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La goutte djihadiste et le vase malien

Il y a un an, le gouvernement du Mali se trouvait confronté à l'avancée des Touaregs armés dans le nord du pays. Aujourd'hui, c'est contre les milices djihadistes que la France est intervenue.
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FILE - In this April 24, 2012 file photo, fighters from Islamist group Ansar Dine stand guard during a hostage handover in the desert outside Timbuktu, Mali. The Mali army attacked Islamist rebels with heavy weapons in the center of the country which divides the insurgent-held north and the government-controlled south, government officials said Thursday, Jan. 10, 2013. (AP Photo/File)
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FILE - In this April 24, 2012 file photo, fighters from Islamist group Ansar Dine stand guard during a hostage handover in the desert outside Timbuktu, Mali. The Mali army attacked Islamist rebels with heavy weapons in the center of the country which divides the insurgent-held north and the government-controlled south, government officials said Thursday, Jan. 10, 2013. (AP Photo/File)

GUERRE AU MALI - Il y a un an, le gouvernement du Mali se trouvait confronté à l'avancée des Touaregs armés dans le nord du pays.

Aujourd'hui, c'est contre les milices djihadistes que la France est intervenue.

Retour sur une crise complexe.

Accueil des forces franco-maliennes à Tombouctou, le 28 janvier. La "cité aux 333 Saints" avait vu nombre de ses prestigieux mausolées être démolis ces derniers mois.

Qui sont les "terroristes"désignés par la France?

Ils se regroupent dans des factions armées distinctes. Ces groupes, idéologisés et pseudo-mafieux, se caractérisent par une forte composante étrangère, ainsi qu'une vraie concurrence entre leurs chefs pour la recherche de pouvoir, de notoriété et d'argent.

Le plus connu est Al-Qaïda au Maghreb Islamique. Il s'agit d'un ancien mouvement algérien, datant de la guerre civile des années 90, qui a repris la "franchise" du réseau de Ben Laden en 2007.

Le MUJAO (Mouvement pour l'Unicité et le Djihad en Afrique de l'Ouest) est un groupe dissident, créé en 2011. Il aurait été formé par des activistes en butte avec la direction algérienne d'AQMI. Il compterait par exemple de nombreux Mauritaniens.

L'algérien Mokhtar Belmokhtar s'est lui séparé d'AQMI fin 2012, sans doute pour incompatibilité d'égo avec Abou Zeid, un commandant central d'AQMI au Mali. Cyniquement, la prise d'otages d'In Amenas a sans doute été vue comme un bon moyen pour lui de "se faire de la pub" et d'affirmer la place de son nouveau groupe.

Apparu en 2012, Ansar ed-Dine (les Partisans de la Religion) est un peu plus particulier. Son chef est un ancien rebelle touareg malien, Iyad Ag Ghali, qui s'est découvert sur le tard une passion pour le djihad. Une particularité de cet habile manipulateur, ce sont ses contacts anciens avec le pouvoir algérien.

Chacun de ces groupes rassemblerait plusieurs centaines, parfois milliers, de combattants. Ils sont très bien armés et ont des moyens financiers conséquents, obtenus grâce à différents trafics illégaux (armes, drogues, otages...). Ils offrent ainsi des motivations et un cadre idéologique aux jeunes hommes précarisés qu'ils recrutent dans la région.

Pourquoi la crise a commencé avec les Touaregs?

Depuis les années 60, ils avaient mené de nombreuses rébellions. Les Touaregs sont un peuple de Berbères, pour beaucoup nomades, dont l'aire de répartition comprend, outre le nord du Mali, le grand sud algérien, le sud-ouest de la Libye et une grande partie du Niger.

La révolte qu'ils ont lancée fin 2011 fut une conséquence indirecte de la chute du colonel Kadhafi, leur principal "parrain" politique. Nombre de mercenaires touaregs qui servaient dans les forces du régime sont repartis avec une grande quantité d'armes et d'argent. Ils n'ont pas été les seuls: le chaos libyen a généreusement alimenté le trafic d'armes et de matériel militaire dans tout le Sahara.

