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La Commission des enjeux énergétiques, un rendez-vous manqué?

La Commission des enjeux énergétiques s'est terminée le 11 octobre dans le silence total. Pourquoi est-elle passée inaperçue? Que risquons-nous si le Québec ouvre la filière des énergies fossiles? Constat d'un rendez-vous manqué.
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La Commission des enjeux énergétiques s'est terminée le 11 octobre dans le silence total. Pourquoi est-elle passée inaperçue? Que risquons-nous si le Québec ouvre la filière des énergies fossiles? Constat d'un rendez-vous manqué.

Alors que l'espace médiatique est monopolisé par la Charte des valeurs, une commission aux implications cruciales a passé sous le silence. Pendant un mois, les commissaires sur ministère des Ressources naturelles du Québec (MRN) ont tenu des audiences d'une région à l'autre. Le sujet : rien de moins que l'avenir énergétique de la province.

Plus précisément, Québec cherche à avoir l'aval du public pour ouvrir la filière des énergies fossiles. Le MRN dit qu'il s'appuiera sur les commentaires recueillis dans les centaines de mémoires déposés et les dizaines de sessions publiques afin de créer une nouvelle politique énergétique pour le Québec en 2014.

Déjà, les commissaires constatent que les analyses et opinions recueillies sont très divisées.

Exercice démocratique, ou spectacle médiatique ?

Annoncée au courant de l'été, la Commission s'est ouverte en septembre sous l'œil circonspect des groupes écologistes. Ironiquement, cela fait plusieurs années que ces organismes demandent un débat de société sur l'avenir énergétique du Québec. Alors pourquoi tant de méfiance ?

Déjà dans sa forme la Commission était problématique. Un peu comme le Sommet sur l'enseignement supérieur et la Commission spéciale d'examen des événements du printemps 2012 , le mandat de cette commission était pointu et instrumental : s'adressant au comment, mais pas au pourquoi. C'est toujours un paralogisme que d'inscrire la réponse dans la question (ce qu'on appelle en anglais une « loaded question »).

Concrètement, la présente Commission s'oriente sur plusieurs axes, le plus problématique étant l'ouverture de l'exploitation des énergies fossiles, qui étaient jusqu'à maintenant confinées au stade exploratoire. Québec souhaitait déjà aller de l'avant et était tristement clair à ce sujet. Il est question de forage dans le fleuve Saint-Laurent, d'exploitation dans la péninsule gaspésienne, aux Îles de la Madeleine, à l'Île d'Anticosti.

Même lorsque l'évaluation environnementale stratégique (ÉES) sur le forage dans le Saint-Laurent a révélé des risques trop élevés, par exemple dans le cas d'une marée noire, le MRN réitérait sa volonté d'aller de l'avant.

Lorsqu'on l'a questionné sur la pertinence de la Commission alors que tout semblait décidé d'avance, la ministre Ouellet a précisé : « On va écouter les gens sur objectifs aussi, notamment sur l'exploitation du pétrole. » Mais peut-on se demander quel est l'intérêt de parler lorsque tout est décidé d'avance ?

Comme de fait, quatre jours avant la fin de la Commission, Québec annonçait son plan de relance économique. Mais voilà : ce plan détaille le volet de l'efficacité énergétique, qui est un des grands axes de la Commission !

Dans un article précédent, je déplorais l'utilisation du concept d'acceptabilité sociale pour manipuler l'opinion publique et forcer le consentement des communautés. J'argumentais notamment que prêter l'oreille aux communautés, sans leur donner de pouvoir ou même être tenu d'agir face à leur volonté, ne faisait qu'ajouter l'insulte à l'injure. Selon moi, il s'agit d'une stratégie psychologique pour canaliser la colère dans un processus neutralisant.

Formellement, la Commission n'est pas tenue de prendre compte de ce qui a été dit, elle n'est pas redevable à la population, qui ne dispose d'ailleurs d'aucun moyen légal à son égard. À son tour, le MRN n'est pas contraint de considérer le rapport de la Commission dans la conception de sa politique énergétique.

En fin de compte, tout repose sur la confiance. Une confiance qui se désintègre d'année en année, à chaque élection, chaque BAPE inefficace, chaque réforme avortée. Toutes les fois où les lobbyistes des industries réussissent à influencer les élus-es, l'illusion de la démocratie représentative s'effrite un peu plus.

Parce qu'au-delà du spectacle, les droits humains (droit à un environnement sain, droit à l'autodétermination) sont bafoués et les écosystèmes dépérissent. Il n'est pas trop tard pour faire du Québec une société verte et solidaire !

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Trois recommandations

Le Réseau québécois des groupes écologistes a produit un mémoire dans le cadre de la Commission sur les enjeux énergétiques. Dans ce document, nous proposons trois recommandations courageuses.

Premièrement, nous réitérons qu'il faut miser sur la production d'énergies renouvelables. Ceci exclut l'énergie hydroélectrique, elle qui implique un dommage collatéral immense et dont le potentiel est déjà amplement entamé. Les cas de la Romaine et de Val-Jalbert se sont déjà avérés êtres des échecs, tant au point de vue environnemental que social et économique. Sur la Côte-Nord, les Innus ont été bafoués dans leurs droits et réprimés violemment par la police. Cela doit cesser. Il faut mettre fin immédiatement au développement des barrages de la Romaine et cesser le harnachement d'autres rivières du Québec jusqu'à tant que tous les efforts aient été consentis pour réduire la consommation d'énergie per capita.

Deuxièmement, l'exploration d'énergies fossiles. Sans équivoque, nous affirmons qu'il faut absolument éviter de développer cette filiale. Plusieurs communautés, scientifiques et économistes s'y opposent. Qu'il s'agisse de forage en mer, de puits en Gaspésie ou à l'Île d'Anticosti, de gaz, d'huile ou de pétrole de schiste, leur exploitation est irresponsable et surtout inutile. Il faut interdire immédiatement l'exploration et l'exploitation des énergies fossiles au Québec.

Troisièmement, il faut redéfinir complètement la façon dont le gouvernement encadre les projets de développement industriel et extractifs. Actuellement, le gouvernement se fait partenaire du secteur privé, qui tente d'implanter des projets (ex. mines) dans des communautés déjà fragiles qui ont ensuite à porter le fardeau de la preuve. Ainsi, ce sont les victimes potentielles de ces projets qui doivent démontrer les impacts négatifs du dit projet. Le gouvernement, de pair avec le secteur privé, procède à des démarches d'acceptabilité sociale (un peu comme cette Commission) qui ont pour objet de faire accepter le projet, et non d'habiliter la population à s'autodéterminer, que ce soit pour accepter ou refuser. Cette démarche est une violation des droits humains, qui précisent que le consentement doit être libre et éclairé.

Aussi, lorsqu'on juge que la population n'est pas suffisamment dense pour peser dans l'équation, par exemple pour l'île d'Anticosti, il est impératif de s'en remettre à l'appui à grande échelle, toujours de façon amplement informée par la communauté scientifique. Il faut intégrer pleinement la Charte des droits et libertés de la personne dans l'encadrement gouvernemental des projets énergétiques ou extractifs. Cela implique notamment de donner à une communauté le droit de refuser. Le consentement doit être libre et informé. Conséquemment, la mission et le fonctionnement du Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) doivent être réformés de fond en comble.

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