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L'inévitable guerre de Donald Trump

En moins d'un mois de présidence, Donald Trump a prouvé à tous ce que plusieurs redoutaient et refusaient de croire : il va diriger le pays de la même façon qu'il a dirigé sa campagne.
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Politique spectacle

En moins d'un mois de présidence, Donald Trump a prouvé à tous ce que plusieurs redoutaient et refusaient de croire : il va diriger le pays de la même façon qu'il a dirigé sa campagne.

Témoins d'une réelle avalanche de décrets présidentiels à la Maison-Blanche, plusieurs prêtent à Donald Trump la vertu de la résolution. Ainsi, les ordres exécutifs de Trump seraient en quelque sorte une preuve de sa détermination.

Or, il n'en est pas du tout le cas. Barack Obama en a signé autant dans ses premiers jours en 2009. En fait, il est coutume que le nouveau président donne un gros coup de gouvernail à son arrivée au pouvoir. Vieille comme le monde, la stratégie a pour avantage de faire paraître son prédécesseur comme faible et passif. Cela donne l'impression que le boss prend enfin les choses en main, que c'est fini, le niaisage.

Aussi bonne que soit la stratégie politiquement, quelqu'un devrait quand même expliquer à Donald Trump que ses décrets ne constituent pas des pièces de législation en soi. En fait, un décret, ce n'est rien de plus qu'un tweet signé. « On construit un mur! On expulse les illégaux! On m'achète un poney! »

Tout ça ne veut rien dire. Le congrès doit encore faire tout le travail : allouer de l'argent pour construire le mur, définir ce qu'est un illégal, vérifier si Trump n'est pas allergique aux poneys, etc. Exemple fort éloquent de l'impuissance d'un décret : Obama a ordonné la fermeture de la prison de Guantanamo en 2011.

Donald Trump pense peut-être qu'il vient d'être élu Georges le IIIe, mais très vite la réalité va le rattraper.

Le vrai pouvoir

Malgré tout ce que je viens de dire, le président des États-Unis possède quand même un pouvoir et une légitimité quasi incontestable sur les questions de politique étrangère et c'est d'ailleurs à ce niveau que ça pourrait dramatiquement mal tourner.

Cette semaine, il a ''mis en garde'' le régime iranien à propos de ses tests de missiles avant d'imposer des sanctions contre le pays. Évidemment, le tout par Twitter.

En réponse à ces menaces publiques, le régime iranien a mené de nouveaux essais quelques jours plus tard et a bloqué l'entrée à des sportifs américains. Auparavant, ce genre de concours de virilité avait lieu en privé et sous une plate-forme diplomatique, mais nous sommes dans une nouvelle ère. C'est l'ère Trump.

En campagne, il a répété à plusieurs occasions qu'il allait « déchirer en pièces » l'accord entre les États-Unis et l'Iran ayant pour but d'empêcher l'état islamiste de mettre la main sur l'arme nucléaire. Maintenant qu'il est président, je pense qu'il est important de discuter de solution à cet accord.

Considérant que l'Iran a pour politique publique d'annihiler Israël et que des foules scandent dans la rue des chants de « death to America! », je n'ai pas besoin de vous faire un dessin pour vous expliquer qu'il n'aime pas l'Occident. En fait, il prend un plaisir malin à le mépriser. Lorsque des contre-torpilleurs américains circulent dans les eaux internationales près de l'Iran, de petits bateaux iraniens en profitent pour les intimider et gêner leurs opérations en les encerclant. C'est classique. Sous Obama, les navires américains avaient ordre de ne pas répondre à moins d'être en danger direct. Trump, lui, a dit en campagne que ces bateaux seraient « shot out of the water ».

En cette attitude cavalière et grossièrement provocatrice, il y a un potentiel pour une dangereuse escalade meurtrière.

En étranglant le régime iranien de sanctions avec l'aide de plusieurs pays européens, Obama a réussi contre toutes attentes à faire signer un accord hautement contraignant. Ainsi, l'Iran peut maintenir quelques installations nucléaires qui seront inspectées par les Américains comme bon leur semble. Les armes nucléaires nécessitant de l'uranium enrichi à 90%, l'accord limite l'enrichissement à 3%. Un bon deal.

Autrement, la seule option est une frappe militaire sur les centrifugeuses iraniennes, sans quoi la conception de l'arme atomique est inévitable et son utilisation contre Israël le serait tout autant.

Alors donc, si Trump envenime la relation avec l'Iran au point d'en venir à annuler l'entente comme il l'a promis, deux options désastreuses se présentent aux États-Unis et au reste du monde.

Première option : les États-Unis attaquent l'Iran

D'abord, Trump a la possibilité de lancer une attaque préventive contre les installations nucléaires iraniennes. Or, ces dernières sont faciles à camoufler et l'Iran possède un armement impressionnant et de moderne, majoritairement obtenu chez les Russes. Ainsi, un soutien au sol serait absolument vital afin de permettre aux avions de combat de pénétrer le territoire iranien sans être embêtés par ses défenses aériennes. Ça veut dire american boots on the ground. Une expression pas très populaire chez nos voisins du Sud.

