Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le faux problème de la bombe iranienne

Depuis 10 ans, le dossier nucléaire iranien empoisonne les relations entre Téhéran et la communauté internationale. Le 25 février, d'énièmes négociations ont repris avec les grandes puissances. Derrière la question de la bombe, c'est la place de l'Iran et de son régime actuel sur l'échiquier diplomatique qui constitue l'enjeu véritable.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Getty

Depuis 10 ans, le dossier nucléaire iranien empoisonne les relations entre Téhéran et la communauté internationale. Le 25 février, d'énièmes négociations ont repris avec les grandes puissances. Derrière la question de la bombe, c'est la place de l'Iran et de son régime actuel sur l'échiquier diplomatique qui constitue l'enjeu véritable.

L'Iran cherche t-il vraiment la bombe?

Le régime le nie. Officiellement, il n'existe d'ailleurs aucune preuve irréfutable. Juste un très large faisceau d'indices parmi lesquels des liaisons établies avec les filières nucléaires pakistanaise et nord-coréenne, ainsi qu'une poursuite acharnée à l'enrichissement d'uranium.

Autant dire que l'aspect militaire du programme nucléaire iranien est aussi officiel que la bombe israélienne: c'est un secret de Polichinelle...

Ce programme date de l'époque du Shah. Le régime islamique l'avait suspendu avant que Khomeiny le réactive durant la guerre contre l'Irak. En 2003, l'opposition en exil en a révélé au monde la teneur. Dès lors, la mécanique des sanctions s'est enclenchée.

Quel est le but de l'Iran?

Aucun pays ne recherche la bombe pour elle-même. Elle est par définition une arme de non-emploi. Depuis les années 50, le consensus international veut que le premier qui l'utilise a perdu.

Dans le cas de l'Iran, l'argument de la "sanctuarisation" du régime n'est donc pas valide. Aucune bombe n'a empêché le régime soviétique d'imploser. Or un effondrement de l'intérieur est précisément la menace principale pour le régime iranien.

Un conflit militaire conventionnel pourrait au contraire lui sauver la mise. Mais la bombe elle-même n'y serait pour rien. Et l'utiliser serait absurde.

Le régime iranien est nationaliste avant d'être religieux. Au-delà de leur art de la provocation oratoire, qui est un peu leur fonds de commerce, ses dirigeants se sont montrés plutôt réalistes en termes d'actions internationales. Rien n'indique qu'ils soient fous. Et l'idée d'envoyer une tête nucléaire sur Israël, pour détruire la ville sainte de Jérusalem et contaminer la région jusqu'à l'Iran pendant des siècles, est complètement invraisemblable.

L'Iran voit dans la bombe un attribut de la puissance, un moyen de s'affirmer sur la scène internationale. Cependant, depuis le début de la crise, son intérêt stratégique a sans doute évolué : c'est le dossier nucléaire lui-même qui donne à l'Iran de la puissance.

En effet, dans le contexte actuel, il serait politiquement trop coûteux de s'affirmer en possession de l'arme ultime, en procédant à un essai nucléaire par exemple. En revanche, l'Iran a maintenant intérêt à devenir un pays "du seuil", c'est-à-dire maîtrisant la technologie sans détenir d'ogives nucléaires proprement dites.

Sur le plan stratégique, cultiver l'ambiguïté permet à Téhéran de gagner constamment du temps et de maintenir la pression sur ses adversaires à la table des négociations. Il faut rappeler que depuis 10 ans on donne régulièrement une échéance de quelques années ou mois avant une bombe iranienne. Une échéance sans cesse repoussée...

Alors quels sont les problèmes posés par cette bombe?

Le vrai problème sécuritaire c'est la prolifération. Une bombe iranienne démontrerait l'incapacité de la communauté internationale à l'empêcher. Et vu les rivalités régionales, la voie serait ouverte à une bombe saoudienne, égyptienne ou turque...

Pour l'État hébreu, un Iran doté d'un arsenal nucléaire introduirait une parité stratégique intolérable. Or la position d'Israël est de compenser son absence de profondeur stratégique par un déséquilibre militaire en sa faveur.

Mais le dossier nucléaire iranien est aussi du pain béni pour le gouvernement israélien. Grâce à cet épouvantail électoral, il évite le vrai sujet de la paix avec les Palestiniens.

La politique des sanctions est-elle efficace?

Durant les années Bush, le nucléaire était vu par les Américains comme un bon moyen de déstabiliser le régime. Or c'était un mauvais angle d'attaque.

La question fait plutôt consensus parmi les Iraniens : la maîtrise du nucléaire - en tout cas civil ! - est de l'ordre de la fierté nationale. La propagande du régime a donc su l'instrumentaliser à son profit. La responsabilité des difficultés du peuple à cause de l'embargo a été reportée sur ceux qui l'ont décrété.

Par ailleurs, si la politique des sanctions a un impact réel sur l'économie iranienne, elle s'est montrée incapable d'empêcher le pays d'approfondir ses activités de prolifération. Sur ce plan, la cyberguerre (via les virus informatiques Flame et Stuxnet par exemple) se révèle bien plus efficace.

Les négociations nucléaires peuvent-elles aboutir à un accord?

Autant le dire d'emblée: Barack Obama semble n'avoir aucune chance de faire approuver un quelconque accord avec l'Iran par le Congrès américain, qui est violemment opposé au régime islamique et fervent partisan d'Israël.

Côté iranien, l'échéance importante est l'élection présidentielle de juin prochain. Le régime va désigner le successeur de Mahmoud Ahmadinejad, lequel est objectivement devenu un poids dont il veut se débarrasser. L'identité du futur président indiquera sans doute si le guide suprême, Ali Khamenei, est prêt à arrondir les angles à l'international ou bien s'entête à rapprocher son régime du précipice.

Les Iraniens sont des négociateurs hors pair, très doués pour la mystification. Mais le régime est sous pression comme jamais. Il pourrait chercher à obtenir un accord global pour se sortir la tête de l'eau, quitte à ne pas en respecter tous les termes ensuite.

A noter que Téhéran voudrait inclure dans le champ des négociations la Syrie, un dossier où il perd progressivement la main à mesure que les forces de son allié, Bachar al-Assad, perdent du terrain.

Étouffé par l'embargo économique, le régime aimerait en tout cas s'attribuer le mérite d'une fin des sanctions. Mais plus que tout, il tient à être reconnu comme une puissance et un interlocuteur incontournables par la communauté internationale, en premier lieu les États-Unis. Pas certain toutefois que cela puisse le sauver.

Le dossier nucléaire est bien un jeu de dupes qui pose la question de l'avenir même de la République Islamique d'Iran.

À VOIR AUSSI

On Bibi’s U.N. Bomb Prop:

Ahmadinejad's Craziest Quotes

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.