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À celle qui a su trouver les mots à l'un des pires moments de ma vie de parent

Aucune mère ne peut ignorer que le concept de repos est très relatif, surtout quand on se retrouve seule, enceinte de 9 mois, avec un bébé de 19 mois et un enfant de 3 ans.
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Jamais je n'oublierai cet été-là.

Il faisait chaud et, au 9e mois de grossesse de mon troisième enfant, j'étais censée me reposer. Mon gynécologue m'avait conseillé de ne pas porter de charge de plus de quatre kilos. Aucune mère ne peut ignorer que le concept de repos est très relatif, surtout quand on se retrouve seule, enceinte de 9 mois, avec un bébé de 19 mois et un enfant de 3 ans, qui -on ne le savait pas encore- était atteint d'un trouble sensoriel. J'avais omis de préciser à mon médecin que je passais le plus clair de mon temps à porter le plus grand dans les lieux publics, un sac de couches à l'épaule, en tenant ma fille d'une main et en me retenant de pleurer. Chaque crise en public, chaque regard qui se posait sur moi, me tirait un peu plus vers le bas. À l'époque, je croyais encore que le comportement de mon fils était la conséquence de mon incapacité parentale.

Mon mari nous avait pris un abonnement à la piscine. L'idée était de laisser les enfants se fatiguer tous seuls dans le petit bain. Ainsi, moi et mon ventre aurions tout loisir de nous installer à leurs côtés pour enfin "nous reposer".

En fait, je réussissais à caser les enfants et toutes nos affaires dans la voiture, conduire jusqu'à la piscine, traîner tout le monde dans les vestiaires puis ressortir pour gagner le bassin des tout-petits. Et puis mon aîné piquerait une crise, nous obligeant à faire machine arrière et à l'évacuer vers le vestiaire, puis la voiture, pour enfin rentrer à la maison.

Les autres mères présentes, voulant être polies, détournaient le regard, l'une fouinant dans son sac de couches, l'autre partant dans une explication avec ses enfants, en feignant de ne pas nous voir. Mais ne pas nous voir relevait de l'impossible.

Un matin horriblement chaud et humide, alors que nous venions d'arriver, mon fils a piqué sa crise. Bien sûr, toutes les mamans ont fait semblant de ne pas nous voir. J'ai tenté de le raisonner, mais sans succès. Je sentais le rouge me monter aux joues, mon cœur battait à 100 à l'heure, et je faisais tout pour garder mon calme. J'étais complètement abattue mais, déterminée à n'en rien laisser paraître, j'ai rassemblé mon courage pour nous préparer à repartir. La crise de mon fils allait de plus belle. Je m'activais, autant que faire se peut dans mon état.

Encore une fois, les mamans regardaient ailleurs, pendant que je faisais tous les efforts du monde avec mon gros ventre pour me baisser à la hauteur de mon fils et le prendre dans mes bras. J'ai ensuite attrapé ma fille par la main et j'ai ramassé nos affaires.

"Excusez-moi!" La voix d'une femme a retenti à l'autre bout de la piscine. Je ne savais pas trop quoi faire. Je ne voulais pas pleurer. À contrecœur, j'ai relevé la tête et j'ai croisé son regard. Elle se dirigeait vers nous avec entrain, en balançant les bras.

"Bravo, maman! Bravooo! Je sais que personne ici ne viendra vous féliciter", m'a-t-elle dit, accompagnant ses paroles d'un geste adressé aux spectatrices silencieuses au bord de l'eau, "mais vous faites du bon boulot. Vous êtes une pro! Bien joué, maman!" Et elle s'est mise à applaudir. Elle applaudissait mes compétences parentales à l'une des heures les plus noires de leur histoire.

Je l'ai remerciée. Elle avait reconnu mes compétences alors que je me remettais complètement en question à ce moment-là.

"Merci", ai-je balbutié, car je n'arrivais même plus à parler. Elle a acquiescé et elle est repartie d'où elle était venue.

Quand je suis enfin arrivée à la voiture, une fois les enfants attachés, j'ai posé ma tête contre le volant et je me suis mise à pleurer. Un vrai cliché. Je me rendais compte que je me sentais terriblement seule avec ce petit bonhomme si vif et si déterminé. Ce jour-là, je m'étais sentie soutenue et j'étais extrêmement reconnaissante à cette femme de m'avoir complimenté. J'aurais voulu retourner la remercier, mais mon fils n'avait pas terminé sa crise et le déluge de mes émotions m'empêchait d'y voir clair.

Si vous savez à quelle fréquence je repense à cette femme et à sa gentillesse... C'était il y a cinq ans, mais elle ne quitte pas mes pensées.

Je pense à elle lorsqu'au détour d'un rayon du supermarché je croise un enfant en train de "faire sa crise".

Je pense à elle à la caisse de l'épicerie lorsque je croise une mère avec quatre enfants "qui geignent" et que je lis la détresse dans son regard en sachant qu'elle lutte pour ne pas craquer.

Je pense à elle chaque fois que je vois une femme enceinte avec des enfants en bas âge.

Je pense à elle lorsqu'une maman, épuisée au volant de son monospace, s'excuse de m'avoir coupé la priorité. J'entends le raffut à l'arrière. Je sais le bazar qui peut régner dans la voiture, à quel point réfléchir, et conduire, est difficile dans ces moments-là.

Je pense à elle lorsque je vois une maman sortir en trombe de l'église le dimanche, son enfant en pleurs dans les bras.

Je pense à elle à chaque fois que je vois un enfant qui fait un caprice ou une mère qui a l'air épuisé.

Nous sommes toutes passées par là. Et certaines, plus fréquemment que d'autres.

Eh bien sachez que, depuis ce jour-là, je dis toujours quelque chose. Toujours. Et si je ne peux rien dire à cause de la distance ou autre, je cherche son regard et, de mon plus beau sourire, je lui fais comprendre que je la soutiens. Je sais à quel point un mot gentil peut compter dans un moment difficile, et je sais que les mots gentils sont contagieux. Ils peuvent altérer un comportement.

Je ne sais pas où se trouve aujourd'hui la femme de la piscine. Je voudrais pouvoir la remercier. J'aimerais pouvoir lui dire que les mots qu'elle a su trouver ce jour-là m'ont fait changer pour toujours. Grâce à elle, je ne farfouille pas dans mes affaires, en tentant d'éluder le problème. Parce que je sais que ça ne sert à rien.

Quand j'étais petite, on nous disait que si on n'avait rien de gentil à dire, il valait mieux ne rien dire du tout. Je souhaiterais ajouter à cela: si vous avez une pensée positive, n'hésitez pas à la partager. Si vous avez quelque chose de bon à dire, dites-le.

Imaginez un instant la beauté d'un monde empli de toutes les pensées et les observations positives que l'on garde à jamais dans le silence de son for intérieur...

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