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Défier l'hippopotame

Je pars bientôt en Afrique du Sud. Les billets sont achetés depuis quelques mois et la question à laquelle je dois répondre le plus souvent est : «Où ça, en Afrique du Sud? Au Kenya? Vas-tu aller à Madagascar?»
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Ce texte a aussi été publié sur le blogue de Caroline Dubois Mademoiselle Divague...

Le 13 mars dernier, j'étais ici à déblatérer sur mon désir plus grand que nature de voir se pointer le printemps au plus sacrant. ll était tôt, c'est vrai. C'était voir grand, j'en conviens. Merci d'avoir gardé le secret. Si tu m'avais dit alors que j'en avais encore pour deux mois, je me serais terrée dans ma couverture aux motifs de tigresse pour y demeurer à jamais. J'aurais cuisiné des mijotés. Des patates pilées. Engraissé. Appris à aimer le vin chaud pour qu'il me réchauffe du bon côté. J'aurais déclaré forfait. La neige a neigé et neigé encore et a finalement fondu pour me laisser découvrir dans ma cours tout ce qu'il y a de plus désagréable à découvrir dans une cours : une seringue, beaucoup de merdes d'un chien qui n'est pas le mien. Mais voilà. Je respire enfin.

Il y a quelques jours on buvait une troisième pinte de rousse en se disant qu'elle rentrait donc bien et en se répétant pour la 42e fois que « C'est pas normal! Il y a deux ans, en mars, les gars se faisaient bronzer en bobettes dans le Parc Lafontaine! » Le lendemain, souviens-toi, tout le monde en même temps on a ouvert la porte. Il était là. Humide. PAF. Vingt degrés dans ta face. Dans la mienne. Vingt degrés sur mon foulard et mon coat de jeans. Mon hoodie sous mon coat de jeans. Mes jeans. Mes bas de laine. Mes bottes de cowboys. Vingt degrés sur mon kit de fille qui gèle depuis 36 mois. Je devrais peut-être me changer. Mettre une jupe. Mes jambes sont blanches. J'aurai des traces de bas sur les chevilles. J'suis pas rasée. C'est ça quand on te fait croire que ça va durer pour l'éternité. Tu te dis que la nature saura peut-être mieux faire son travail que toi-même. Too bad.

Je pars bientôt en Afrique du Sud. Il n'y a aucun lien. Les billets sont achetés depuis quelques mois et la question à laquelle je dois répondre le plus souvent est : «Où ça, en Afrique du Sud? Au Kenya? Vas-tu aller à Madagascar?» Désespoir. Regarde à côté de toi. Là. Maintenant. La fille qui boit son café, le gars cute avec la chemise carreautée... Ils savent bien des choses mais ignorent que l'Afrique du Sud est un pays. Un grand pays. Si tu l'ignorais aussi jusqu'à présent, fais semblant de rien. Souris. Les gens voudront savoir ce que tu lis et ça, c'est bon pour moi. Alors non, pas le Kenya. Encore moins Madagascar. Je vais en Afrique du Sud, et je me sens comme un Français qui débarque à Montréal-Le-Pays-De-Glace pour trois semaines avec sur sa to do list : 1. Manger de la poutine. 2. Voir le Rocher Percé. 3. Voir les chutes Niagara. 4. Voir Vancouver. 5. Voir des grizzlys et/ou des ours polaires. 6. Voir des caribous. Surtout, voir des caribous.

Je ne prépare pas vraiment mes voyages. J'achète mes billets d'avion, réserve mes deux premières nuits d'auberge une semaine avant le départ, regarde des photos sur Google Images, me procure un guide que je survole généralement pour la première fois à l'aéroport, au comptoir d'un bar où je déguste une pinte de bière à 12$. Cette fois, vu l'immensité et la diversité de l'endroit, la culture qui m'est totalement inconnue et la durée somme toute restreinte du périple, j'ai l'impression de devoir tout planifier. C'est hors de mon champ de compétences. Mon partner in crime dans l'aventure, mon ami Patrick, ne prépare pas vraiment ses voyages, lui non plus. Voilà où on en est. Côté planification, c'est pas mal zéro pis une barre.

Heureusement, les amis sont là pour se ronger les ongles à notre place. Ils ont fait les démarches. Ils savent comment rapatrier nos corps à moitié dévorés par les hippopotames parce qu'on aura choisi, faute de sens de l'organisation, d'explorer la faune africaine sans guide armé. Sache que si un jour tu croises la route d'un grand requin blanc, il faut le regarder droit dans les yeux pour éviter qu'il te considère comme une proie (Source : un des douze documentaires sur les requins qui passent chaque semaine à la télé). C'est probablement la même chose pour les hippopotames. Voilà une explication qui, selon tout le monde à part moi, ne tient pas la route.

Patrick et moi, on se fait constamment des soupers pour planifier l'Afrique ; trouver un appartement au Cap, regarder les options pour le safari... Chaque fois, on découvre un nouveau vin sud-africain qu'on trouve meilleur encore que le dernier. On finit par ouvrir la bouteille d'Amarula ; ça tombe bien, j'avais justement pensé à faire de la glace. On se souvient la vidéo des animaux saouls. On se dit à quel point on a hâte de visiter les vignobles, de voir des girafes. On se rappelle qu'on ne s'éternisera pas à Johannesburg parce que peu recommandée niveau sécurité. On se dit qu'on prendra le téléphérique pour monter sur la Table Mountain parce qu'il y a toujours ben des limites à se faire souffrir la cuisse. On espère trouver un appart avec une terrasse pour l'apéro. On finit par sortir sur la mienne, se dire qu'il faudrait qu'il m'aide à aménager tout ça et à acheter des plantes parce que j'ai le pouce vert d'une terre aride. À part un mal de tête le lendemain, on ne gagne jamais rien.

« Eh que tu m'énarves. Pourquoi tu vas pas dans les tout-inclus comme tout le monde? » - Ma mère.

Parce que les tout-inclus, Maman, à quelques différences près dans le buffet pas frais, c'est toujours la même chose. Que tu sois à Cuba ou au Mexique, il y aura un p'tit lézard sur ton plafond et on te vendra une poupée hawaïenne made in China au bord de la playa. De là, à part des photos de tes nouveaux amis que tu ne reverras jamais et du gars saoul à 10h du matin qui pisse dans la piscine, tu ne ramèneras probablement pas grand-chose. Attention! Oh que je ne suis pas contre les tout-inclus! Seulement, je vais dans un tout inclus quand j'ai besoin de vacances. Maintenant, j'ai besoin de souvenirs qui me feront mourir de rire. D'être déstabilisée. D'être ailleurs. De goûter de nouvelles choses. De conduire à droite. De me perdre. De m'épuiser à trop marcher. De réaliser mon rêve de petite fille de voir plein d'animaux sauvages ailleurs qu'au zoo. D'avoir la chienne de me faire charger par une famille d'hippopotames parce qu'effectivement, le truc du regard, ça marche pas pantoute.

Patrick, tu viens souper à la maison, samedi, pour planifier le voyage? J'ai une nouvelle recette de Marilou à te faire essayer. C't'écoeurant. Apporte du vin. Du vin sud-africain. Il me reste de l'Amarula.

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