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Ma vie plate de mère sur Facebook

Quand je vois des fillettes toujours bien peignées et des mères qu'y'ont même pas l'air, oui ça me chicote. Même si je sais que ce n'est pas tout le temps vrai, ça fait que je me remets en question.
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Être parent dans la vraie vie ce n'est pas de la tarte. J'en ai trois des kids. Pis, comme la majorité des parents, je suis sur Facebook. Aussi bien vous le dire tout de suite, Facebook, c'est comme du poison pour les parents.

Vous allez comprendre. Mes amies, qui sont en grande majorité des femmes, sont divisées en deux gangs. Celles avec des kids et celles pas de kids.

Celles sans kids me font remettre en doute chaque jour le fait d'avoir des enfants. Je m'explique.

J'ai lâché ma job de cadre et de productrice pour devenir mère. Ok, j'écris et j'aime ça, mais on s'entend que cette job là, je la fais en leggings pis pas de brassière. Il a fallu que je fasse des sacrifices: moins de voyages, moins de sorties, moins de coiffeuses, moins de beaux vêtements, etc. Mes amies pas de kids me rappellent chaque jour les sacrifices que j'ai dû faire. Pas que je les regrette ces sacrifices-là, mais une nuit où j'ai pas dormi, que j'ai l'air du y'able pis que j'ouvre mon Facebook et que je tombe sur mes amies avocates, profs, femmes d'affaires ou représentantes toutes bien mises un mardi midi, c'est sûr que ça devient du poison. Je me compare.

T'sé, mes amies professionnelles pis toutes celles avec un boulot, elles sont valorisées sur Facebook. Si tu mets une photo de toi en toge ou dans une classe pleine d'enfants, c'est certain que tout le monde va écrire des belles choses. Même si tu es prof et que tu mets une photo de toi fatiguée, tes amis vont commenter en te disant que tu fais la job la plus importante du monde. Moi, si je mets une photo de ma tronche dans un salon en bordel après trois nuits à m'occuper de trois enfants qui ont la gastro, je ne pense pas avoir ben ben de «likes». C'est plate mais c'est ça. Pour avoir des bons mots sur Facebook faut que je mette des photos de mes enfants qui réussissent dans quelque chose ou des photos de mes enfants vraiment cutes.

D'ailleurs, y'a ma gang d'amies qui ont des enfants. Ça aussi ça devient du poison. Sur Facebook on met juste des statuts et des photos parfaites. Le petit dernier tout bien habillé, la plus grande avec son bulletin avec des A+, des photos où la maison est impeccable, des photos avec les enfants où l'on paraît bien. Moi quand je tombe là-dessus je capote.

Oui je capote. Je me dis ben voyons donc, elle a trois kids pis sa maison est spic and span comment ça? Et là j'angoisse sur ma maison en bordel. Moi, mon petit de 5 mois est tout le temps en pyjama et je vois passer plein de photos de petits habillés comme des cartes de mode. Là je me dis que je fais quelque chose de pas correct, et attention là, de la confiance j'en ai en masse. Mais quand je vois des fillettes toujours bien peignées et des mères qu'y'ont même pas l'air à boutte, oui ça me chicote. Même si je sais que ce n'est pas tout le temps vrai, ça fait que je me remets en question.

Ça me remet en question aussi sur l'éducation, sur la progression de mes enfants. Quand je vois un des 2000 liens sur l'éducation que mes amies avec enfants postent, je capote. Je le lis et je me dis «Ha non! J'avais pas pensé à ça...» Quand une de mes amies mères met des photos de son petit dernier qui joue à un jeu super éducatif, je me demande tout le temps «Hey mon fils en as-tu un jouet comme ça? S'il l'a pas, il va être prêt pour la maternelle dans 4 ans?» Ben oui, je me dis des affaires de même.

Pareil pour l'alimentation, la discipline, les activités, etc.

Et ça, c'est pas juste une affaire de mère. Mon chum par exemple me dit l'autre fois un samedi midi: «Hey regarde, (sur Facebook) mon ami Paul, avec sa blonde pis ses deux enfants y sont en train de grimper une montagne». Nous autres, ce qu'on avait de prévu, c'était d'aller glisser dans le parking à côté. On s'entend que là, le Paul, il met la barre haute en maudit pour le samedi après-midi. Si Paul peut monter une montagne avec ses kids, comment ça que nous autres on n'en monte pas? Monter des montagnes le samedi, mettons que c'est pas dans mes projets. Mais mon chum lui, quand il voit ce que font ses chums, c'est sûr que notre vie a l'air assez ordinaire, merci.

