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Les Autochtones du Canada: du pardon à l'action

C'est étrange de penser qu'au plan législatif, chaque «Indien» est encore un bien, voire une possession, de la reine. Cela a assez duré!
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La société canadienne a décidé de se pencher sérieusement sur les problèmes que vivent les Premières Nations et les Métis du pays. Il y a les enjeux dont on parle dans les médias et ceux dont on parle moins. Aussi, il y a les problématiques qui ont pris racine au fil de l'Histoire. On peut déjà constater qu'avec le nouveau gouvernement, on a fait place au «vrai changement». On dirait qu'une nouvelle page de l'Histoire est en train de s'écrire sous nos yeux.

On sent la sincérité de Justin Trudeau. Le 15 décembre, sa demande solennelle de pardon aux Autochtones au nom de l'État fédéral et les larmes qu'il a essuyées après son discours semblaient honnêtes.

«Le gouvernement du Canada présente ses excuses les plus sincères [...] pour avoir manqué à son devoir envers eux, et leur demande pardon», disait-il en pesant sur chaque mot.

Éventuellement, on inscrira dans la petite histoire toutes les injustices que nos prédécesseurs ont infligées aux «Amérindiens» et aux Inuits. Combien de traités n'ont jamais été respectés par l'envahisseur anglophone? Combien de gestes a-t-on posés pour tenter de faire disparaître leurs cultures? Combien de générations vivront avec les séquelles des pensionnats autochtones?

Les leaders aborigènes du Canada ont raison d'estimer que la misère, l'alcoolisme, la violence conjugale et les taux de suicide élevés sont en grande partie l'héritage de l'historique politique d'assimilation forcée à la société dominante.

Les autorités politiques et judiciaires de partout au Canada ont décidé de s'attaquer aux problèmes qui font et refont la manchette dans les médias.

Après, il faudra après aller plus loin. Nous devrons une fois toute régler les questions de revendications territoriales et la fameuse «Loi sur les Indiens», une loi injuste, «contrôlante» et «infantilisante».

Les fameuses réserves ressemblent étrangement à des camps de concentration. C'est étrange de penser qu'au plan législatif, chaque «Indien» soit encore un bien, voire une possession, de la reine. Cela a assez duré!

Justin Trudeau s'est engagé à donner suite aux 94 «appels à l'action» de la Commission de vérité et réconciliation. «Désormais, l'un de nos objectifs [...] est d'accepter pleinement nos responsabilités - et nos échecs - comme gouvernement et comme pays», disait le premier ministre en décembre.

Le premier ministre veut prioriser plusieurs recommandations. C'est tangible. Quelques personnes disent qu'il va trop vite et que les choses sont faites gauchement. Peut-être! Mais au moins, il bouge. Et puis, qu'importe sa vitesse de croisière, il y aura toujours quelques insatisfaits. On chiale quand rien ne bouge et on se plaint encore lorsque ça bouge. C'est typique de l'humain, ça!

Le canot s'est engagé dans un puissant rapide. Il faut ramer vite, à gauche, à droite... Il faut s'activer avant de chavirer et se noyer. On épongera l'eau au fond de l'embarcation en zone plus calme de la rivière.

Commission d'enquête

Les préludes à l'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées sont déjà en marche.

La ministre Carolyn Bennett a institué des consultations dans plusieurs régions du Canada et a mis en ligne un sondage pour aider à définir les paramètres de celle-ci. On veut savoir: qui devrait la diriger et pouvoir y participer? Quels enjeux devraient être abordés? Dans le processus, comment tenir compte des pratiques culturelles des Premières Nations?

Madame Bennett demande de l'aide pour «définir la meilleure marche à suivre possible» pour l'enquête. Il est clair qu'on doive tenir compte des traditions autochtones et de leur rythme.

Pourquoi ne pas éloigner un peu la sphère politique de l'enquête? Pourrait-on la tenir d'une manière indépendante et à la manière des Premières Nations? Cela pourrait devenir une référence législative au Canada. Pourquoi toujours faire à la manière des Blancs?

Et puis, peut-on créer une sous-commission pour le Québec? Le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, a raison sur ce point: il y a «des réalités spécifiques concernant la langue dans la province, sachant que nos Nations et communautés autochtones travaillent dans les deux langues, en français et en anglais».

Le chef Picard aurait pu ajouter que les problématiques vécues au Québec semblent avoir des sources différentes qu'ailleurs au pays. C'est du moins ce que laissait entendre les intervenants rencontrés par Richard Desjardins pour le documentaire Le Peuple invisible, diffusé en 2007.

Dans une entrevue à L'Actualité, parue lors de la sortie de ce dernier, Desjardins décrivait la situation particulière des Algonquins en Abitibi-Témiscamingue, en Outaouais et dans les Laurentides:

«On a bien fait ressortir leurs problèmes de logement. On est dans la capitale mondiale du "deux-par-quatre", pis t'as ces gens-là qui couchent dehors ou dans de vieilles cabanes. Il y a quelque chose d'absurde là-dedans. Tu te promènes le long de la route, dans le parc de La Vérendrye, tu vois des cours à bois partout. Il n'y a rien pour eux, tabarnac! Même s'ils sont là depuis 6 000 ans.»

Il ajoutait: «Dans la communauté de Lac-Simon, 90% des gens sont parents, parce qu'ils se reproduisent entre eux depuis qu'ils ne sont plus nomades. Tu regardes l'annuaire, ce sont les mêmes noms qui reviennent. Si les Blancs ne font plus d'enfants, les Algonquins, eux, en font à profusion. C'est un phénomène propre au tiers-monde... Ils vont bientôt former 25% de la population du Témiscamingue. Il y a beaucoup de filles de 20 ans déjà mères de cinq ou six enfants, pas nécessairement pour de bonnes raisons, parfois juste pour recevoir plus de prestations du gouvernement.»

Enfin: «On a vu des problèmes de drogue (il est plus facile d'avoir de la coke que de la farine, à certains endroits), de suicide et d'alcoolisme chez les jeunes. Pour l'instant, la violence des Algonquins est dirigée contre eux-mêmes. Un jour, ils vont peut-être la sortir de leurs corps, à force d'être victimes d'injustices. À deux endroits, les Algonquins vivent à côté de barrages hydroélectriques, mais ils ne peuvent pas s'en servir et utilisent des génératrices pour s'éclairer. Tu peux bien battre un chien affamé, mais bats-le pas avec un steak, crisse!»

La voie qu'emprunte le Canada doit enfin être la bonne. Le pays a été construit par plusieurs cultures. Bien entendu, il y a celles des Français et des Anglais, mais il y a aussi toutes celles des Nations qui vivaient sur le territoire et en harmonie avec lui bien avant l'arrivée des Européens. Pour une fois, empruntons le sentier juste du bien commun, du respect et de la compréhension mutuelle.

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