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Moi, toi et l'autre

Comment intéresser un homme qui n'a rien à foutre de son voisin de palier au sort des étrangers qui n'ont ni sa langue et ni sa couleur?
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«Pourquoi on les aiderait? C'est quand même pas de notre faute si ils vivent dans un crisse de pays de fous.» - Entendu dans le métro.

C'est l'histoire d'une époque qui manque cruellement d'amour. C'est l'histoire de notre époque. Époque miroir. Celle où tout ce qui importe vraiment est notre propre reflet. Époque d'une proximité pourtant plus tangible que jamais. Époque des réalités horribles tellement accessibles que de moins en moins importantes, on dirait.

Moi. Vous. L'autre. Le gars du métro. On manque d'amour. Pas de dimanches sous la couette, de repas à lueur de chandelle, de séries télé en rafale collés sur le sofa et de regard plongé dans celui de l'autre sans le détourner jamais. Non. On manque de la base. On manque de gentillesse. De tendresse. On manque de compassion. On manque d'aimer son prochain.

Le nez rivé sur l'écran, on s'oublie. Soi-même et le voisin. On oublie de se sourire. De se regarder plus de deux secondes sur le trottoir. On oublie de commander son café en laissant son téléphone de côté, le temps d'un échange. On oublie de laisser sa place dans le bus. On oublie de s'ouvrir la porte et de se souhaiter bonne journée. On oublie de se rendre service. Parce que ça prend du temps. Parce que c'est engageant. Parce que le boulot. Parce que les enfants. Parce que le trafic. Parce que «je ne le connais pas». Parce que «c'est quand même pas ma faute si». Parce que parce que parce que.

Parce qu'on a tellement peur de la solitude et pourtant, il n'y a jamais eu autant de seuls partageant le même refuge.

Comment une collectivité qui ne prend plus le temps de s'ouvrir la porte et de se dire merci arrivera à sauver son espèce de la misère? Comment intéresser un homme qui n'a rien à foutre de son voisin de palier au sort des étrangers qui n'ont ni sa langue et ni sa couleur?

À force de se regarder le nombril, on a oublié de se regarder dans les yeux, et de se demander si tout était ok.

Certes, il y a l'argent et le manque d'argent. Certes, il y a les ressources ou le manque de ressources. Certes, il y a les croyances, l'histoire, les coutumes, les religions, tout ce qui fait qu'on est tellement différents de la tête aux pieds, par en dedans comme par en dehors. Mais il y a aussi cet égocentrisme grandissant qui nous éloigne l'un de l'autre. Il y a cet étau qui se resserre de plus en plus autour de chaque humain.

On a jeté la bonté par dessus bord, sans jamais regarder derrière.

Les cris de détresse sont devenus des sons ambiants. Il fallait l'image d'un enfant mort sur la plage pour se réveiller. Et encore. Certains y sont toujours insensibles, visiblement. Parce que c'est pas de leur faute. Parce qu'il y a tant de frontières entre lui et leur douillet confort. Il fallait l'image d'un enfant mort pour qu'on réalise que des milliers de personnes, depuis des mois, disparaissent au beau milieu de la mer. Condamnées à mort pour avoir rêvé d'une vie meilleure. D'une vie sans guerre. D'un peu plus d'amour.

Embarcation porte-bonheur. Destin joueur de mauvais tours.

Il fallait cette image et pourtant, l'information est sous nos yeux. Le sort de notre unique planète et de ses habitants. Accessible en un clic. Gratuitement.

Choisir de savoir ou de ne pas savoir.

L'ignorance et le narcissisme sont parmi les maux les plus nuisibles de notre époque.

S'aimer. Aimer les autres. Être aimé en retour. C'est ce qu'on nous a appris à la petite école.

On s'est perdus dans la peur de la différence.

On s'est perdus dans la peur de voir notre quotidien bien en chair et en santé perdre de sa vigueur.

Ce texte a aussi été publié sur le blogue de Caroline Dubois Mademoiselle Divague.

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