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Petit garçon, je suis désolée

Tu viens de naitre, tu es en vie, mais je ne sais pas si tu auras la chance de devenir un grand. Ceux qui te ressemblent ont deux fois plus de chances de mourir alors qu'ils sont enfants. Cher enfant, je te souhaite de grandir et d'avoir la chance de devenir un grand.
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Petit garçon, je voudrais tant t'expliquer. Tu viens de naitre. Tu es magnifique. Tes yeux et ta peau me rappellent les contes du Grand Nord que j'ai entendus enfant. Ta peau est robuste et tes yeux noirs sont cachés sous tes petites paupières encore closes. Tes mains repliées deviendront grandes et fortes. Elles seront capables de grandes choses.

Petit ange, je ne trouve pas les mots pour justifier les conditions dans lesquelles tu vas peut-être grandir. Je suis du même pays que toi. Je suis Canadienne aussi, comme toi. Je suis citoyenne du plus beau pays du monde. Mais toi, tu viens de naitre dans le coté parfois obscur de ce plus beau pays du monde. Si tu as besoin d'aide, tu seras un Canadien oublié. Un Canadien qui n'intéressera probablement personne.

Pourtant, comme tous les Canadiens, tu devrais pouvoir t'épanouir. Tu as de magnifiques origines. Tes ancêtres ont tout mon respect. Tes ainés luttent pour tes traditions et tes terres. Leur histoire est remplie d'embuches.

Bel enfant, je si suis désolée...

L'oncle de ta mère est aussi ton père. C'est difficile à t'expliquer. Un jour, tu comprendras. Dans mon cœur, petit enfant, j'espère que tu ne poseras jamais ce geste que l'on appelle inceste. Tu es né et ta mère et ton père sont alcooliques. Comme 32% des femmes et 40% des hommes qui te ressemblent. J'ai aussi peur que tu souffres des séquelles de l'alcool.

Tes parents, ils ont aussi fait de la prison, ceux qui ont les mêmes origines que toi en font cinq fois plus que leurs autres concitoyens.

La couleur sur les yeux de ta mère est celle de la douleur. Ta mère, et plusieurs femmes comme elle ont deux fois plus de chances de porter ces marques. Ta mère, alcoolique et criminalisée a peu de chance de s'en sortir. Elle encaisse les coups de son oncle et de son nouvel amoureux. Ces marques ne sont pas celles de l'amour. J'espère tant que tu puisses avoir d'autres modèles. Et que plus tard, tes mains, devenues grandes donnent de l'amour et non des coups.

Tu viens de naitre et tes parents sont pauvres. Ils sont pauvres comme 50% de ceux qui vivent dans le même genre d'endroits que toi. Une majorité de gens qui ont ta peau et tes yeux vivent sous le seuil de la pauvreté. Je suis désolé, je souhaite tant que tu puisses aller à l'école et que tu réussisses. La réalité est que tu n'auras aucun modèle, que tu auras de la difficulté à résister à la drogue et à l'alcool qui seront omniprésents. Tu viens de naitre et déjà, j'ai peur que tu décroches.

Tu viens de naitre, tu es en vie, mais je ne sais pas si tu auras la chance de devenir un grand. Ceux qui te ressemblent ont deux fois plus de chances de mourir alors qu'ils sont enfants. Cher enfant, je te souhaite de grandir et d'avoir la chance de devenir un grand.

Tu vas peut-être pousser et grandir. C'est difificle à dire, mais tu ne mangeras pas à ta faim, comme plusieurs petits que tu côtoies. Ton ventre va gargouiller fort. Tu auras des crampes. La pauvreté, c'est ça. De toute façon, tu ne connaitras pas autre chose. Maudite injustice

Tu ne joueras pas au hockey, ni au soccer. Près de chez toi, il n'y aura pas d'adultes qui s'occuperont d'activités pour les bouts de choux. Tu auras parfois froid la nuit. Le chauffage ne sera pas toujours au rendez-vous. L'hiver sera difficile, parce que tu ne seras pas toujours bien habillé.

Ton grand frère a disparu. Ta mère te dit doucement, alors que tu ne comprends pas encore, qu'il est parti pour toujours. Tu apprendras la vérité bien assez vite, le suicide, c'est chose courante, presque banale pour les gens qui ont tes origines. Tu as huit fois plus de chances que les autres Canadiens de décider de partir pour toujours. Accroche-toi, la vie ne sera pas facile petit.

Tu es si petit et déjà ta vie est hypothéquée.

Tes yeux vont bientôt s'ouvrir sur un monde que tu n'as pas choisi. Si tu en as besoin, tu n'auras pas droit à l'aide à laquelle ont droit les autres petits enfants du Canada. Ta vie sera rude. Devenu grand, on va te critiquer pour ce que tu es devenu en oubliant l'enfance que tu as eue. Tu seras victime de racisme de la part de blancs comme moi.

Devant chaque personne qui a tes origines, devant chaque personne qui a la vie difficile, je repense à toi, petit enfant, les yeux clos, commençant une vie qui offre si peu de chance dans un pays qui se dit défenseur des droits humains. Petit homme, je te souhaite que ton pays ne t'oublie pas, toi et ta famille.

PS: Ce texte ne reflète pas la vie de tous les autochtones. Son seul but est de sensibiliser les gens à la dure réalité que vivent plusieurs enfants et adultes sur les réserves.

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