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J'ai 36 ans. Je suis une enfant de BS. J'ai été élevé en campagne par une mère monoparentale, fumeuse, de quatre enfants sur l'aide sociale dans une vieille maison. On a été chanceux grâce au bien-être social. Sans ce BS, ma mère n'aurait pas pu faire de nous sa priorité. Sans ce BS, nous aurions eu bien des chances de mal finir.
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J'ai 36 ans. Je suis une enfant de BS. J'ai été élevée en campagne par une mère monoparentale, fumeuse, de quatre enfants sur l'aide sociale dans une vieille maison.

Ma mère recevait le bien-être social et une pension alimentaire de (tenez-vous bien) 300 $ par mois pour ses quatre enfants. Pas un sou de plus pour les fournitures scolaires ou autres. Moins de 1000 $ par mois pour faire manger, habiller, loger, divertir, soigner quatre kids puis acheter ses cigarettes.

Aujourd'hui, nous sommes tous gradués du cégep ou de l'université. Aucun enfant n'est sur l'aide sociale ou au chômage. Nous sommes tous propriétaires. Aucun des enfants n'a eu de démêlés avec la justice. Nous avons à notre tour des enfants. Nous sommes en santé physique et mentale. Bref, je crois que nous avons tous bien réussi.

Nous sommes des enfants de BS, comme des milliers d'autres enfants québécois.

Ma mère n'avait pas de contraintes au travail. Aucune contrainte, sauf nous. Pas de garderie et pas de voiture en campagne, les chances de se trouver un travail étant égales à zéro. Par chance, grâce à cette maison en campagne, nous avons pu grandir loin de la misère sociale et des rues pauvres de Montréal. Si ma mère avait été obligé de travailler, nous aurions dû vivre dans un quartier pauvre de Montréal, dans un 3 et demi. Ces quartiers pauvres attirent la criminalité et cette criminalité touche les ados. Puis les ados lâchent l'école et finissent mal. Pas toujours, mais avec un risque plus élevé. On a été chanceux.

On a été chanceux grâce au bien-être social. Sans ce BS, ma mère n'aurait pas pu faire de nous sa priorité. Sans ce BS, nous aurions eu bien des chances de mal finir. Grace à ce BS que ma mère recevait, nous sommes quatre kids devenus adultes qui travaillent, qui paient des impôts et qui contribuent à la société. Imaginez si le BS avait eu une durée limitée. Je ne sais pas ce qu'on serait devenu. Je ne veux même pas y croire.

J'ai lu aujourd'hui François Lambert qui écrit sur les luxes que se paient les BS avec « son » argent de contribuable. Un paquet de cigarettes puis une bouteille de bière semblent être des luxes pour Lambert. J'ai lu aussi que bien des BS n'ont pas de contraintes au travail. Puis que le BS, ça dure trop longtemps.

Cher François, ma mère a aujourd'hui 62 ans et tente de se trouver un travail. Elle a réussi à travailler dans un commerce après avoir élevé sa famille sur le BS. Le commerce a fermé. Elle a pris son chômage. Elle a terminé son secondaire 5. Elle a tout fait pour essayer de travailler, elle ne trouve pas. Au chômage, on lui a dit : « Ben là, attendez d'avoir 65 ans, vous aurez votre revenu garanti ». Et là, le chômage est terminé. Elle n'a pas de contrainte au travail. Qu'est ce qu'on fait avec elle? On lui enlève son verre de vin? On lui dit de flamber ses minces économies (avant d'avoir du BS) ? On la laisse vendre son char avant de l'aider ? De l'aide, il n'y en a pas. Ma mère n'est pas seule.

Connais-tu Roger? 55 ans, il a toujours travaillé dans la même compagnie. La compagnie ferme. Il prend son chômage, mais le chômage termine. Roger a appliqué partout. Personne ne le rappelle. Pourtant, il n'a pas de contrainte au travail. Il va au chômage, s'ouvre une bière certains soirs pour relaxer. On fait quoi avec Roger, François? On lui coupe sa bière, puis après?

Johanne a 39 ans. Elle a deux enfants. Elle est monoparentale. Son ex a disparu dans la brume. Elle n'a pas de pension. Elle vient de se faire mettre dehors de sa job à 11 $ de l'heure parce que son boss trouve qu'elle manque trop souvent à cause de son gars qui a des troubles de comportement. Johanne n'a pas de contrainte au travail. Sauf son look peut-être. Elle n'a pas d'argent pour se payer le dentiste, donc elle a perdu deux dents en avant. Puis elle a des kids aussi. Comme ma mère. Donc Johanne n'a pas le droit au chômage parce qu'elle s'est fait crisser dehors. Donc Johanne s'en va sur le BS. Puis Johanne fume, des fois. Encore plus parce que là, elle ne sait plus comment elle va payer son loyer le mois prochain. On fait quoi avec Johanne, François? On lui coupe ses topes, puis après? On lui coupe le BS au bout de deux ans puis après, François? On fait quoi? Vas-tu prendre ses enfants chez vous pour l'aider? Vas-tu donner du temps pour l'organisme qui habille les kids de Johanne le temps qu'elle se replace? Vas-tu embaucher Johanne pour lui donner une chance? Vas-tu embaucher une fille édentée, pauvre, avec des kids, dont un à problèmes?

Il y a aussi Geneviève, qui sort du Centre Jeunesse. Elle a 19 ans, pas de job. Sur le BS à 19 ans. Pas d'expérience. Sauf celle du viol à 8 ans, mais ça, c'est pas dans son CV. Elle n'a pas de contrainte au travail. Elle vit dans un 1 et demi. Elle n'a pas eu de parent pour lui faire un trousseau. C'est un organisme de Montréal Nord qui l'a aidée. Es-tu allé à cet endroit? Tu verrais, il y a plein de gens sur le BS, qui n'ont pas de contrainte au travail, qui vont là. La jeunesse qu'on a eue des fois, c'est une crisse de contrainte.

Pourquoi j'écris ça? Parce que c'est facile de lancer de belles solutions pour couper sans se soucier des gens. Tu sais ce qui est difficile: trouver de vraies solutions durables pour aider en premier puis après couper. On ne peut pas couper avant d'aider. Ce n'est pas vrai qu'il y a des jobs pour tout ce beau monde sur le BS. Ce n'est pas vrai qu'il faut être handicapé pour avoir une contrainte au travail. Des contraintes, c'est pas toujours clair. Comme moi, je n'étais pas considérée comme une contrainte pour le gouvernement, mais j'en étais une pour ma mère.

Trouvons des solutions durables, des programmes d'emploi pour tous, partout, des formations qui garantissent des emplois, des programmes pour les 50 ans et plus qui veulent travailler, des programmes pour les jeunes puckés, des organismes qui aident après les Centres Jeunesse, des possibilités pour les mères monoparentales dans la misère avec de jeunes enfants. Trouvons ça avant de lancer dans les airs que le BS est ben trop généreux.

François, ça devrait bien plus t'indigner que l'argent de tes impôts paie les luxes de certains ministres plutôt qu'un pauvre BS qui s'achète un sac de chips puis un paquet de cigarettes.

Ce billet a aussi été publié sur le blogue personnel de Bianca Longpré Moi Celestia

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Mai 2017

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