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Mon chat et sa mort

Il est le seul lien entre mes 20 ans et aujourd'hui. Il était là quand je vivais d'insouciance, quand je vivais mes brefs amours, quand je pleurais ces mêmes amours toujours trop courts. Il m'a attendu quand je suis parti découvrir le monde. J'ai passé ma vie avec lui.
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Il est le seul lien entre mes 20 ans et aujourd'hui. Il était là quand je vivais d'insouciance, quand je vivais mes brefs amours, quand je pleurais ces mêmes amours toujours trop courts. Il m'a attendu quand je suis parti découvrir le monde, il m'a vu fumer un joint, dormir, peut-être même baiser. Il a vu passer plein de colocs, il m'a vu étudier pour devenir infirmière, devenir infirmière. Il a vu mon futur mari, il est venu s'installer avec moi chez lui, il m'a vu me marier, il m'a vu attendre mon premier enfant, mon deuxième, il a passé sa vie avec moi. J'ai passé ma vie avec lui.

Aujourd'hui, j'ai 36 ans, lui 15. En âge de chat, il a donc 85 ans. Il est vieux. Je ne suis même pas au milieu de ma vie. Je trouve ça injuste. Ça me fait même pleurer. Souvent même. Pourquoi les chats ne vivent pas aussi longtemps que nous, que moi?

Dernièrement, mon chat est devenu diabétique... à 15 ans. J'ai dû le faire hospitaliser pour trouver ce qui n'allait pas. Je ne savais pas quand arrêter. Je veux dire que le vétérinaire, ce n'est pas gratuit. Chaque jour qui passait me coûtait une fortune. Une semaine de salaire. Mais s'il y a une dépense que je ne regretterai pas, c'est bien celle-là. Puis le verdict est tombé : diabétique. Tout le monde autour de moi m'a suggéré de le faire euthanasier.

Je ne sais pas pourquoi les gens me jugent de ne pas expédier mon chat à la mort. Je suis peut-être égoïste. Je veux le garder avec moi. J'apprivoise sa vieillesse. Je me projette en lui. J'espère tant que lorsque je serai comme lui, on ne m'expédiera pas vers la mort. Après tout, ce chat est mon chat. Il l'était alors qu'il était beau et enjoué. Il l'est encore vieux, boiteux et grisonnant.

Mais pour qui se prennent-ils? Qui d'autre que moi pour décider ce qui est le mieux pour lui? Qui d'autre que moi pour juger ce qui est le mieux pour lui? Je connais toutes ses habitudes, ses regards, ses humeurs, ses peines et ses caprices.

Le hic, c'est que ce satané chat ne parle pas. J'ose donc croire qu'il pense comme moi.

Quand je serai vieille, je veux qu'on s'occupe de moi. Je veux que l'on prenne du temps pour me monter sur le sofa, pour ramollir mes plats, qu'on m'installe au soleil, qu'on m'aide à aller à la toilette, qu'on me câline et qu'on m'aime encore. Je crois que la vieillesse, sans la douleur, fait partie de la vie. Et je crois qu'Homer, mon chat, pense comme moi.

Alors j'ai choisi de m'occuper de lui. Je le pique deux fois par jour. Je l'aide à monter sur les meubles où jadis il grimpait seul. Je l'installe au soleil. Je me lève la nuit pour lui donner un peu de nourriture molle. Je pleure la nuit parce que je ne sais pas combien de temps encore j'aurai la chance de me lever pour lui donner à manger. Je lui parle d'avant. De quand il était jeune. Des endroits où l'on a vécu. Des coups qu'il a fait. De nos souvenirs. Je lui demande s'il est d'accord pour vivre encore un peu ou s'il aimerait mieux partir au paradis des chats. Et je l'avertis qu'en fait, je n'ai aucune crisse d'idée si le paradis des chats existe. Mais que j'espère. Que je serai là. Qu'il m'attende là haut quand il y sera.

Et je me trouve un peu folle. Ça doit être ça, être une crazy cat lady. Parler à son vieux chat. Lui demander de me donner un signe s'il préfère mourir. Attendre ce signe. Voir qu'il ne vient pas et lui donner les meilleurs moments, en attendant.

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