De son côté, l'Iran pourrait rapidement fermer le détroit d'Hormuz, voie maritime par laquelle voyage plus de 20% de l'approvisionnement mondial en pétrole. Sans l'ombre d'un doute, ce genre d'action militaire serait combiné à une réponse des pays membres de l'OPEC et ferait grimper le coût de l'énergie. En quelques mois, l'économie américaine serait sérieusement déstabilisée.

Lorsque questionnés à ce propos, les militaires se font peu rassurants. Ils disent pouvoir ''probablement'' rouvrir le détroit, sans s'avancer sur les effectifs ou même sur le temps nécessaire. Leur silence est compréhensible, puisqu'ils savent trop bien que l'armée américaine manque déjà cruellement de troupes pour mener ses engagements actuels au Moyen-Orient et qu'il faudrait un tour de magie pour envahir l'Iran. Le pays serait un formidable adversaire qui surpasserait de loin le Vietnam ou même le Japon de 1941. Dans un tel cas, la conscription n'est pas une option disqualifiée.

S'il choisit cette option, Trump fait plaisir à Israël, qui l'appuierait probablement même dans sa campagne militaire. Benyamin Nethanyahou, le premier ministre israélien, serait pour sa part plus que ravi d'un tel dénouement. Au moment de ratifier l'entente, à la surprise générale, il s'est rendu personnellement à Washington pour s'adresser au Congrès et dénoncer qu'elle causerait la perte d'Israël, purement et simplement.

Deuxième option : Israël attaque l'Iran

Si Trump choisit d'annuler l'accord de paix et qu'il n'attaque pas les installations iraniennes de peur de déclencher la troisième guerre mondiale, alors Israël n'aura malheureusement pas le choix de le faire lui-même. Confronté à un ennemi qui veut sa perte pour des raisons idéologiques autant que religieuses, il doit assurer sa propre survie et il est facile de présumer qu'il attaquerait de façon préventive comme il l'a fait lors de la guerre des Six Jours.

Un casse-tête qui finit inévitablement avec des vies perdues.

Dans ce scénario, Trump se retrouve peinturé dans le coin de la pièce. Après avoir scandé son amour pour Israël pendant la campagne, la pression pour appuyer les opérations militaires serait énorme.

Donc, si Israël choisit d'attaquer lui-même, il s'attendra à de l'aide de son plus gros allié. Dans ce cas, Trump se retrouverait devant tout un dilemme de politique internationale. Un casse-tête qui finit inévitablement avec des vies perdues.

Dilemme

Pour attaquer l'Iran, les avions de combat israéliens auraient besoin de survoler l'Irak. Le problème, c'est que cet espace aérien est contrôlé par les Américains. Les Américains n'y sont pas rois et maîtres, par contre, puisque l'Irak est un pays chiite qui est très près de son voisin chiite, l'Iran. De plus, notons que les Américains ne peuvent rester en Irak qu'à l'unique condition qu'ils ont l'accord du gouvernement irakien. Pour ce gouvernement, participer indirectement à une opération militaire contre l'Iran est inacceptable. La seule chose qui serait encore pire, ce serait que les Américains ne respectent pas cette volonté sous leur propre toit. Ainsi, peu importe dans quelle direction il bouge, Trump est cuit.

S'il ne fait rien et que les avions israéliens survolent l'espace irakien, c'est la fin pour les États-Unis en Irak. Les Américains seront simplement expulsés et le combat contre le groupe État islamique en sera grandement complexifié. Pire encore, les Iraniens verraient certainement toute coopération américaine à une opération contre eux, même indirecte, comme un acte de guerre. Ainsi, même si c'est Israël qui attaque, les États-Unis se retrouveraient quand même en guerre malgré eux, juste par le symbolisme de leur inaction.

Inversement, si Trump décide qu'il n'appuie pas l'État juif et qu'il veut éviter un conflit en Iran à tout prix, sa seule option est d'ordonner à l'armée américaine d'abattre tous les appareils israéliens qui enfreignent l'espace irakien. Sans quoi, il sera coupable de coopération et de retour à la case départ. Évidemment, abattre un avion allié serait un geste sans précédent qui aurait des conséquences apocalyptiques sur les relations américano-israéliennes.

Dangereuse situation

Dans tous les cas, un conflit majeur entre deux grandes puissances guerrières semble inévitable. L'Iran étant l'alliée stratégique de la Russie, elle pourrait entraîner le monde entier avec elle dans une guerre idéologique.

Si Donald Trump veut éviter la guerre avec l'Iran, il doit immédiatement arrêter d'empoisonner sa relation avec le pays. Sans quoi, l'accord obtenu à l'arraché sera remis en question et inévitablement, il y aura un conflit. J'ai prédit la victoire de Trump en juin par son caractère. Je vous prédis aujourd'hui une guerre avec l'Iran pour la même raison.

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