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Au revoir, belle Afrique du Sud

Je suis allée en Afrique du Sud et j'ai eu peur de tout le monde.
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Il y a quelques mois, j'en parlais ici. Je n'avais encore aucune idée de ce qui m'attendait. J'ai eu besoin de recul pour l'écrire. Je suis allée en Afrique du Sud et j'ai eu peur de tout le monde. J'ai eu peur de tout le monde sauf, peut-être, du Congolais qui m'a dit: «HEY! J'ai étudié à Trois-Rivières!» J'ai eu peur de tout le monde, mais je suis pleine de souvenirs qui ne s'estompent pas.

J'ai eu peur du gars qui est venu nous recueillir, mon ami et moi, à l'aéroport. On avait lu que de temps à autre, des timbrés d'enleveurs de touristes copient les noms sur les pancartes des gens honnêtes et kidnappent subtilement des bienheureux venus voir des girafes. C'est pas fou, pareil. Enwèye dans l'coffre du char. Alors j'ai eu peur de lui et de sa petite Jetta tape-cul qui roule comme une bombe du mauvais côté de l'autoroute. Il parlait beaucoup et dans un anglais que je n'arrivais pas à déchiffrer, quelque part entre l'accent d'un Écossais et celui d'un vieux Montréalais qui roulent ses «r». Il nous a conduits dans la villa que nous avions louée. Exactement la même que sur Google Street View. La plus belle petite villa du monde.

«Welcome to Cape Town, guys!»

J'ai décapsulé une bière sud-africaine dans un pshhhhh qui sonnait comme une mission accomplie. Je suis sortie contempler la terrasse et sa saisissante vue de la Table Mountain. Patrick m'a imitée et a eu la chienne de sa vie devant un crocodile en plastique. «C'TU UN VRAI?» Down town Cape Town. On a eu peur de tout. Et de tout le monde.

Et pourtant.

Au volant pour la première fois on a eu peur, à 10h du matin, de deux hommes souriants vendant des montres au feu de circulation. On avait lu que les Sud-Africains font ça, des fois, pour enlever les touristes. Et pourtant. On a eu peur d'une bande d'enfants chantant des louanges en direction de l'église. Je répète: On a eu peur d'une bande d'enfants chantant des louanges en direction de l'église. On avait lu que les enfants font parfois des fausses parades de louanges pour ensuite kidnapper les touristes. (Ok sur celle-là, j'ai poussé. Mais on a eu peur pareil. J'veux dire... Avant qu'on réalise qu'ils étaient des enfants, tout ça sonnait vraiment comme un danger imminent.) On a eu peur de se faire lancer un galon de peinture droit dans le pare-brise de la petite Honda de location parce qu'on avait lu ça, aussi. Pas n'importe où : sur le site de l'ambassade. Le genre de mise en garde que tu prends au sérieux. Et pourtant. On a eu peur des histoires de viols, de violence, de SIDA. On a eu peur du discours de l'infirmière à la clinique du voyageur. Je suis sortie de là vaccinée de partout, avec tellement de pilules dans mes poches et de précautions dans ma tête qu'il y avait pas de doute que je reviendrais plus ou moins top shape. Et pourtant. On a eu peur des couchés de soleil parce qu'on avait lu qu'une fois couché, ce soleil-là laisse place aux enleveurs de touristes.

Et pourtant.

J'ai eu peur d'un phacochère se prenant pour un hippopotame dans une réserve du Swaziland. À ma défense, tu devrais pas permettre aux gens de marcher sans guide dans un sentier nommé hippo trail. Tu devrais pas permettre aux gens de marcher sans guide à côté d'une hippo pool non-clôturée. Considérant que l'hippopotame est l'animal le plus dangereux d'Afrique, chose, faudrait hausser un peu les mesures de sécurité. C'est mon opinion. (Jamais eu peur de même.) Dans cette même réserve, quinze minutes de face à face avec un énorme papa bushbuck, à se demander qui cédera le chemin à qui. C'est aussi là qu'on a admiré nos premiers zèbres. Une quinzaine de beautés. Juste là. Ils se sont arrêté tous en même temps, nous ont observés, ont senti notre trop-plein de joie et ont décidé de nous faire confiance.

Ayoye qu'on était pas au zoo.

