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Trump contre Sanders: Hollywood prend des notes

Une chose est sûre, les électeurs sont en train d'envoyer un message clair aux politiciens: ils veulent que ça bouge. Ils en ont assez des promesses.
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Il était une fois une poignée de scénaristes et d'auteurs de Hollywood, assis autour d'une table et d'un verre de gin peut-être un peu trop rempli pour parler de travail. L'un d'entre eux s'esclaffe et raconte une idée pour un nouveau film parodique: «Les gars, j'en ai une... Imaginez si, à un moment donné, un milliardaire trop sûr de lui décidait de se présenter pour devenir président des États-Unis, pis que le gars, tellement plein de cash et démagogue, envoie chier tout le monde et se faufile à travers le processus en ramassant le vote des crinqués, et gagne. Pis là.... Pis là...» - il doit reprendre son souffle, à rire aussi fort) - «de l'autre bord, tu pourrais mettre l'antipode total, un genre de vieux grincheux socialiste qui a battu la grosse famille politique, l'establishement, Wall Street, pis qui propose quelque chose de radical aussi. Mais écoute, c'est pas toute! Tu fais le milliardaire super arrogant, pis tu lui fais dire plein de niaiseries, et tu le fais monter dans les sondages au rythme de ses niaiseries!»

Ce serait tellement une histoire irréaliste qu'ils ont dû laisser tomber.

C'est pourtant ce qui se trame chez nos amis les Américains. Le Parti républicain a un gros problème, un problème de taille Trump. Le problème est polarisant, divisif, distrayant, nuisible et imprévisible. Rien pour plaire à un parti politique à quelques mois des élections présidentielles, et des grosses, à part ça.

En 2008, les républicains ont perdu la Maison-Blanche aux mains de la campagne fulgurante de Barack Obama, la fameuse Yes we can. C'était un coup dur, mais compréhensible dans le contexte d'une fin de présidence Bush désastreuse.

Pendant quatre ans, le GOP (Grand Old Party, nom alternatif du Parti républicain) s'est affairé à tout mettre en place pour déloger Obama après son premier mandat. Le problème opulant, divisif et distrayant de l'époque, c'était le Tea Party. Le Tea Party est la frange officieuse du GOP qui milite à l'extrême droite de l'échiquier politique. Ce sont les hard-liners. Les Donald Trump. Le parti fut donc piraté vers la droite, et l'élection présidentielle de 2012 se solda par une deuxième victoire d'Obama, le cauchemar des Trump de ce monde. Ces gens-là se réveillent la nuit pour détester Obama et son administration. Ils se sont sentis trahis par la classe politique, irréversiblement. Même en faisant passer leur message par le biais de leurs représentants officiels, ceux-ci étaient incapables de transmettre leurs efforts en législation.

Pour 2016, ces radicaux ont trouvé leur homme: Donald Trump lui-même. Le grand. The Donald. Doux Jésus...

Il dit n'importe quoi à n'importe qui, et les conséquences de ses paroles lui passent au-dessus de la tête plus haut que son avion privé. Pourquoi? Parce qu'il est plein. Plein de lui-même, mais aussi plein d'argent. Et l'argent achète tout. Même une jolie résidence unifamiliale toute blanche, en plein cœur du quartier d'affaires de Washington, D.C. Le service de cuisinière et de chauffeur est inclus, en plus.

Comment c'est possible?

Le système nominatif aux États-Unis est une vraie farce. Si tu gagnes les primaires, tu représente le parti pour la présidentielle, un peu comme dans une course à la chefferie. Est-ce que cela produit le meilleur candidat possible? Non, cela produit un gagnant du processus. Et le processus se gagne à la caisse.

En faisant plaisir aux intérêts spéciaux et aux nombreux canaux d'argent plus ou moins régulés, un candidat finance sa campagne et convainc les donneurs qu'il est celui qui a le plus de chance de gagner face au parti rival, et qu'il est celui qui défendra le mieux ces donneurs.

C'est habituellement à cette étape du processus que les candidatures trop marginales sont éliminées, perçues comme un mauvais investissement, littéralement. Ils veulent quelqu'un qui va gagner. Ils veulent acheter le président, pas un nouveau lobbyiste. Un président, c'est bien plus utile! On fournit même un Air Force One personnel! Qui veut la job?

Ils convoquent ensuite tous les candidats à un «forum» devant les donneurs pour «discuter» (lire ici, se brunir le nez). Et puis, soudainement, quelqu'un se met à recevoir beaucoup d'argent. Celui qui ressort de l'entrevue d'embauche avec le chèque est aussi, historiquement, le gagnant de la primaire. Ainsi, un marginal démagogue ne peut pas se glisser, puisqu'il n'a pas l'argent du parti pour gagner la primaire.

Du moins, c'était ainsi jusqu'à Donald Trump.

