiaires se font payer et que les parents versent de fortes sommes pour entretenir les orphelinats, est-ce qu'on peut affirmer que ces enfants ne sont pas achetés à des mères démunies? Certes, il n'y a pas de mensonge à l'Etat-civil mais il est difficile de stigmatiser le trafic d'enfants sans se poser de questions sur l'adoption légale quand le mercantilisme, certes déguisé, s'en mêle.

Ces exemples n'ont qu'un point commun : aucune loi ne résiste devant l'irrépressible désir d'enfant, quel qu'en soit le prix.

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