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Le PQ à la croisée des chemins

Après le 7 avril, je prédis un virage majeur du Parti québécois. Les militants, qui éliront le prochain chef, en auront vraisemblablement assez d'attendre. Ils seront prêts, à leur tour, à boucher leur nez pour le bien de la cause. C'est là la beauté de la conviction souverainiste.
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Le paysage politique tel qu'il est présentement est un territoire fort fertile aux spéculations de toute sorte sur l'avenir des différents partis politiques. Alors que l'avenir de plusieurs partis semble irréversible, comme la mort d'Option nationale et la fin théorique de la CAQ, il serait fort naïf que de croire que ces partis plus fragiles seront les seuls à vivre une crise dans l'éventualité d'une défaite électorale le soir du 7 avril. La réalité, c'est que le PQ traversera une crise bien réelle et déstabilisatrice politiquement.

D'abord, pour prévoir l'avenir du PQ, il faut en comprendre le présent. Le parti de Pauline Marois joue gros, très gros dans cette élection. Je crois qu'il n'est pas exagéré que de prédire la chute de Pauline Marois dans le cas d'une défaite ou d'un gouvernement minoritaire.

Le PQ s'est engagé dans une course effrénée à la majorité parlementaire sur l'élan de la charte et de la carte cachée PKP (cachée depuis longtemps, quoi qu'en disent les meneurs du PQ) en se basant sur des sondages et sur l'intuition de la chef, persuadée de pouvoir en sortir gagnante. Ce que Madame Marois semble avoir négligé, c'est que les autres chefs aussi sont en campagne et que les autres chefs sont aussi des stratéges politiques.

C'est ainsi que la campagne a dérapé rapidement en faveur du PLQ de Philippe Couillard, qui a apparemment réussi à laver le linge sale libéral (maudite grosse brassée que ç'a dû être, entre nous) et à rattraper les péquistes dans les sondages en jouant la carte référendaire. Quelle ironie, qu'un homme comme Philippe Couillard, partisan de l'attentisme constitutionnel et du quasi-déni de la question nationale, soit le premier à pointer du doigt l'ombre d'un référendum selon lui inévitable pour des raisons électoralistes.

Le PQ se retrouveras dans le cas d'une défaite ou d'une minorité, je vous le prédis, dans une crise existentielle sans précédent dans la période post-référendaire du parti. Plusieurs raisons expliquent la future déchéance du PQ, en voici quelques unes.

Le cas Marois

Pauline Marois a été, soyons honnêtes, l'une des grandes chefs du Parti Québécois et également une excellente première ministre. Elle aura certes commis des erreurs, mais ces erreurs sont souvent plus politiques que de nature économique ou sociale. Elle aura su gérer cette coalition de la gauche dure et de centre-gauche qu'est le PQ. Comme peu d'autres, elle aura su éviter la question référendaire, trop impopulaire, pour se faire élire et ainsi entamer la pédagogie de la souveraineté.

Le problème avec Pauline Marois est son manque de charisme et son incapacité à convaincre l'électorat plus pragmatique de sa capacité à gérer un pays ou même une province d'une main de fer. Ce n'est pas sa capacité à gérer que je remets ici en question, elle a prouvé qu'elle pouvait le faire. Ce que je lui reproche, c'est son incapacité à convaincre les gens de cette compétence. C'est triste, mais le mouvement indépendantiste n'a plus besoin d'économistes et de pragmatiques à sa tête pour le mener à la terre promise. Certes, il en a encore besoin dans ses rangs pour appuyer le sérieux de sa démarche auprès des indécis, mais pas à sa tête.

