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Augmenter les droits de scolarité des étudiants français?

Depuis une entente établie en 1978, les étudiants français paient les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois. Plutôt que de pointer les étudiants français bénéficiant de cet accord et d'en faire des «privilégiés», ne faudrait-il pas plutôt se demander pourquoi un montant aussi élevé de droits de scolarité est exigé pour les étudiants étrangers?
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Si les questions relatives à l'enseignement supérieur ont largement été absentes de la campagne électorale, ce qui est regrettable au vu des nombreux enjeux sur la table (Conseil des universités, loi-cadre, financement, aide financière aux études, etc.), il y a néanmoins un sujet particulier qui a été abordé par les deux partis principaux : la question des droits de scolarité des étudiants français au Québec.

En effet, depuis une entente établie en 1978 entre les gouvernements français et québécois, les étudiants français paient les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois, soit environ 2300$ par année. De leur côté, les étudiants canadiens non-résidents au Québec paient environ 6300$ par année et les étudiants étrangers entre 14 000 et 15 000$ par année.

Or c'est cette entente établie depuis 36 ans qui est aujourd'hui remise en cause à la fois par le Parti québécois et le Parti libéral, bien que ce soit selon des modalités différentes.

En effet, tel que proposé dans le budget déposé en février dernier, le Parti québécois recommande de « revoir le partage du coût de formation des étudiants provenant à l'extérieur du Québec ». Parmi ces révisions, la question des exemptions accordées aux étudiants étrangers, lesquelles totalisent « le tiers de la facture exigible », est au premier plan. Des exemptions qui bénéficient avant tout aux étudiants français en raison de leur nombre important. Néanmoins, la nature de cette révision (s'agit-il d'aller vers une abolition totale de l'exemption ou davantage vers une reconsidération de l'entente?) ainsi que l'augmentation des frais qui en résulterait pour les étudiants français ne sont pas spécifiées.

Une spécification que n'a pas hésité à faire de son côté Philippe Couillard, chef du Parti libéral du Québec, lors d'une sortie médiatique effectuée la semaine passée. Ce dernier recommande que l'ensemble des étudiants issus de la francophonie paient les mêmes droits que les étudiants canadiens au lieu de payer les droits destinés aux étudiants internationaux (soit 6300$ au lieu d'environ 15 000$). Une mesure qui implique selon lui l'abolition de l'accord franco-québécois, ce qui ferait en sorte que les étudiants français paieraient les mêmes droits que les étudiants canadiens. De cette façon, la facture des étudiants français passerait de 2300$ environ par année à 6300$ environ. Une hausse drastique.

Quant à l'argument évoqué, soit celui d'une mise à niveau des étudiants français vis-à-vis des étudiants canadiens, il n'est pas sans rappeler celui répété par les promoteurs de la hausse des droits de scolarité en 2012: il s'agissait en effet pour le Québec de hisser ses droits de scolarité au niveau de la moyenne canadienne afin de récupérer son « retard ». S'agit-il aujourd'hui de demander la même « juste part » aux étudiants français?

Encore une fois, les choses semblent prises à l'envers: plutôt que de pointer les étudiants français bénéficiant de cet accord et d'en faire des « privilégiés », ne faudrait-il pas plutôt se demander pourquoi un montant aussi élevé de droits de scolarité est exigé pour les étudiants étrangers? Qu'est-ce qui justifie un tel écart entre les étudiants québécois et étrangers (de 2300$ à environ 15 000$)? En France par exemple, aucune différenciation des droits de scolarité n'est faite entre les étudiants français et étrangers, et ce malgré une immigration francophone importante.

Par ailleurs, si les étudiants français paient les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois, il serait faux de dire que, bien que leurs parents n'aient pas payé d'impôts au Québec, ils bénéficient des mêmes conditions d'études que les étudiants québécois : en effet, un étudiant français, comme tout étudiant étranger, n'a pas accès à l'aide financière aux études quelque soit sa propre origine sociale. Il n'a pas non plus accès à la grande majorité de bourses comme celles provenant des principaux organismes subventionnaires fédéraux et provinciaux, des bourses pourtant cruciales pour réussir aux cycles supérieurs. Enfin, il a un nombre d'heures de travail possible limité une fois obtenu son permis de travail hors campus (20h/semaine maximum), ce qui prend au minimum un an sur le territoire canadien.

Enfin, les déclarations sur la question des droits de scolarité des étudiants français manquent de données : combien d'étudiants français engagés dans des programmes universitaires finissent par effectuer une demande de résidence permanente et payer à leur tour des impôts? À l'inverse, quelle est la proportion d'étudiants français qui repartent chez eux une fois le diplôme en poche? Ne serait-il pas possible d'effectuer une différenciation entre ces deux types d'étudiants?

De la même façon, si on évoque le fait que de plus en plus d'étudiants français viennent étudier au Québec (une hausse de 90% depuis 2006) et s'il s'agit d'une donnée à prendre en compte, avant que d'imposer une hausse des droits de scolarité aux étudiants, la première voie ne consisterait-elle pas à engager des pourparlers avec le gouvernement français face à cette nouvelle situation? Ou peut-être préfère-t-on faire reposer sur le dos des seuls étudiants la nouvelle charge afin qu'ils se sentent pleinement responsables de leur « investissement personnel »?

La question n'est évidemment pas simple et demande davantage que des déclarations à l'emporte-pièce.

Mais au-delà du propre cas des étudiants français, cette volonté d'augmenter les droits de scolarité des étudiants étrangers soulève in fine la question de l'université que nous souhaitons dans l'avenir : tout comme nous avons revendiqué une université accessible à tous et à toute au printemps 2012, et ce, quelque soit l'origine sociale des étudiants, souhaitons-nous une université ouverte aux seuls étudiants étrangers provenant des milieux aisés? Souhaitons-nous que seule une élite internationale puisse avoir accès aux universités québécoises? Bref, est-ce seulement l'argent des étudiants étrangers que nous souhaitons aller chercher ainsi que le haut des classements internationaux universitaires (le nombre d'étudiants étrangers au sein d'une université est un critère important dans le calcul des classements internationaux), ou bien considérons-nous également que la diversité de leur connaissance et de leur perspective est un atout pour le Québec?

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