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Où est passé notre bon sens alimentaire?

Moi, je voudrais savoir à partir de quel moment ça a été si compliqué de manger. Je veux dire, on est tout le temps, tout le temps entourés de message de c'est trop gras, c'est trop sucré, c'est trop saturé, y'a pas assez de fibres...
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Moi, je voudrais savoir à partir de quel moment ça a été si compliqué de manger. Je veux dire, on est tout le temps, tout le temps entourés de message de c'est trop gras, c'est trop sucré, c'est trop saturé, y'a pas assez de fibres, et tes protéines, elles sont où, tes protéines, dis, et puis pourquoi on devrait arrêter de manger du pain blanc et pourquoi maintenant, je passe deux heures à faire mon épicerie parce que le temps de lire toutes les étiquettes des rares produits non bruts que j'achète, et ben il s'est passé assez de temps pour aller faire dix sept fois le tour de mon pâté de maison en courant.

Vous savez peut-être (ou peut-être pas, d'ailleurs), j'ai été anorexique pendant quelques années. Il n'y a sans doute pas un million de choses positives que je peux retirer de cette expérience (appelons ça comme ça), mais il y a tout de même une prise de conscience sur la qualité de ce que je mange, que je ne suis pas certaine que j'aurais eue sans ça et qui, même si dans les paragraphes suivants, vous allez croire le contraire, a été une excellente chose.

J'ai été élevé avec une maman qui nous a toujours, toujours, toujours fait des trucs très bons à manger (sauf les salsifis, maman, pourquoi as-tu fait ça?), qui utilisait plutôt l'huile d'olive à la place du beurre, qui nous faisait des légumes, des légumes, qui achetait quasi jamais de gâteaux industriels. J'ai été élevée avec des solides bases sur l'alimentation saine, sur le plaisir de manger et sur la simplicité de cet acte. Le vendredi soir, on mangeait des hot dogs de knackis qui baignaient dans la mayonnaise et le ketchup (ma maman fermait les yeux, le vendredi soir), on se léchait les doigts après tellement c'était outrageusement bon et délicieusement interdit par les règles de santé et pourtant, on allait bien, on se posait pas la question de compenser, de faire du sport pour éliminer, on avait juste adoré ce repas les trois-enfants-seuls-à-table, sans plus.

Et pourtant, il y a ce moment où ça a dérapé pour moi et où j'ai tout désappris

Désappris comment on fait pour bien manger, désappris la faim et la satiété, désappris l'équilibre, parce que tout ce qui dépassait les 10 calories aux 100 grammes (je vous épargne la recherche: à peu près tous les aliments) était interdit dans ma tête. Désappris aussi le plaisir de partager un repas, désappris le plaisir de préparer à manger, désappris les textures, les saveurs, les odeurs, désappris les moments où, après le repas, on reste à table pour tranquillement discuter, sans se goinfrer de tout ce qui passe par là, juste parce que ça nous calme.

J'ai désappris tout ça, j'ai perdu des kilos, des cheveux, ma bonne humeur, et puis petit à petit,j'ai repris du poids et j'ai voulu réapprendre. Je suis devenue végétarienne, parce que manger de la chair me semblait être une hérésie, un truc qui collait pas vraiment avec ce que je voulais être, et puis j'ai commencé à beaucoup m'intéresser à la nutrition. D'abord, pour rassurer mes parents. Après deux séjours à l'hôpital et un suivi psy un tout petit peu long, je trouvais ça pas si dingue que mes parents voient là dedans une nouvelle lubie pour arrêter de manger, encore une fois. Alors j'ai lu, j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup lu. Comment je vais pouvoir avoir toutes mes protéines, comment je ne vais pas perdre encore dix, quinze, vingt kilos, et comment non, c'est pas une lubie, c'est juste moi, mes valeurs et mes convictions.

Toujours est-il qu'il y a huit ans, j'étais végétarienne, je lisais des trucs sur la nutrition et j'étais plutôt tranquille. Et puis il y a eu une escalade, dans les médias, dans les blogs, dans la vie, à celui qui mangerait le mieux. Le plus végan, le plus cru, le plus local. Mais petit à petit, j'ai eu l'impression de ne jamais être assez informée, d'avoir toujours une nouvelle graine à devoir intégrer à mon alimentation pour avoir plus d'oméga 5478, ou bien une nouvelle noix à transformer en lait pour avoir le poil plus doux ou bien un nouveau sucre à enlever, pour avoir moins de gras du ventre.