Le mouvement a en fait beaucoup plus besoin d'un leader incontesté et incontestable, un chef charismatique et convaincant. Bref, quelqu'un qui pourra répondre à Françoise David avec un peu plus de conviction dans les prochains débats. Quelqu'un qui saura rester calme en situation de crise, gérer le parti d'une main de fer mais aussi défendre le bilan de son gouvernement, peu importe quel est-il. J'ai bien peur que Pauline Marois ne soit pas la femme de la situation et même si elle l'était, son avenir est déjà scellé par l'opinion publique fortement défavorable. Un chef impopulaire entraîne plus souvent son parti avec lui dans sa chute et c'est ce que le PQ tentera d'éviter par tous les moyens. Est-elle coupable du futur échec électoral du PQ? Non, Ce sera le résultat d'une suite d'erreurs stratégiques, mais elle en sera inévitablement blâmée. La politique est un jeu bien dangereux.

La croisée des chemins

Dans l'éventualité d'une défaite électorale (j'entends ici une minorité parlementaire ou une défaite pure et simple), le PQ se verra très certainement remis en question. Les péquistes auront tout mis sur la table pour cette élection, un peu comme si c'était la dernière chance d'atteindre une majorité parlementaire et de pouvoir gouverner. Un peu comme si la plupart d'entre-eux (moi inclus) ont abandonné l'idée que la détermination et la persistance du projet indépendantiste mèneront ce dernier à bien. Non. Comme en 1995, il faudra créer une sorte de déni de la fédération négligente au sein de la population et capitaliser sur la lancée nationaliste du peuple. Malheureusement, les péquistes ont tellement tout mis sur la table dans la présente élection qu'ils ont mis en danger l'existence même du PQ.

Longtemps confisqué par sa gauche, le Parti québécois se retrouve aujourd'hui dans une position bien inconfortable. Pendant des années, les électeurs nationalistes de droite ont voté PQ. En se bouchant le nez, certes, mais l'urgence du projet indépendantiste semblait alors prôner sur l'éventuelle question gauche-droite (chose que la gauche n'a jamais accepté, d'ailleurs. Elle aura préféré se réfugier sous les couleurs réconfortantes de Québec solidaire).

Ces années ont permis au PQ de se construire et de s'affirmer tel qu'il a été et tel qu'il est présentement : social-démocrate, de gauche modérée, défenseur de l'identité nationale, etc. Cette gouvernance de centre-gauche aura permis deux choses : attirer l'électorat de ce spectre, de loin le plus important au Québec, mais aussi celui de droite nationaliste, qui a longtemps été prêt à faire des compromis pour le bien de la cause. Bien évidemment, plusieurs électeurs de la droite pragmatique nationaliste voteront longtemps PQ par défaut, n'adhérant pas aux valeurs libérales ou encore à la position constitutionnelle de la CAQ (position constitutionnelle? Laquelle me direz-vous? Exactement, celle-là).

C'est là que le PQ rencontre un défi majeur. Avec la création de la charte, le parti de René Lévesque semblait prendre un virage à droite. À ce point, c'était encore fortement sujet à débat. Étant un projet de droite identitaire, de conservatisme identitaire, on pouvait parler de simple réaffirmation de la nation et la laïcité de l'État, au grand dam de la CAQ, qui aurait sans aucun doute rêvé pouvoir avoir une telle idée de génie. Puis, il y a eu Anticosti. Après avoir fermé Gentilly-2 et avoir présenté un ambitieux plan d'électrification des transports, le PQ semblait se diriger vers une gouvernance énergétique gauchiste. L'annonce du rachat des droits d'exploration sur Anticosti m'a paru comme étant un geste électoral beaucoup plus que comme un réel engagement envers la production de pétrole québécois. Ce geste, hautement symbolique, était en soi une invitation à la droite économique. «Nous sommes prêts à faire des concessions, rejoignez-nous et ensemble nous vaincrons.» J'y ai vu une preuve d'ouverture d'esprit et le retour d'une coalition beaucoup plus large entre toutes les sphères de l'électorat indépendantiste. Comme si on ralliait les troupes avant d'aller au combat.

