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CAQ, PLQ, nationalisme et Waterloo

En politique comme à la guerre, pour conserver un territoire, il faut l'occuper. Le Parti libéral du Québec l'a appris à ses dépens, car pour rester dans le thème, il pourrait venir de perdre Waterloo. Et pour une fois, l'assaut ne viennent pas des bleus. Attendez un instant, oui, il vient des bleus. De nouveaux bleus, toutefois.
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En politique comme à la guerre, pour conserver un territoire, il faut l'occuper. Le Parti libéral du Québec l'a appris à ses dépens, car pour rester dans le thème, il pourrait venir de perdre Waterloo. Et pour une fois, l'assaut ne viennent pas des bleus. Attendez un instant, oui, il vient des bleus. De nouveaux bleus, toutefois.

La CAQ a abattu l'une des dernières cartes qu'elle avait à jouer, soit celle de la clarification de sa position constitutionnelle.

Après avoir étudié ses faiblesses en focus groupes, la Coalition a bien dû finir par réaliser qu'elle ne pouvait pas jouer éternellement sur le confort de son ambiguïté et qu'éventuellement, elle aurait à fournir des réponses. C'est encore plus vrai alors que le Parti québécois et les libéraux semblent vouloir entrer dans un « nouveau cycle » - pour reprendre les mots de Pierre Karl Péladeau - de discussions sur la question de l'indépendance du Québec. D'un côté, le PLQ défendra une union politique inchangée avec le Canada, pour les mêmes raisons qu'à l'ordinaire : on va perdre nos Rocheuses, l'armée et la péréquation. Le PQ et les souverainistes trembleront. Ou pas, on verra.

Chose certaine, la CAQ ne pouvait pas se tenir dans le milieu d'une joute verbale pour l'avenir de la nation en ne se réclamant d'aucun camp. Dans ce genre de bataille historique, on n'est pas spectateur. 93% des Québécois ont voté au référendum. Sur la colline parlementaire, on est un fantassin d'un bord ou de l'autre, question de simple survie politique et de pertinence dans le débat public. Devant le risque de cesser carrément d'exister à l'issue d'une élection référendaire, le parti de François Legault a dû faire de son mieux et tenter de verbaliser en mots une position constitutionnelle qui n'en était pas une. C'est désormais noir sur blanc, ou plutôt gris foncé sur gris pâle.

La Coalition avenir Québec est un parti nationaliste. Ça, c'est la partie claire. Le nationalisme tel que défini par François Legault semble être celui d'un nationalisme revendicateur et identitaire. On devrait donc s'attendre d'un gouvernement de la CAQ (je sais, je sais, on jase là...) qu'il fasse des revendications de nature nationalistes à Ottawa? Superbe! Quelqu'un peut-il lui rappeler Meech s'il vous plaît?

Alors la vraie question est la suivante : qu'est-ce que la Coalition fera lorsqu'elle se fera claquer la porte au nez, comme tous ses prédécesseurs historiques? Suivra-t-elle le même itinéraire idéologique que le PQ a suivi? On peut appeler ça un itinéraire, puisque cela semble presque être un tracé prédéfini dans chaque chapitre de l'Histoire. Revendication, désillusion, résignation. C'est normal, en fait, puisque la réconciliation avec la famille canadienne semble être l'un des plus grands désirs illusoires des Québécois, non pas sans être éloquent de leur façon de percevoir l'indépendance : « Va vraiment falloir se séparer là? Je reconnais le carcan politique et économique qu'est le Canada et je crois que l'on peut faire mieux, mais se séparer...c'est la seule solution? ».

La CAQ, comme le PQ de René Lévesque au temps de la souveraineté-association et comme celui de Landry en 95 par le biais de la question référendaire, offre de prendre le détour des négociations et des revendications avant le changement de route total qu'est l'indépendance. C'est rassurant. Ça sonne bien. L'indépendance est une lourde responsabilité effrayante. Prendre en mains l'avenir de sa nation, de son peuple.

Après l'échec inévitable des négociations, la Coalition pourrait-elle changer son fusil d'épaule concernant l'indépendance? Ou encore, pourrait-elle suivre les traces de l'ADQ de Mario Dumont et adhérer au camp du Oui par symbolisme plus que par conviction, délaissant le combat aux vrais généraux du camp souverainiste?