Le poison Facebook c'est autant pour les femmes que pour les hommes. Se comparer c'est pour tout le monde. Mais on dirait que quand tu es dans ta passe «enfant» surtout «jeunes enfants», c'est pire. La parentalité, c'est pas in. Surtout pas quand t'es rendu à 3-4 kids. Au premier peut-être, mais après ça on s'entend que c'est moins in sur des photos pis sur des statuts. Même si le statut «Mon fils a dit son premier mot aujourd'hui» est ben cute, il ne faut pas que tu mettes trop souvent des statuts réalistes du genre «Journée pipi-caca din culottes, pas drôle pour maman qui en a plein les mains» ou «7e crise du bacon pour Thomas aujourd'hui, faque le p'tit est sur Kijiji, avis aux intéressés». Pis là on oublie les photos réalistes d'enfants. Les miens ont toujours les plus laids vêtements quand ils font de quoi de cute ou ils ont les cheveux et les ongles tellement sales que jamais je ne mettrais ça sur Facebook. Pis quand ils sont beaux et bien habillés, ben là, ils font juste se chicaner, alors on oublie les photos!

La réalité parentale n'est juste pas sur Facebook. On ne la voit pas. On ne voit jamais de kids qui frappent sa sœur avec une épée ou une crotte de chien qui traîne dans le salon parce que t'as oublié de sortir le chien. Tu vois jamais de vidéos de parents qui sacrent quand le petit dernier a lancé son verre plein de lait sur le plancher, jamais. Jamais.

Mais même à ça, au lieu de me dire «je vais leur montrer c'est quoi la réalité», j'ai décidé de faire des envieux de ma vie. Je me suis dit que j'allais moi aussi mettre des belles photos de mes enfants pis de ma maison. Que j'allais être bien habillée et maquillée moi aussi sur mes photos Facebook. Faque j'ai commencé ça.

QUELLE JOB!

J'ai commencé par essayer de prendre des belles photos du petit dernier. T'sé des photos comme on voit sur Facebook. J'ai réussi, mais ça m'a pris 1 heure de prendre quatre photos. Quand t'es une mère, gaspiller 1 heure pour des photos ça veut dire que quelque chose d'autre va en pâtir. Faque cette journée-là j'ai skippé le bain des p'tits, mais j'ai pu mettre quatre belles photos sur Facebook. Résultat, une bonne centaine de likes pour mon bébé. Après ça le lendemain j'ai décidé que moi aussi j'allais montrer que j'avais des activités familiales ben le fun la fin de semaine. On est allé glisser. J'ai pris des photos dehors avant de partir, une maudite chance parce que rendu là-bas, mon gars a fait pipi dans sa salopette, ma fille a pété sa coche à cause du traîneau, pis finalement on est revenu 15 minutes après pendant que mon chum me disait que monter une montagne c'est moins de trouble que glisser esti! Mais ça, personne ne le sait. Sur Facebook on avait l'air d'une belle famille qui profite du plein air même si en réalité ça n'avait même pas duré un quart d'heure.

Le soir, même petit jeu pour avoir des belles photos du samedi soir à mettre sur Facebook. Je me suis maquillée, coiffée pis j'ai mis un beau chandail sexy (j'étais en jogging en bas, mais ça, personne ne le savait). Ça m'a pris un bon 20 minutes pour trouver le bon éclairage pour faire disparaître mes rides de front pis il a fallu que je me cache pour ne pas que mon chum me voit de même. On n'avait rien de prévu, il aurait trouvé ça ben louche de me voir en jogging avec un top sexy à faire un selfie avec un verre de vin rouge alors que je ne bois que des bulles et que la seule affaire qu'on avait de rouge à mettre dans une coupe, ben c'était du jus de raisins.

Résultat: plein de likes. Plein de commentaires: «wow, t'es belle!», «Comment tu fais avec 3 enfants pour être belle de même», etc.

Ça commençait à marcher, mais c'était fatigant en crisse. Faire des set up de photos, cacher les rides, le ménage pas fait pis arranger mes kids pour des photos, j'ai pas juste ça à faire moi.

J'ai laissé tombé après 4-5 jours, ben trop brûlant avoir une belle vie sur Facebook.

Je suis retournée à ma vie ordinaire de mère de famille en leggings pas de brassière. Pis j'envie encore mes amies sur Facebook. Je me remets encore en question devant un lien insignifiant qui donne des conseils parentaux. Mais au moins, je sais qu'asteure, ma vie sur Facebook, même si elle a l'air plate, c'est ma vraie vie, la mienne. Pis n'allez pas croire que je ne l'aime pas ma vie. Parfois, c'est juste que le gazon a l'air plus vert chez le voisin, pis parfois, le gazon vert du voisin, y'é photoshoppé.

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