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Israël 2015: la chute de Netanyahu? Les enjeux

Plusieurs défis attendent le chef du prochain gouvernement israélien, mais rétablir les relations diplomatiques entre Tel-Aviv et Barack Obama est l'un des plus cruciaux.
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L'information internationale au Québec étant aussi anémique, les événements les plus déterminants peuvent passer inaperçus aux yeux du public, parfois éclipsés par une victoire du Canadien, parfois par la mort d'un personnage télévisuel. Certains sujets sont plus influents que d'autres par contre, et l'un des rares sujets d'actualité internationale à susciter quelque peu de curiosité au Québec est l'enjeu de l'élection israélienne qui se tient aujourd'hui.

Alors que plusieurs observateurs aux États-Unis notent que la politique gouvernementale de Benjamin Netanyahu semble avoir été piratée, confisquée par les penseurs extrémistes de la droite conservatrice, la réaction naturelle semble être de croire qu'un gouvernement d'opposition formé par Isaac Herzog constituerait un premier pas vers un retour à la sanité idéologique et à la fin de l'escalade de la violence dans le conflit israélo-palestinien. Est-ce que les résultats de l'élection vont influencer de quelque façon que ce soit la politique étrangère de l'État sioniste? C'est la question que tous se posent, et la réponse semble être, à mon avis, négative. Voici pourquoi.

Les faits sont les suivants : malgré la différence de perception dans l'opinion publique, la divergence des deux hommes sur la marche à suivre dans le dossier palestinien est négligeable, pour ne pas la qualifier de différence de nuance, presque strictement syntaxique. Elle est considérable en style et en rhétorique, mais la substance demeure la même.

Alors que Netanyahu souligne l'importance capitale de la continuité de la souveraineté israélienne sur la Palestine en faisant l'emploi de justifications nationalistes, populistes et religieuses par moment dans un langage agressif, son opposant Herzog utilise des termes plus doux, plus «occidentaux». Toutefois, au bout du compte, c'est la même recette : aucun des deux n'a de réelle intention de terminer le règne israélien sur la Palestine. Pendant que Netanyahu le dit ouvertement et clairement (No Palestinian state on my watch -16 mars 2015), son adversaire principal a au moins la pudeur de laisser planer une mince possibilité de rétablissement de la paix dans la région, refusant toutefois de prendre tout engagement. Herzog a promis de reprendre les discussions de paix avec l'autorité Palestinienne, mais souligne qu'il ne sait pas à quel genre de négociation il fera affaire, remettant en question au passage les bonnes intentions du leadership.

Étonnamment, la situation palestinienne n'a fait l'objet que de très peu de débats publics au cours de la campagne. Pourtant, c'est l'éléphant dans la pièce. L'éléphant est dans la pièce, il pue, il fait du bruit et Israël prétend que s'il bouche son nez et ses oreilles et regarde ailleurs, l'éléphant n'existe plus. Le lavage à blanc du débat national est si drastique, la question centrale tellement ignorée afin d'aseptiser l'image nationale que n'importe quel étranger qui aurait débarqué à Tel-Aviv pendant la campagne se serait demandé s'il ne s'est pas trompé de vol. La réalité est triste : les citoyens n'en savent que très peu par rapport aux conditions des Palestiniens tenus sous état de siège dans la bande de Gaza. C'est un peu la raison pour laquelle la plupart des candidats n'ont même pas pris la peine de formuler de proposition ou même de prendre position sur la question. Les Israéliens n'ont pas tous les outils pour comprendre l'étendue de la dimension internationale de leur suffrage.

De grands défis

Plusieurs défis attendent le chef du prochain gouvernement, mais rétablir les relations diplomatiques entre Tel-Aviv et Barack Obama est l'un des plus cruciaux. Après que Netanyahu a accepté de s'adresser au Congrès américain concernant la menace Iranienne et l'entente entre les États-unis et Téhéran, dont il croit que cela va faciliter le développement d'armes nucléaires pour le régime despotique, les relations entre les chefs américain et israélien ont atteint un creux historique. Israël étant historiquement fortement dépendant des États-Unis au point de vue financier et politique, cette relation de dépendance semble tendre de plus en plus vers une interdépendance, alors que l'état est en train de développer une expertise militaire de niveau mondial et qu'il est appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans la lutte au terrorisme, par le biais de son combat contre le Hamas. Par le passé, on a souvent justifié l'alliance entre les deux pays en soulignant qu'Israël est la seule démocratie dans un Moyen-Orient instable, un château fort de l'occident et l'extension de ses valeurs dans un monde arabe hostile. Ce type de justification morale, découlant de la vertu, semble laisser place à des motivations plus stratégiques, plus géopolitiques, considérant le rôle d'Israël dans le développement du programme antimissile américain et l'escalade des tensions entre Washington, Moscou et l'Iran.

Se rapprocher de Barack Obama sera encore plus central dans l'optique ou ce dernier a été un prolifique allié de l'état, à un moment où les alliés se font rares pour un régime dont les politiques sont progressivement remises en question sur la scène internationale. Si Washington, seul vrai partenaire sur le comité de sécurité de l'ONU, choisit de laisser tomber Israël, la situation pourrait rapidement escalader pour prendre des proportions dangereuses. Traditionnellement, les Américains ont toujours utilisé leur droit de veto afin de bloquer les tentatives de reconnaissances de la Palestine ainsi que toute tentative d'action légale par le biais de la Cour pénale internationale. Il faut dire que l'ONU ne serait pas particulièrement encline à assister le prochain régime, alors que les Herzog et Netanyahu rejettent tous les deux la feuille de route proposée par le Quartet (Russie, É-U, ONU, UE) à l'automne 2002, qui visait la coexistence d'Israël et de la Palestine comme deux états indépendants. Le gouvernement de Netanyahu a multiplié les actions unilatérales lors de ses mandats, l'approche doit absolument changer. Le prochain gouvernement se devra de réparer les pots brisés avec l'ONU et l'Europe afin de travailler vers une solution internationalement reconnue au conflit.

Pour terminer, je vous glisse un mot sur mon inquiétude principale par rapport aux résultats. Je redoute que dans l'éventualité d'une victoire de Isaac Herzog, qui est perçu comme plus modéré par la beauté de son discours pseudo-pacifiste, les États-Unis acceptent d'appuyer plus ouvertement les politiques impérialistes d'Israël. Alors que ces dernières sont présentement exprimées dans un langage presque fanatique, elles sont difficiles à endosser et le régime perd beaucoup de légitimité devant la communauté internationale. Washington pourrait être tenté de faire avancer ses pions au Moyen-Orient par le biais d'Israël, en se laissant porter par le vent de changement et par la lune de miel entre le nouveau gouvernement et le reste de la planète. Ce serait une spirale dangereuse, considérant la position de Herzog par rapport à l'Iran, qui la perçoit comme un ennemi aux intérêts américains et israéliens. Une combinaison de contexte politique favorable à Israël, de provocation iranienne et de présidence républicaine (Jeb Bush, Scott Walker et toute la joyeuse bande) serait un cocktail explosif, alors que 47 sénateurs américains ont récemment qualifié ouvertement le régime iranien d'ennemi mortel. Netanyahu, qui a tenté de convaincre le Congrès américain de s'engager dans une guerre avec l'Iran lors de son récent discours, pourrait fort bien voir son vœu se réaliser.

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