Par-contre, l'arrivée de PKP viens tout bousculer. Sa conviction viens donner espoir à beaucoup de gens, et beaucoup de gens seront déçus. Embarqué dans le navire par la promesse que le PQ lui a faite de façon intrinsèque, celle de la majorité parlementaire, le magnat de la presse a vite fait de démontrer son enthousiasme débordant vis-à-vis le projet souverainiste. Son fameux poing en l'air, témoignant sa passion, passera à l'Histoire. Reste encore à savoir quelle histoire. D'un côté, il aura eu le bénéfice de raviver la flamme de plusieurs indépendantistes déçus et de convaincre de la pertinence économique de la souveraineté une partie de la droite incertaine de cette dernière. D'un autre côté, il aura changé complètement l'issue de la campagne, voire à causer sa défaite. En réaffirmant l'urgence de la souveraineté chez le Parti québécois, il a trahi l'essence même de la stratégie étapiste et a permis aux libéraux de modifier l'enjeu de la campagne vers la question nationale, fort impopulaire. C'est ainsi que PKP a possiblement causé la perte du PQ, du moins dans cette élection.

L'avenir du parti

En raison de l'urgence et de tout l'espoir que cette campagne auras suscité auprès de l'électorat péquiste, le lendemain de veille sera dur, très dur. Plusieurs choses sont à envisager.

Tout d'abord, il faudra trouver un nouveau chef. Cette course ne sera pas une course au leadership ordinaire. Elle sera une bataille entre l'aile gauche et la nouvelle aile droite du PQ. Celle de l'establishement du parti, celui qui le dirige depuis trop longtemps selon l'autre camp, qui sera formé de l'aile droite du parti, celle qui vote PQ depuis des années en croyant à la primauté du projet souverainiste mais qui n'a jamais réellement adhéré aux valeurs et aux façons de faire du parti. Le problème, et ce qui me porte à croire que c'est la fin du PQ tel que nous le connaissons, c'est la force de l'aile droite du parti. Celle-ci, rangée derrière Pierre-Karl Péladeau, aura certainement les arguments nécessaires pour remettre sérieusement en question la direction qu'a prise le seul vrai véhicule vers l'indépendance. Devant la défaite péquiste retentissante, ils diront qu'un changement de cap s'impose. Et ils auront raison. La gauche, elle, devra défendre sa stratégie et son bilan de 18 mois de pouvoir minoritaire en plus de 10 ans. C'est peu, très peu. Pas assez pour justifier le maintien du statu quo. Cet establishement sera fort probablement défendu par Bernard Drainville ou Jean-François Lisée, qui ont tous les deux attendu assez longtemps leur tour.

C'est justement cette urgence chez ces deux hommes qui me pousse à croire que la gauche et la droite ne pourront plus coexister au sein du PQ. Si PKP gagne le leadership (ce que je crois inévitable), Drainville et Lisée quitteront forcément le bateau. C'est compréhensible, ils ne voudront pas se battre en simple soldat sous un général qui ne leur convient pas. Si PKP perd, il se retirera inévitablement du parti. Ce serait un drame inimaginable, un cauchemar pour les souverainistes puisque ce serait vu comme un reniement de l'indépendance par le milieu entrepreneurial. C'est quelque chose que les électeurs du prochain commander in chief tenteront à tout prix d'éviter.

Ainsi, je prédis un virage majeur du Parti québécois. Les militants, qui éliront le prochain chef, en ont vraisemblablement assez d'attendre. Ils seront prêts, à leur tour, à boucher leur nez pour le bien de la cause. C'est là la beauté de la conviction souverainiste.

Bien évidemment, plusieurs choses peuvent arriver. Une majorité parlementaire le 7 avril, par exemple, serait bien suffisante pour éviter la crise. Cependant, dans l'éventualité d'une défaite, j'ai bien peur que l'équilibre de la balance gauche-droite soit fortement mise en danger au PQ.

Bonne chose, mauvaise chose, il faudra faire avec. Assisterons-nous à la naissance d'un nouveau parti indépendantiste? Je crois qu'il est justifié de croire que les perdants de la course au leadership voudront possiblement leur parti, emmenant avec eux leur électorat. Heureusement, ces partis pourront facilement se rejoindre et former une coalition lorsque la situation s'y prêtera. Seul le temps nous dira comment les choses vont tourner.

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