Est-ce que la CAQ est plus indépendantiste qu'elle ne l'était il y a une semaine? Pas du tout. Mais est-elle plus fédéraliste pour autant? Encore moins. En faisant l'affirmation de la nécessité d'un renouveau national, elle renie de façon intrinsèque le fédéralisme dans sa formule actuelle et investit un territoire appartenant traditionnellement au PLQ, mais délaissé par celui-ci depuis longtemps : les nationalistes. Ces fameux nationalistes québécois. Ils croient au potentiel du Québec dans le Canada, mais ne pensent pas que ce potentiel ne puisse être débloqué dans la structure politique actuelle.

Selon les sondages les plus récents, les nationalistes sont pratiquement à égalité statistique avec les fédéralistes et les souverainistes. Les souverainistes les appelleront à tort des indécis et les fédéralistes les appelleront encore plus à tort des Canadiens. Ils ne se revendiquent eux-mêmes d'aucun des deux groupes et prennent une fierté curieuse dans cette incohérence fondamentale. Témoin de l'inaction chronique du PLQ de Couillard en matière d'expansion de souveraineté nationale, la CAQ a callé le bluff des libéraux, qui ont pris pour acquis le vote nationaliste depuis un bon moment, sans toutefois faire de réels efforts pour le séduire ou pour même le conserver. Philippe Couillard était fier comme un paon de dire qu'il était pour la signature de la constitution du Canada jusqu'à ce que les Québécois le porte au pouvoir en 2014. Silence radio depuis. Mais honnêtement, qui serait politiquement game de toucher à la constitution si personne n'en parle? Personne n'y toucherait sans un bâton de 300 pieds avec un fusil au bout. À la défense de M.Couillard, entre le PQ qui a abandonné ses revendications provinciales au profit de ses aspirations nationales depuis bien longtemps, noyé dans la résignation de l'impuissance, la CAQ-fantôme et les libéraux, n'importe quel nationaliste choisirait le PLQ par élimination. C'est précisément de cette règle non écrite que la CAQ vient de se débarrasser.

Que la joute commence

Mon seul conseil à la Coalition, désormais qu'ils se sont « positionnés » sur la question nationale? Be careful what you wish for. Le Canada de Harper a déjà reconnu le Québec comme une nation dans le pays. Qu'est-ce que Legault va demander, donc? Plus d'autorité linguistique? Rêve en couleurs. Plus de transferts fédéraux en santé? Laissez-moi rire. Un bisou de Justin sur la joue et un « le Canada est un pays multiculturel, on vous aime »? Des bonnes chances.

Politique et fierté exigent, un refus devra déclencher une sorte de réaction proportionnelle dans le parti et il semble qu'un refus est inévitable. La réaction, elle, est imprévisible.

La réalité, c'est que la CAQ vient de prendre un tournant douteux vers un avenir certain: se faire claquer la porte au nez. Ultimement, nous nous retrouverons avec deux partis souverainistes au Québec ayant des degrés d'intensité différents (et je ne parle pas de QS, dont le degré d'intensité reste encore à mesurer puisqu'il est inexistant). Je vous rappelle que quelques mois avant de fonder la Coalition, François Legault donnait des conférences sur « les finances d'un Québec souverain » pour le PQ. Moi François, je ne l'ai pas oublié!

Or, certains constats émanant de cet exercice de relations publiques demeurent positifs pour quiconque espère voir un jour un pays du Québec se former. D'abord, les fédéralistes sont aussi nombreux que les souverainistes. Good news ! Ensuite, ceux qui sont entre les deux s'apprêtent à manger une claque de la part d'un fédéraliste qui s'appelle Trudeau. Un autre. Encore ! L'Histoire est drôle. Le Canada peut bien espérer autant qu'il veut que les caquistes lui tendront l'autre joue, mais ils risquent bien plus de chercher une façon de donner une claque à leur tour. Et la main qui claque le plus fort est celle qui frappe là où ça fait mal : droit dans le pays. Les chiffres sont clairs : deux Québécois sur trois ne croient plus en la fédération dans sa forme présente. Ce n'était donc qu'une question de temps avant que quelqu'un ne s'assoie dans la chaise laissée vide par l'ADQ de Mario Dumont.

En réponse, le PQ tentera d'élargir la portée de sa coalition pour séduire les électeurs de la CAQ que François Legault vient d'offrir à quiconque proposera une alternative à ses excuses polies le lendemain de l'échec de ses revendications.

Pour résumer, la CAQ, au fond, ne change rien de substantiel dans son approche, si ce n'est une nuance syntaxique. Mais pour le paysage politique futur, elle vient définitivement de remodeler le combat référendaire à l'horizon.

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