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Le retour à l'école des enfants pauvres

Je voudrais que tous les petits Québécois puissent avoir une belle rentrée. Que dis-je, juste une rentrée avec ce qu'il faut pour s'éduquer et avoir une chance de se sortir de la misère.
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Déjà, ça sent la rentrée.

La rentrée scolaire chez nous est synonyme de plaisir. On va au Bureau en gros pour la liste scolaire, on habille les petits, on achète des souliers, des petits manteaux d'automne qui vont être portés au gros max trois fois, et on achète des sacs à dos trop chers qu'on va changer l'année d'après.

Ça, c'est nous autres. Nous autres, on est chanceux.

Maintenant, je peux me le permettre. Quand j'étais jeune, ça ne se passait pas comme ça. La rentrée scolaire était un gros stress pour ma mère monoparentale sur l'aide sociale et ses quatre enfants.

La rentrée scolaire est un gros stress pour des milliers de gens qui n'ont pas les moyens.

Il y a des enfants qui n'auront pas leurs fournitures scolaires le 1er septembre par faute de moyens.

Et là y'en a qui disent que ça coute pas si cher, ou que les gens sur l'aide sociale ou au salaire minimum ont les moyens. J'ai des petites nouvelles pour eux.

Pour que tout le monde comprenne ce que vivent de nombreux Québécois, j'ai deux exemples (vrais) pour vous. Deux exemples qui pourraient être n'importe qui. Deux exemples qui pourraient bien être nous, si la malchance s'abattait sur nous. Ah oui, parce que la malchance frappe n'importe qui. (Seuls les noms ont été changés.)

Marie 28 ans, qui était serveuse dans un restaurant, a perdu son boulot. Elle n'a pas droit au chômage, a deux enfants de 6 et 9 ans. Le père à disparu dans la brume. Un des enfants a de gros troubles d'apprentissage et de comportement, et ça lui demande énormément. Elle survit grâce à l'aide sociale.

Pour ceux qui ont envie de la juger, elle aimerait se trouver un «vrai» job, mais c'est difficile, elle n'a pas de secondaire 5 et son plus vieux lui demande beaucoup de temps. Le Centre jeunesse l'aide parfois à gérer sa situation. Elle espère pouvoir reprendre sa vie en main bientôt mais, en attendant, la rentrée arrive, et l'argent ne rentre pas plus. Elle ne consomme pas, ne fume pas, ne boit pas. La vie, des fois, c'est une série de bad lucks. Marie, c'était une enfant des Centres jeunesse. Au moins, elle réussi à s'occuper de ses enfants.

Son budget:

Elle recoit 23 500 $ par année au total de l'aide des gouvernements. On peut dire 1 958 $ par mois. Une fortune...

Ses dépenses mensuelles :

  • Loyer de son 4 ½ dans Hochelaga tout inclus : 950
  • Épicerie et subsistance: entre 600 et 800
  • Médicaments : 100
  • Dépenses imprévues : 50

Ça ne laisse pas une maudite cenne de lousse pour la rentrée...

Coûts pour la rentrée :

  • 41 à verser à l'école
  • 100 chacun de fournitures scolaires
  • 90 de vetements et chaussures au comptoir d'aide
  • 231, fois 2 enfants : 462

Marie va être 462 piastres dans le trou. Marie n'a pas de carte de crédit. Marie n'a personne a qui demander les 462 piastres...

Pour la rentrée, Marie va couper sur la bouffe et dans son orgueil, et elle va aller au centre d'aide chercher de la nourriture. Le Centre jeunesse va peut-être l'aider avec un peu de fournitures scolaires.

Et Marie n'a plus d'argent pour une passe d'autobus, fait que Marie et ses enfants vont marcher. Hiver comme été, Marie et ses enfants marchent. Ça garde en forme, vous me direz. Surtout quand on n'a pas une cenne pour inscrire nos enfants à des activités sportives.

Les BS, ça s'organise comme ça peut.

Et il n'y a pas juste les BS qui «rushent» avec la rentrée.

Caroline et Marco ont deux enfants de 8 et 14 ans. Caroline travaille à temps partiel comme caissière dans une épicerie, elle gagne 11 $ de l'heure. Marco, lui, travaille à temps plein dans une manufacture à 15 $ de l'heure. Marco fait à peu près 30 000 $, Caroline a peu près 10 000 $. Caroline voudrait travailler plus, mais elle se remet d'une dépression. Tranquillement, elle va pouvoir augmenter ses heures. Mais en attendant, la rentrée arrive pareil.

Avec les crédits d'impôt et les allocations, ils font environ 40 000 $ clair. Eux autres aussi, ils ont de la misère à joindre les deux bouts. Pourtant, ils ne sont pas des assistés sociaux. Ils font environ 3 333 $ par mois.

Budget :

  • Loyer tout inclus du 5 et demi : 1 100
  • Passes d'autobus : 300
  • Épicerie : 1 000
  • Sports des deux enfants : 100
  • Médicaments : 50
  • Service de garde et de dîner : 100
  • Cable et internet : 100
  • Assurances : 125
  • Psy :200
  • Imprévus : 100

Total : 3 275 $

Il leur reste un gros 58 $. Mais le psychologue va bientôt être fini. Y vont récupérer leurs 200 $ par mois. Mais pas avant la rentrée. Et leur rentrée coûte cher.

Coûts pour la rentrée :

  • 115 à verser à l'école
  • 120 chacun de fournitures scolaires
  • 150 de vêtements et chaussures

Total de 385 $ X 2 enfants : 770 $

770 piastres qu'ils n'ont pas, 770 piastres à trouver d'ici la fin août pour que leurs enfants puissent rentrer à l'école.

Pourtant, ils ne se sont pas des BS... Ils ne sont pas non plus dans la catégorie la plus pauvre des travailleurs.

Ça fait réfléchir. Ça me fait réfléchir. Et ça dérange, aussi. Ça dérange, parce que ces enfants là existent pour vrai. Peut-être pas si tu habites à Ville Mont-Royal, mais regarde l'autre bord de la clôture: ils y sont. Si tu habites Fontainebleau, lâche tes batons de golf et viens à Sainte-Thérèse. Là aussi, ces enfants existent.

Je voudrais que tous les petits Québécois puissent avoir une belle rentrée. Que dis-je, juste une rentrée avec ce qu'il faut pour s'éduquer et avoir une chance de se sortir de la misère.

Avoir juste ce qu'il faut pour briser le (excusez-moi) crisse de cercle vicieux de la misère dans lequel ils sont pris.

Cette année, si tu as de l'argent pour acheter des sacs à dos trop chers pour tes enfants, prends donc un peu de ton argent pour aider ceux qui en ont besoin. Prends un peu de tes moyens pour donner une chance à un kid qui n'a pas les moyens de s'offrir un sac a dos et ce qui va dedans pour mettre les pieds à l'école.

Pouvoir apprendre, ça change des vies. C'est moi qui te le dis, ça a changé ma vie.

Si tu trouves pas où donner, fais-moi signe.

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Mai 2017

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