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L'Arabie Saoudite, nouvelle génération

À la tête de la première économie du monde arabe, les Saoudiens sont désormais en retrait sur la scène régionale derrière leurs voisins qataris. Il faut dire que les vieux dirigeants du royaume souffrent d'un manque de leadership qui affecte l'efficacité et la crédibilité de la politique de Riyad.
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Members of a traditional Saudi honor guard with their golden swords attend the praying at the Imam Turki bin Abdullah mosque during Eid al-Fitr morning prayers in Riyadh, Saudi Arabia, Friday, Sept. 10, 2010. Muslims pray celebrating Eid al-Fitr, marking the end of the holy lunar month of Ramadan following a month fasting between daybreak and sunset. (AP Photo/Hassan Ammar)
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Members of a traditional Saudi honor guard with their golden swords attend the praying at the Imam Turki bin Abdullah mosque during Eid al-Fitr morning prayers in Riyadh, Saudi Arabia, Friday, Sept. 10, 2010. Muslims pray celebrating Eid al-Fitr, marking the end of the holy lunar month of Ramadan following a month fasting between daybreak and sunset. (AP Photo/Hassan Ammar)

À la tête de la première économie du monde arabe, les Saoudiens sont désormais en retrait sur la scène régionale derrière leurs voisins qataris. Il faut dire que les vieux dirigeants du royaume souffrent d'un manque de leadership qui affecte l'efficacité et la crédibilité de la politique de Riyad.

Qui dirige aujourd'hui l'Arabie Saoudite?

Ce sont les descendants mâles du fondateur-conquérant du pays, Abdelaziz Ibn Saoud, mort en 1953.

Ibn Saoud avait tracé le territoire de son royaume à coups de sabre. Toutefois, il était conscient que cela n'allait pas suffire à le rendre durable. C'est pourquoi il a entrepris de l'unifier en nouant des alliances matrimoniales avec les grandes tribus qui l'habitaient.

Bien que cette stratégie politique ait porté ses fruits, elle a généré un trop-plein d'héritiers. Le système dynastique s'est automatiquement basé sur une transmission adelphique (de frère à frère) du titre royal. Autre conséquence, de nombreux clans au sein de la famille régnante doivent se répartir le pouvoir, dans les ministères, l'armée, le secteur pétrolier ou l'administration des provinces.

Sur le papier, le roi Abdallah dirige l'Arabie depuis 2005. Dans les faits, il gouvernait déjà en régent depuis l'attaque cérébrale de son prédécesseur, Fahd, en 1995. Abdallah est un dirigeant pragmatique, mais c'est aujourd'hui un jeune nonagénaire très diminué... La réalité du pouvoir n'est plus entre ses mains.

Appelé à lui succéder, le Prince héritier le remplace de plus en plus dans ses fonctions officielles. Il s'agit du ministre de la Défense, Salman, qui a été nommé à la suite des décès successifs des princes héritiers Sultan et Nayef en 2011 et 2012. Le problème est que, du haut de ses 77 printemps, Salman reste assez effacé...

En deuxième position dans l'ordre de succession, le prince Mouqrin, ancien chef des Renseignements, a été nommé en février second vice-premier ministre. À 67 ans, c'est le plus jeune fils encore vivant du fondateur. Mais il est aussi l'enfant d'une Yéménite (autrement dit d'un clan mineur) et la disparition du roi Abdallah, auquel il doit son ascension, pourrait le mettre sur la touche.

Sans chef incontesté, le royaume vit une période de transition. Ainsi, la hiérarchie réelle des pouvoirs ne respecte plus forcément l'ordre protocolaire. Face aux enfants vieillissants du fondateur, ce sont les représentants de la nouvelle génération qui émergent désormais.

Les petits-enfants d'Ibn Saoud sont-ils prêts à prendre le pouvoir?

La vraie question est peut-être: est-ce que ses enfants sont prêts à le lâcher? Le royaume y a sans doute intérêt avant que les jeunes ne soient déjà trop vieux. Par exemple, le gouverneur de La Mecque, un fils du roi Fayçal (1964-75), vient de souffler ses 73 bougies...

Et puis, il y a toujours le problème des clans. Qui privilégier pour le trône sans vexer les autres? Le roi lui-même a beau être très respecté, ses proches manquent d'influence.

La situation s'est cependant éclaircie ces derniers mois. En novembre dernier, Mohamed ben Nayef, 54 ans, a finalement succédé à son père, feu le prince héritier, au puissant ministère de l'Intérieur; un portefeuille qui regroupe des attributions allant bien au-delà de son intitulé.

En quelque mois, Mohamed a pris en charge les dossiers chauds de l'immigration, ainsi que du Yémen et du Bahreïn, deux pays en ébullition aux frontières de l'Arabie depuis 2011. Il vient de placer son propre frère à la tête de la province hautement stratégique de l'est, où se trouve l'essentiel des hydrocarbures et des chiites saoudiens...

En juillet 2012, c'était le prince Bandar ben Sultan, 64 ans, ancien chantre des néoconservateurs américains, qui avait été nommé à la tête des Renseignements. Très impliqué en Syrie, il a récemment reçu à Riyad, juste avant sa désignation officielle, le nouveau Premier ministre libanais, Tammam Salam. Ce geste a marqué un important retour de balancier de l'Iran à l'Arabie au Pays du Cèdre.

En outre, depuis la mort du gouverneur de Riyad en mars, plus aucun fils d'Ibn Saoud ne se trouve à la tête d'une province d'Arabie. La deuxième génération ronge de moins en moins son frein: d'une part, le vieillissement (et la disparition) de ses aînés s'est accéléré; d'autre part, les "Printemps arabes" ont révélé combien la gérontocratie saoudienne était déphasée par rapport aux réalités de la région.

L'Arabie va-t-elle vers une plus grande ouverture politique?

Outre la Corée du Nord, l'Arabie Saoudite est sans doute le pays le plus rétrograde au monde. Elle peut difficilement choisir une plus grande fermeture.

Pour ne pas s'aliéner brutalement l'establishment conservateur, le roi Abdallah a choisi la politique des petits pas dans la réforme. Mais face aux contestations croissantes de la société, il a tenté de détourner les revendications politiques (intégration de la minorité chiite, monarchie constitutionnelle...) vers le terrain social, jugé moins périlleux.

Hautement symbolique, la condition féminine est aujourd'hui débattue comme jamais dans le royaume. Depuis février, un cinquième de la Choura (une sorte de proto-parlement) est composé de femmes. Depuis 2011, le droit de vote leur a été accordé et de nombreuses professions leur sont désormais ouvertes.

Mais même cette timide série de mesures suscite l'ire des conservateurs, que la fameuse question de l'octroi du permis de conduire aux femmes fait bondir. Or les successeurs probables du "libéral" Abdallah sont plutôt classés du côté des conservateurs. Le prince héritier, le ministre de l'Intérieur et le chef des Renseignements font d'ailleurs partie du très puissant clan conservateur des Soudaïri.

Mohamed ben Nayef possède un CV particulièrement bien ancré dans le sécuritaire (lutte contre le terrorisme et l'Iran). Mais c'est aussi un réaliste et le premier très haut responsable du royaume né après la mort d'Ibn Saoud. S'il imprime sa marque à l'Intérieur, il devrait avoir l'autorité nécessaire pour s'imposer à la tête du pays et y lancer des réformes.

Il ne faut donc pas s'attendre à une libéralisation rapide. Cependant, l'affirmation de la seconde génération de dirigeants pourrait conduire à un retour de l'Arabie sur le devant de la scène au Moyen-Orient, dans un jour peut-être pas si lointain.

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