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Critique de livre : «Les amants du presbytère»

est un roman historico-policier. Par moment, il frôle même la littérature érotique. Dupuy aime la sensualité. Tous ses romans sont teintés de scènes osées.
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Que voulez-vous? «La vie est si courte, parfois! Pourquoi se priver de ce qu'elle a de meilleur?», pense l'abbé Roland Charvaz, vedette du dernier roman de Marie-Bernadette Dupuy, Les amants du presbytère. Pour ce prêtre pas très catholique derrière sa sainte apparence sociale, le meilleur de l'existence est le plaisir de la chair. Il en a même «le diable au corps», pour reprendre le titre du bouquin de Raymond Radiguet.

Et puis, «quand le mal est fait, on n'ose pas faire arrière». On finit par engourdir sa conscience en justifiant sa bassesse.

Ce n'est sûrement pas la première fois qu'un prêtre passe outre à son vœu de chasteté. Comme Charvaz, à une autre époque, plusieurs ont reçu le sacrement de l'ordre sans en avoir la vocation réelle.

C'est ce qui est arrivé au curé de Saint-Germain-de-Montron, en France, au milieu des années 1800. Il est devenu prêtre pour l'honneur : «Je n'ai pas la vocation religieuse et je ne l'ai jamais eue. Ma famille m'a poussé par de sages propos à entrer au Séminaire. Étant le cadet, j'étais sans espoir d'héritage et j'ai préféré la soutane à l'uniforme; on risque moins de se faire trouer la peau ainsi affublé», confiait-il en 1849 à Mathilde de Salignac, la splendide épouse du médecin du village qui deviendra sa maîtresse.

Malgré leur discrétion, d'aventure en aventure, ils finiront par être l'objet de commérages. Mais jusqu'où iront-ils pour préserver leur secret?

Je ne dévoilerai rien en écrivant qu'il s'agit d'une histoire de meurtre. Le roman est inspiré d'un fait historique : la condamnation à la prison à vie de l'abbé Laurent Gothland, le 30 janvier 1851.

Dans l'épilogue de cette fiction fort bien écrite, l'auteure explique : «Cet enfant de Savoie, curé par contrainte, puis par opportunité, fut emmené le 5 avril 1851 au bagne de Rochefort-sur-Mer, sous le matricule 1063. Un an plus tard environ, le 21 mai 1852, il fut transféré à Brest sur le navire Le Laborieux. [...]. Il traversa l'océan Atlantique à bord du bateau Le Duquesne pour arriver à Cayenne le 23 août 1852. De là, on le conduisit sur les Îles du Salut [...], le 5 juillet 1853. [...] Ce fut son dernier voyage, puisqu'il s'éteignit là-bas, le 5 février 1854».

Malgré qu'on connaisse la tragique conclusion du récit, la saga dans laquelle Marie-Bernadette Dupuy fait traverser son lecteur est passionnante. Cette Française, vedette depuis de nombreuses années des Éditions JCL, qui a pignon sur rue au Saguenay-Lac-Saint-Jean, a un don particulier pour la dramatique. Dès qu'on ouvre un de ses ouvrages, on est emporté par son imaginaire.

Roland Charvaz est un prédateur. Mathilde, sa proie, est une femme qui, dit-elle, ne connaît pas la joie en mariage s'étant mariée par raison à un homme, qui pourtant, a pour elle un amour aveugle.

Un jour, avant d'être sa victime, elle confia au prêtre dans la pénombre du confessionnal : «La position sociale du docteur de Salignac a dicté le choix de ma mère, et mon père a renchéri. J'étais si jeune! J'ai obéi. Enfant, j'étais choyé, mais on m'a ensuite envoyé au couvent et, dès que je suis sortie de chez les sœurs, il a fallu me marier. Au fond, je n'ai aucun reproche à faire à mon époux, qui me comble de cadeaux. Mais il s'emporte vite... et il est très jaloux».

Les Amants du presbytère est un roman historico-policier. Par moment, il frôle même la littérature érotique. Dupuy aime la sensualité. Tous ses romans sont teintés de scènes osées. Le plus souvent, ses héroïnes sont honorées du cunnilingus, mais dans cet ouvrage, elle fait appel à l'acte sexuel plus animal et sauvage.

Quelle plume! «Il la plaqua contre lui, émoustillé par sa nudité voilée d'un fin tissu blanc. Ses mains solides de montagnard s'égarèrent, impérieuses. La peau de Mathilde était satinée et tiède. Il la parcourut de caresses hâtives. [...] Il l'allongea sur l'herbe. Lascive, comblée, la jeune femme oublia tout ce qui aurait pu freiner son ivresse : la soutane de son amant, [...] les risques encourus en se livrant à l'adultère dans le jardin familial. Leur étreinte fut brève», mais intense, voire bestiale.

Et puis, «le curé était venu au rendez-vous [...] Sans lui dire un mot, il l'avait embrassée et caressée, étendue sur du foin jauni pour laisser libre cours à son désir, décuplé par la contrariété et la peur d'être surpris en flagrant délit d'adultère. Jamais encore Charvaz ne s'était montré aussi brutal, aussi grossier. À peine son plaisir pris, il l'avait grondé de reproches. Es-tu folle? Un dimanche! »

En confidence, elle lui avait confié au début de leur relation : «Je rêve d'amour, mon père, du véritable amour....» Dans les bras de Roland Charvaz, le découvre-t-elle vraiment? Son retour à la réalité risque d'être cruel. Parfois, on pense trouver ailleurs ce qu'on a déjà auprès de soi. Parfois, on tricote une corde pour s'y pendre. L'illusion paradisiaque qu'apporte la bonne chair peut parfois conduire en enfer. Quand le corps s'enflamme, le diable fait son œuvre.

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