Le billet de Benoît Margo se poursuit après cette galerie vidéo

"Les signataires par le sang" de Mokhtar Belmokhtar

Les mouvements islamistes en Afrique

L'année suivante, la conquête du Nord-Mali s'est faite dans le flou: la frontière entre combattants touaregs et djihadistes était mince. Le MNLA (Mouvement National de Libération de l'Azawad, créé fin 2011) a été dépassé par les évènements après avoir proclamé l'indépendance de l'Azawad ("terre de pâturage", en tamasheq). Les djihadistes ont en effet pris la main: grâce à leur organisation et leurs réseaux, ils ont progressivement chassé le MNLA des villes conquises.

Aujourd'hui, replié dans l'Adrar des Ifoghas, un massif montagneux près de la frontière algérienne, le MNLA veut reprendre l'initiative. Son objectif est de relancer au plus vite les négociations avec Bamako, dans la meilleure position possible.

En mai 2012, la proclamation d'indépendance de l'Azawad n'avait pas suscité l'unanimité au Nord-Mali. Ce territoire est très loin d'être ethniquement homogène

Pourquoi le Mali a été spécifiquement touché?

La savane arborée de la bande sahélienne est techniquement un rivage de la grande mer désertique saharienne. C'est l'origine même du mot Sahel: la "côte", en arabe. D'une certaine manière, les milices n'ont fait que "débarquer" du désert où elles évoluaient en quasi-liberté.

Pourquoi au Mali? Parce que la guerre en Libye y a précipité le déclenchement d'une crise qui couvait déjà depuis longtemps.

Derrière la façade de l'État démocratique, le Mali est d'abord un vaste pays qui manque des ressources nécessaires à sa gestion. Par ailleurs, le président Amadou Toumani Touré (dit ATT, 2002-12) est accusé d'avoir laissé pourrir la situation dans le nord, sous-estimant la menace des milices et niant l'extrême fragilité de la zone.

De son côté, l'armée a traversé une crise de leadership. Mal entretenue, elle s'est désorganisée face à l'avance des rebelles. Le renversement du président par un putsch militaire en mars 2012 a ainsi témoigné des profondes tensions qui affectaient l'État.

Notons enfin qu'entre 2007 et 2009, le Niger voisin avait aussi été la cible d'une rébellion touareg. Si ce pays semble aujourd'hui épargné, c'est en partie grâce à un processus d'intégration volontariste. Depuis 2011, c'est d'ailleurs un Touareg qui est à la tête du gouvernement.

Pourquoi la France est finalement intervenue?

Il était politiquement coûteux pour la France de s'engager, vu son passé controversé de puissance coloniale. Prudent, le président François Hollande s'en remettait à la légalité internationale et aux initiatives africaines.

Après des mois de statu quo, la poussée des djihadistes vers le sud a changé la donne: le risque était grand que la capitale soit rapidement affectée par les combats. Et seule la France avait les moyens de mobiliser, en quelques heures, et les avions et les troupes au sol nécessaires.

L'opération "Serval" est officiellement une réponse à un appel à l'aide du Mali. Sur le strict plan des intérêts français, la protection de nos ressortissants -plus de six mille- a été une priorité. Leur "prise en otage" par les djihadistes aurait été un fiasco politique pour Paris.

En revanche, les avantages économiques de l'intervention sont minimes. Dans la région, la France focalise surtout son attention au Niger, où se trouvent des mines d'uranium hautement stratégiques.

Plusieurs pays africains voisins doivent relever la France dans le soutien à l'armée malienne sur le terrain

Que peut-on attendre de la situation?

Avant l'intervention, on bénéficiait d'une visibilité exceptionnelle des groupes armés. Une fois tout ce petit monde parti se disperser dans le désert et se fondre dans la population, ils vont être beaucoup plus difficiles à cibler.

On revient un peu au point de départ. Les milices vont sans doute reprendre leurs activités favorites: du trafic, des attentats et des enlèvements. Étant donnée l'impossibilité de contrôler efficacement les frontières, ils pourraient choisir de se rabattre vers les pays voisins: leurs réseaux s'étendent aujourd'hui du nord du Nigéria au sud de la Tunisie.

Le Mali, pour sa part, va devoir se reconstruire et rétablir un vrai dialogue national. À plus long terme, la réponse à la crise ne pourra de toute façon pas être militaire. Elle ne se fera qu'avec l'intégration politique et économique de toute la zone saharo-sahélienne.

Quelques photos de la vie des soldats dans la base militaire de Bamako:

Des soldats du 2e Régiment d'infanterie de Marine à Bamako

Les soldats français au Mali

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