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Finalement, je ne suis pas morte

Quand la vie s'évertue à t'enlever le goût de tout et surtout le goût de rien. Il était 1h du matin. Je décompressais après le boulot en lisant, comme je le fais souvent.
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Ce texte a aussi été publié sur le blogue de Caroline Dubois Mademoiselle Divague...

«Quand Violaine m'aimait, mon miroir n'existait pas. Je n'y voyais rien sauf l'image d'un homme aimé. Peu importe l'état du visage, je le croyais supportable à défaut d'être beau, puisque j'étais aimé.» - Gil Courtemanche, Je ne veux pas mourir seule.

Voilà la peur de mourir mélangée à la cruauté d'un amour à sens unique. Ou plutôt d'un amour qui n'existe plus. Un homme vient d'apprendre qu'il va mourir. Un homme vient d'apprendre qu'elle ne l'aime plus. Si ce n'était de ce cancer, il mourrait probablement de sa peine d'amour. Ou de sa peine de mort.

«Personne ne comprend que la peine d'amour est parfois une peine de mort. Je ne suis pas déprimé, je suis un cadavre condamné à bouger et, pire encore, obligé de lutter pour vivre.»

Quand la vie s'évertue à t'enlever le goût de tout et surtout le goût de rien. Il était 1h du matin. Je décompressais après le boulot en lisant, comme je le fais souvent. Ni télé, ni radio, ni téléphone, ni rien. Un bouquin sur le sofa, lumière tamisée, coupe de vin blanc. Le rouge me donne mal à la tête. En voyant ce titre, je savais bien que la lecture ne serait pas une partie de plaisir loufoque. Je me suis mise au lit en me disant : je ne veux pas mourir seule. La pensée la plus triste qu'il m'ait été donné de ruminer. Même le hamster dans ma tête a cessé de tourner comme un demeuré. Comme si je lui avais donné une raison de tout abandonner. Arrête de courir, bro. C'est perdu anyways.

Quelque part entre la peur et le réconfort du coton égyptien, en position foetale, j'ai fermé les yeux. Je vais mourir. Et je vais mourir seule. Une larme. Peut-être deux. Un cœur qui bat. Doucement. Un cœur triste. J'ai rêvé qu'avec les voisins, on faisait la plus grande quantité de chili con carne jamais cuisinée. Un projet de quartier. On le vendrait ensuite à très petit prix sur la rue Ste-Catherine, dans des pots Masson décorés. Quand je n'ai pas peur de mourir, j'adore bricoler.

Je me suis réveillée le matin gonflée à bloc. Je ne suis pas morte seule et je ne mourrai pas seule. Quelle obsession! Le souvenir de mon rêve me fait réaliser qu'au fond, ce n'est pas réellement une peur qui m'habite. Si c'était le cas, j'aurais rêvé d'hôpital, d'aiguilles, de crabes, de gerbes de fleurs fatiguées, de cimetière, de noir. Ce que la nuit peut créer comme lot de contrariétés. Cependant, cette nuit j'ai tué une plante. Une deuxième en deux mois. (Une troisième si on compte celle que le chat a dévorée.) Il y a trois jours j'ai acheté une plante suspendue pour la terrasse. Ce matin elle est morte. Je ne sais pas faire avec la verdure. Ça me rend triste parce que tout ça est si beau. Si elles savaient qu'en tombant entre mes pouces elles allaient mourir. Seules.

Un jour, on m'a donné un bambou de l'amour. Un bambou du bonheur? Un bambou de la chance? Un bambou de l'amitié? Je ne sais plus. J'ai fait en sorte d'oublier son nom. T'as rien à faire, supposément, avec un foutu bambou du foutu bonheur. Je lui donnais de la foutue eau fraîche et du foutu amour, aussi. De l'amour comme jamais végétal n'avait reçu d'amour. Je lui racontais des histoires, à ce foutu bambou de la vie. Je lui souriais tous les matins, même les cheveux hirsutes et les yeux encore collés. Le gros kit. Il est mort d'un trop-plein d'attention, je présume. Parfois, aimer trop, c'est pire qu'aimer mal. Et c'est surtout pire que de ne pas aimer du tout. Il est mort, le bambou. Mort heureux mais mort pareil. Petite jaunisse sur le bout de la feuille. Ça commence toujours comme ça. Et ça ne finit plus. Dans ma chambre aux murs violets, dans la maison familiale à Chicoutimi, j'avais un cactus. On l'avait acheté chez Dame Nature à St-Gédéon en passant acheter des fleurs pour les grand-mères. C'était Pâques, j'imagine. Ou la fête des Mères... C'était celui avec la grosse boule rouge. C'est comme ça qu'il est mort, lui aussi. D'une sécheresse ou d'un trop plein d'eau ou d'un trop plein d'amour. Je ne sais jamais comment. Mais ça commence toujours par une petite tache jaune.

Ce matin par la fenêtre de la cuisine, en buvant un verre d'eau plate, j'ai eu un pincement au cœur en voyant ma plante suspendue. Morte. Je déteste boire de l'eau comme je déteste m'y baigner. Mon chat ne boit de l'eau que si je lui ouvre le robinet. Jamais dans son bol. Mes plantes meurent même si je leur en donne suffisamment. Mon poisson rouge Arthur a vécu 12 ans dans un litre d'eau sale. Je suis Verseau. Je déteste l'eau et de ma peau se dégage une substance qui fait faner les fleurs. Quels terribles hasards, s'ils en sont.

Je me parfume aux fruits, pourtant. Ça devrait donner le goût de la vie.

«Des fois, la vie, c'est simple.»

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