Il n'a pas besoin de l'argent du parti, du moins pas pour la primaire. Et les donneurs majeurs ne veulent pas de lui non plus, allant même jusqu'à l'exclure des «entrevues d'embauche». Normalement, ce serait l'arrêt de mort d'une campagne. Pour Trump, c'est un tweet incendiaire de plus à envoyer. Les médias ne le lâchent pas et les chaînes de nouvelles ne vivent que pour sentir le prochain pet du Donald et proclamer qu'il serait pour l'usage d'armes chimiques. Ils veulent le voir par terre et cela excite les électeurs frustrés par le Tea Party comme rien d'autre. Enfin, le messie, le vendeur de rêve tant attendu depuis Reagan! D'ailleurs, Trump a plagié son slogan sur celui de la campagne présidentielle de 1980 de Ronald Reagan. Sans blague. Il utilise «Make America great again», et Reagan utilisait «Let's make America great again».

Comment le parti va réagir est la question qui m'intéresse le plus, personnellement. Ils ne peuvent pas laisser passer une autre élection présidentielle, surtout pas. Doivent-ils attaquer Trump et risquer de stimuler sa campagne, ou doivent-ils le laisser dire n'importe quoi en leur nom, au risque de ternir la marque républicaine?

Ils ne peuvent pas réellement le dénoncer à outrance non plus, car il a déjà ouvert la porte à une campagne indépendante du parti si jamais il se sent traité injustement. Un Trump indépendant à la présidence serait catastrophique pour les républicains, puisqu'il pigerait directement dans leur base électorale.

Présentement, à l'échelle nationale, Trump est dominant dans les sondages avec 24% des intentions de vote, plus de 10 points devant son plus proche poursuivant. L'impuissance législative du Tea Party relevait du pluralisme de ses défenseurs et de leurs divers niveaux d'intensité. En ayant trop de politiciens se réclamant du Tea Party, le vote se divise, et tous ses représentants récoltent une maigre portion du 24% de la base républicaine qui votera pour le plus radical.

En ce moment, plus de 20 candidats briguent l'investiture républicaine. La ligne de départ est si chargée que seul celui qui n'a pas peur de pousser aura une chance de gagner. Dans une élection où un nombre plus raisonnable de candidats s'affronteraient, les candidatures plus conventionnelles (pour ne pas dire légitimes) recevraient beaucoup plus d'attention, et un candidat comme Jeb Bush ou Scott Walker n'aurait pas toute la misère du monde à se faire entendre.

Le prochain débat du GOP à CNN aura 16 participants. Seize! Celui de Fox News en avait dix et était d'une cacophonie innommable. Donc, Trump sort gagnant des débats, puisqu'il est le seul à être capable de faire avancer ses pions. Au débat Fox News, le magnat de l'immobilier a dominé ses adversaires au niveau du temps de parole.

Le GOP ne peut donc pas ignorer Trump. Il ne peut pas le planter, non plus. Il ne peut pas réellement intervenir directement dans le processus ou encore renier la base de Trump, qui est plus que significative et primordiale en 2016. Je ne crois pas que quelqu'un ait de solution immédiate à la crise qui secoue le parti et, plus encore, je ne crois pas qu'il y ait de solution du tout. Ce qui serait une réaction plausible, mais risquée, serait de demander aux candidats plus populaires mais similaires au plan idéologique de se saborder afin de concentrer le vote et ne pas laisser Trump gagner avec trois longueurs d'avance, malgré un pauvre 25%. Mais alors, comment prévoir si ces électeurs vont bel et bien voter pour un autre candidat que Trump? Ou encore, même s'ils ne vont pas simplement laisser tomber leur vote de primaire, exercé par environ 15% de la population? Après tout, leur candidat n'est plus de la course déjà ennuyeuse.

Jouer avec les candidatures serait un jeu dangereux et honnêtement, je ne crois pas que quiconque de sérieux du côté des rouges ne soit prêt à abandonner ses espoirs présidentiels, question d'orgueil politique.

Le GOP peut-il vraiment alors se curer du cancer qui l'afflige? Les candidatures sérieuses ont une incapacité paralysante à attirer l'attention, ce qui distrait les électeurs du débat public qui a réellement lieu derrière le gigantesque parc d'amusement Trump.

Car c'est ce que c'est, du divertissement. Je veux dire, le gars a ouvert la porte à Sarah Palin comme vice-présidente, bout de balai!

De plus, puisque le débat public deviens de moins en moins sérieux, les candidats ordinaires ont encore plus de difficulté à pousser leur agenda. La roue tourne. Si la primaire ne l'arrête pas, il sera littéralement candidat à la présidence des États-Unis.

Je vais le redire pour les gens derrière qui n'ont pas entendu: Donald Trump pourrait devenir président, pour de vrai. En fait, je qualifierais ses chances de relativement bonnes. Soyons objectifs: il défonce tous ses adversaires dans les sondages, et ça ne fait que s'accélérer. On ne réfère plus au Donald comme étant un clown en quête d'attention, mais désormais comme le leader pressenti du GOP pour la présidentielle.