Je nous revois après trois semaines d'aventures, installés sur la terrasse de notre super lodge, en train de s'extasier devant gnous et hippos broutant de l'herbe sans avoir peur (il y avait une clôture, cette fois). On se rappelle tous les moments, les beaux comme les crados, avec une pas pire grosse pointe de nostalgie dans le creux du ventre.

J'ai eu peur, et pourtant...

J'ai vu des paysages à m'en couper le souffle. Deux océans se rencontrer dans ma face. Je me suis assise sur la pointe de l'Afrique en me disant que là-bas, y'avait le pôle Sud. J'ai roulé à gauche de l'autoroute sur des centaines et des centaines de kilomètres. J'ai conduit sur la Chapman's Peak Road, à deux pas d'un précipice de 592 mètres d'une beauté suprême qui aurait pu nous tuer si j'avais fait un faux mouvement. Les mains tremblantes sur le volant. «Prends des photos! MY GOD! Prends des photos!» Je me suis perdue dans des bidonvilles tard le soir avec une carte touristique sur les genoux. On m'a souri. J'ai retrouvé mon chemin. Je suis allée à Mtubatuba. Il n'y a rien à Mtubatuba et surtout pas des touristes. Rien à part une marée de monde dans la rue et un PFK. Patrick et moi on y a bu un café dans un stationnement bondé, transformé en marché public à vocation plus ou moins claire. On regardait les gens, qui nous regardaient comme on regarde deux Caucasiens perdus au beau milieu du nulle part de l'Afrique du Sud. On s'est dit: «Ce moment-là, maintenant, il est parfait.» Voilà un souvenir anodin. Un souvenir anodin qui me laisse un sentiment vertigineux de liberté.

Ayoye qu'on était pas chez nous. Ça me prend ça, des fois, pour avoir l'impression de vivre pour vrai.

Je me suis fait shaker des préjugés que je croyais ne pas avoir. J'ai croisé les plus beaux sourires de la Terre. Je me suis fait garrocher une histoire pas toujours belle en pleine figure. Je me suis fait dire par des Sud-Africains blancs que je ne pouvais pas juger l'apartheid. Que je n'étais pas là. J'ai opiné de la tête et j'ai changé de sujet. C'est délicat. Je me suis fait douze amis dans un bar à cocktails de Johannesburg. J'ai rencontré une guide de safari qui a survécu à un face à face avec cinq lionnes en chasse. J'ai trinqué et jasé avec une drag queen sud-africaine. Un paradoxe en soit. J'ai marché dans les rues de Soweto. J'y ai testé la bière locale composée d'ingrédients inconnus qui goûte et ressemble, pour tout dire, à du lait sur.

J'ai vu des hippopotames et des zèbres, mais aussi des éléphants. Des girafes. Des lions. Des manchots. Des impalas. Des buffles. Des autruches. Des hyènes. Un léopard. Des chiens sauvages. Des babouins. Des crocodiles. Des rhinocéros et j'en passe. J'ai eu envie de pleurer souvent. Pleurer de trop de belles choses cachées dans un pays à la réputation mesquine.

Ne me faites pas la morale. Je sais qu'il y a 47 meurtres par jour en Afrique du Sud. Je sais la violence de ce pays. Je sais les risques. Mais je sais aussi l'histoire et un peu de la racine de toute cette violence. Ce pays, je l'ai trouvé beau. Cette violence, j'en ai eu peur souvent, mais heureusement, je ne l'ai pas vue. C'est peut-être de la chance. J'étais bien préparée. J'ai écouté les gens. J'ai suivi les conseils de sécurité. Je n'ai pas marché dans la rue après 20h. Même pas pour 5 minutes. Je retournerais là-bas demain. Parce que trois semaines, c'était bien trop court pour tout comprendre. J'y retournerais pour vivre l'été du Cap. Pour visiter le nord-ouest, aux frontières de la Namibie. Je voudrais m'y faire plus d'amis et m'inviter à manger chez eux. Je voudrais traverser la frontière vers le Botswana parce qu'on m'a tant parlé des safaris, là-bas. J'aurais peur, sûrement, et pourtant. Avoir peur, des fois, ça fait tellement de bien.

Au revoir belle, funky, chaotique South Africa. xx

Pour une version avec photos, visitez le blogue de Caroline, Mademoiselle Divague...

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