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Trois clefs d'entrée dans la nouvelle éconologie

La COP21 peut certes aboutir à un accord mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais ce sont nos modes de production et de vie qui vont décider réellement si l'augmentation de la température moyenne de la planète dépassera ou non le seuil des 2°C, au-delà duquel les conséquences en chaîne des dérèglements climatiques deviendront incontrôlables.
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La COP21 peut certes aboutir à un accord mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais ce sont nos modes de production et de vie qui vont décider réellement si l'augmentation de la température moyenne de la planète dépassera ou non le seuil des 2°C, au-delà duquel les conséquences en chaîne des dérèglements climatiques deviendront incontrôlables. Pour changer les comportements, les bonnes volontés individuelles ne suffisent pas; il faut reconfigurer notre logiciel économique. Trois clefs peuvent être actionnées pour entrer dans l'éconologie (économie écologique) du XXIe siècle.

Première clef: la renouvelabilité

Renouvelables, certaines énergies le sont, utilisant les forces de l'eau, de l'air, de la lumière et de la terre, sans recourir à l'extraction et à la combustion de ressources fossiles génératrices de gaz à effet de serre (GES). La généralisation de ces énergies est avant tout une question d'accessibilité et de coût. Ce sont les mêmes considérations pragmatiques qui dictent nos choix d'habitat et de transport. En Norvège, les véhicules électriques font l'objet de mesures très incitatives, alors que le pétrole (dont le coût actuel, anormalement bas, ne reflète pas les dommages écologiques) est surtaxé. C'est la logique de la carotte et du bâton.

Pour préparer l'après-pétrole, omniprésent dans notre économie, il faut s'employer à lui trouver des substituts, pour l'enrobage des routes notamment. Ainsi, des chercheurs de l'Ecole de technologie supérieure du Québec travaillent à la fabrication d'asphalte à partir de verre recyclé. L'agriculture intensive, responsable d'un quart des émissions de GES, tire également ses rendements élevés de fertilisants issus du pétrole. L'usage de la chimie verte pourrait devenir plus attractif si les fertilisants pétrochimiques étaient également surtaxés, voire interdits. Des plafonds restrictifs d'émissions de gaz à effet de serre encourageraient le secteur privé à investir et à se reconvertir.

La reconversion de notre appareil productif est possible si l'on veut engendrer des biens renouvelables, fabriqués eux-mêmes à partir d'éléments recyclés, dans l'optique de réduire drastiquement l'exploitation des ressources naturelles et abaisser le niveau d'émission des GES. Pratiqué aujourd'hui à la marge, le recyclage industriel pourrait devenir la norme, en étant internalisé dans les coûts et les procédés de production. Dans nos régions, des synergies peuvent être organisées entre unités productives et filières de tri, mises en place à grande échelle et permettant à chacun de vendre ses déchets-ressources.

Deuxième clef: La fonctionnalité

Reconfigurer notre logiciel économique consiste aussi à favoriser l'usage commun de biens et d'équipements. Face au marketing de la nouveauté qui pousse à la surconsommation accélérée de produits jetables, la fonctionnalité consiste à l'inverse à vendre l'usage d'un bien plutôt que le bien lui-même. Cela permet de réduire les quantités produites et encourage les entreprises à fabriquer des produits plus fiables et renouvelables. A titre d'exemple, l'entreprise française Michelin a développé une offre de location de pneus pour les transporteurs routiers. Un pneu durable loué à plusieurs utilisateurs peut ainsi générer davantage de bénéfices à moyen terme qu'un pneu éphémère vendu une seule fois. Privilégier la fonctionnalité permet d'allonger la durée d'utilisation des biens.

Un certain nombre de plateformes se développent pour faciliter la mise en commun de biens d'usages, de services, d'espaces, de moyens de transport, etc. Intéressantes pour partager les coûts, la plupart de ces plateformes appartiennent hélas à un petit nombre de propriétaires plutôt qu'à l'ensemble de leurs membres-utilisateurs. Alors que le bénéfice principal découle de plus en plus de l'utilisation cumulative de biens et de services plutôt que de leur conception, il est important d'éviter que de nouvelles rentes se constituent, à l'heure de l'accroissement des inégalités. La formule coopérative se pose alors comme un modèle organisationnel éclairé, démocratique, répartissant mieux les risques et les gains du partage.

Troisième clef: la coopération

Appartenant à leurs membres, non délocalisables, les coopératives sont des outils de transformation socioéconomique efficaces, mais négligés, du fait de leur invisibilité sur les marchés boursiers et dans les programmes des écoles de commerce et de gestion. Pourtant, plus résilientes, démocratiques et engagées dans leur milieu social et environnemental que la plupart des entreprises, elles permettent à un milliard de personnes à travers le monde de se développer, de s'épanouir, de s'éduquer. Pour la mise en commun d'idées, de ressources, de biens d'usage et de services, quelles organisations sont-elles plus adéquates que les coopératives?

Nées pour offrir des services innovants et équitables, les coopératives ont toute leur pertinence aujourd'hui pour organiser la transformation de l'économie à la renouvelabilité et à la fonctionnalité. L'enjeu est de faire émerger de nouvelles coop, consacrées à la mise en partage de biens d'usage sur les réseaux, et de les connecter à des plateformes de financement coopératif. L'informatisation démultiplie les potentialités.

De même, pour organiser le recyclage à grande échelle, de nombreuses coopératives, parfois appelées ressourceries, donnent une seconde vie aux objets. Au Québec, la Coop carbone accompagne les entreprises pour la réduction de leurs émissions de GES, tandis que la Coop Fédérée s'essaye à l'usage d'intrants alternatifs pour la conservation des sols et de la biodiversité. A Cleveland, aux Etats-Unis, les coopératives écologiques et démocratiques de travailleurs Evergreen se sont engagées résolument dans la transition énergétique. Pour la gestion des biens communs, la préservation d'écosystèmes, des formes de gestion coopératives peuvent être imaginées pour réunir les utilisateurs de bassins fluviaux ou de bancs de pêche par exemple, dans l'optique d'une exploitation plus raisonnée et concertée des ressources.

En somme, au-delà du rôle des Etats, il est urgent de mobiliser nos forces de transformation sociale pour avancer vers un modèle de développement durable articulant la capacité de renouvellement productive et la mise en commun de services et de biens d'usage, sur une base coopérative. Il s'agit d'une des meilleures réponses à apporter pour garder le contrôle sur notre avenir. Comme l'expliquait Alphonse Desjardins, «la coopération, c'est l'union pour la vie, non la lutte pour la vie». Alors que le péril environnemental met au défi notre créativité, cette formule prend un tout nouveau sens.

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