Alors je voulais savoir, à quel moment c'est devenu si anxiogène, de manger. À mon travail, je suis entourée de personnes qui s'en fichent du sucre raffiné et de l'huile de coco et parfois, vous savez, parfois, je les envie. Je les envie de manger sans se poser mille questions, d'où viennent mes noix de cajou, est-ce que c'est correct de manger des avocats qui sont cueillis au bout du monde, mais comme ils contiennent du bon gras (oui bon, aussi parce que c'est merveilleusement bon), c'est bien d'en manger, ou est-ce que je fais bien de manger des patates, alors que leur index glycémique est vachement élevé, dis donc. Je les envie d'être capable de partager un repas sans avoir dû demander avant s'il y a des œufs, du lait, du beurre, ou du bacon, sans se dire que le lendemain, je boirais juste du thé vert, pour alcaliniser ce repas terrible et sans doute après, je mangerai juste du raisin, pour avoir plein de vitamines qui contrebalancent le pain blanc sans fibres.

J'avais une discussion avec un ami il y a peu et je lui disais qu'une fois qu'on sait, une fois qu'on a lu, qu'on a intégré qu'il vaut mieux manger du sucre de coco, du lait d'amandes et des pois chiche, c'est difficile d'arrêter de se poser des questions sur son alimentation. C'est difficile d'ignorer les vérités sur l'élevage, sur les effets de certains aliments sur la santé à long terme. J'ai intégré dans mes habitudes des lectures, de blogs ou autre, qui m'apportent beaucoup de connaissances sur ce sujet qui me passionne vraiment (je voudrais reprendre des études en sociologie de l'alimentation, quand je serai grande), mais qui amènent parfois leur lot de nouvelles informations qui provoquent systématiquement des remises en questions.

Par exemple, le sucre. Vous n'avez sans doute pas raté les récentes publications sur le courant du no sugar. Bon, bah moi je les ai pas ratées en tous cas. Et bien évidemment, j'ai commencé à me demander, est-ce que mon petit ventre, celui que j'arrive plus à perdre malgré mes douze heures de sport par semaine, est là à cause du sucre ? Est-ce que mes moments d'épuisement sont dus au sucre? Est-ce que mon eczéma est provoqué par le sucre? Est-ce que mes ongles mous, mes cheveux trop épais, mes grains de beauté, mes pieds secs (allons-y pour tous mes défauts) sont causés par le sucre?

J'ai commencé à me dire qu'il fallait que j'arrête de manger du sucre, puisque c'était ça qui semblait provoquer tous les maux du monde.

À ce moment-là, on était dans la période où, au travail, je devais shooter tous les nouveaux produits. Imaginez une table remplie de tartes, de viennoiseries, de pains, le tout, avec du sucre, avec du beurre et avec de la farine de blé. Et moi, j'étais au milieu, partagée entre ma féroce envie de goûter à tout (je suis gourmande, c'est un fait et si vous me mettez un gâteau au yaourt à la framboise devant le nez, j'ai du mal à pas saliver) et mes convictions, celles qui font que je ne veux plus manger de produits laitiers, d'œufs et maintenant, de sucre. Imaginez le débat dans ma tête, les questions et l'épuisement mental, parce qu'à la fin, ce sont des questions que je me pose tous les jours, tout le temps.

Alors on fait quoi, maintenant? Est-ce qu'on peut désapprendre quelque part les mille informations qui font que manger m'est devenu totalement anti-naturel? Est-ce qu'on a le droit de craquer parfois sur du sucre sans passer deux semaines à se dire qu'on a fait la plus grande bêtise de l'univers? Est-ce que je peux, de temps en temps, manger des tartines d'avocat qui vient de loin, avec de la ricotta qui vient des animaux, le tout sur du pain blanc auquel on a enlevé les fibres, le tout sans culpabiliser parce que je viens de lire sur un blog que vraiment, il faudrait arrêter le gluten pour que le licornes débarquent sur Terre?

Vous en pensez quoi, vous? Est-ce que vous avez parfois cette impression qu'on a perdu un petit peu notre bon sens pour l'alimentation, ou bien est-ce que c'est juste moi qui suis encore une fois incapable de faire les choses avec mesure?

Ce billet est également publié sur le blogue Les Parenthèses.

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