Les démocrates amoureux

Qui va mettre un frein aux ambitions de Trump, si ce n'est pas son propre parti? Ça devra être Clinton. Hillary, cette fois. Elle en rêve depuis des années et ce serait l'achèvement du projet de toute une vie, d'une dynastie politique. Elle est prête, expérimentée de la chose publique comme personne, et rien ne pourra l'arrêter pour la nomination démocrate.

À moins, évidemment, qu'un vieux grincheux de 73 ans décide qu'il en a assez et qu'il veut jouer dans le film, lui aussi.

Bernie Sanders, le sénateur du Vermont, socialiste proclamé et porteur d'un message de révolution politique, monte dans les sondages. En fait, ceux-ci montrent que non seulement il a rattrapé l'ancienne Première dame, mais il l'a dépasse désormais dans les «swing states», les premiers États à voter dans la primaire. Cette semaine, il a battu Clinton pour la première fois dans un sondage du New Hampshire, 44 contre 37. Les sondages le donnent également gagnant dans une élection Sanders-Trump, Sanders-Walker et Sanders-Bush.

Comment a-t-il fait? En réalité, il peut remercier Hillary Clinton et les récents succès progressistes d'Obama pour sa popularité.

Encore méconnu de 56% des Américains, Sanders défend des causes très populaires auprès des libéraux, mais fais des propositions relativement drastiques pour un public culturellement réfractaire aux grands changements.

Comment croire ce vieillard aux cheveux en bataille lorsqu'il dit que le salaire minimum est immoralement bas, ou encore lorsqu'il proclame que la plus grosse menace aux États-Unis est le changement climatique?

Il faut que quelqu'un endosse ces idées, quelqu'un avec beaucoup de crédibilité. Le président l'a fait par le biais de ses récentes victoires législatives (Obamacare, accord iranien, réchauffement climatique, etc.) Clinton a fait exactement la même chose en voulant courir sa campagne sur les mêmes thèmes. C'est la marque progressiste qui polit sa devanture. Face un Sanders marginal et méconnu du grand public, ses idées populaires étaient fort attirantes pour une campagne en quête de momentum et d'attention. Elle a donc pigé quelques thèmes dans le répertoire du sénateur de 73 ans, ce qui a eu pour effet de crédibiliser ses propositions et de l'introduire aux démocrates comme une réelle option.

En comparaison avec Sanders, Clinton donne l'impression d'être fausse et opportuniste, alors qu'elle dit vouloir réguler Wall Street d'un côté, et qu'elle accepte son argent de l'autre.

La question qui fait hésiter beaucoup de démocrates va comme suit: est-ce qu'un vieux socialiste peut être élu président devant Trump ou un autre républicain?

Reculons de 8 ans et posons la question suivante: est-ce qu'un ancien organisateur communautaire noir, fumeur de pot et ayant Hussein comme deuxième nom avait une chance d'être élu président? «Yes we can» fut la réponse des électeurs.

Dans un système où le taux d'exercice du droit de vote est désastreux, le plus gros paramètre, c'est de réussir à faire sortir le vote. Le pays est tellement divisé que même si l'élection opposait une tablette de chocolat à une orange, ce serait encore 50-50. En 2008, Obama avait aligné tous les astres et récolté 53% du vote populaire. C'est justement la raison pour laquelle je crois que Bernie Sanders va gagner. Parce qu'il court sur les même idées que Clinton, mais qu'il jouit du statut de vedette montante, de star du mouvement libéral, tout comme Obama en 2008. Il attire des foules monstres à chaque déplacement, parfois dans des États aussi hostiles à son égard que le Texas ou l'Arizona. Clinton, de son côté, a l'air d'une pâle imitation de ce que serait une administration Sanders. Elle a trop de gens à flatter.

De toute façon, pour la question de l'électabilité, je vous dirai que les Américains fêtent déjà un socialiste juif à tous les ans, le 25 décembre.

Gagner contre la machine politique Clinton, c'est écrire une page d'histoire. Affronter Donald Trump à l'élection générale, c'est brûler le livre et en recommencer un nouveau.

Une chose est sûre, les électeurs sont en train d'envoyer un message clair aux politiciens: ils veulent que ça bouge. Ils en ont assez des promesses, ils veulent voir plus de preuves. Ils s'en remettent à ceux qui leur donnent ce qu'ils veulent: du changement.

Et si la tendance se maintient, que ça aille d'un côté ou de l'autre, il y en aura beaucoup. Les deux candidats qui pourraient s'affronter représentent tous les deux très bien ce dédain commun pour la politique traditionnelle. Sanders siége comme l'un des rares sénateurs indépendants de l'histoire, même s'il participe aux caucus démocrates et qu'il vote ordinairement avec eux. Ils sont tous les deux très charismatiques, et ont la capacité de jouer sur les cordes sensibles. Le vieil homme a d'ailleurs déjà bâti sa réputation comme étant presque imbattable lors d'élections, depuis la mairie de Burlington jusqu'à, qui sait, peut-être la Maison-Blanche.

Voici donc ma prédiction à 460 jours de l'élection: Bernie Sanders est le prochain président des États-Unis, propulsé par une campagne populaire et l'éparpillement républicain.

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