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Liban: le Hezbollah, à l'instar de l'ensemble des partis, secoué par la vague citoyenne

La société civile a réussi dimanche dernier à provoquer une bombe politique au Liban, en remportant, à travers une liste baptisée «Beirut Madinati» («Beyrouth ma ville»), près de 40% des suffrages dans la capitale.
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Il s'agit d'une première fissure dans l'establishment politique libanais. Et non des moindres. Après dix ans de silence ou de tentatives avortées pour secouer un statu quo aussi immuable que préjudiciable, la société civile a réussi dimanche dernier à provoquer une bombe politique au Liban, en remportant, à travers une liste baptisée «Beirut Madinati» («Beyrouth ma ville»), près de 40% des suffrages dans la capitale, contre 60% pour l'ensemble des partis politiques au pouvoir, réunis au sein d'une liste commune. Du jamais vu dans l'histoire du pays. La différence de voix entre les deux listes a varié seulement de 7000 votes.

Seul bémol néanmoins à cet exploit: le taux de participation dans la capitale s'est élevé seulement à 20% - quasiment le même niveau qu'en 2010 - décevant les organisateurs et les supporters de la campagne civile qui misaient sur une plus forte mobilisation. Mais ce faible taux constitue en réalité un désaveu de la classe politique. Car malgré la mutualisation de leurs machines électorales rodées, les médias qu'ils contrôlent, et leur pouvoir financier, les sept rouleaux compresseurs réunis -le Courant du Futur, le Courant patriotique libre, les Forces Libanaises, les Kataëb, le Tachnag, et Amal, appuyés, par ailleurs, par les Églises orthodoxe et syriaque- n'ont pas réussi à mobiliser davantage d'électeurs. Encore moins en leur faveur.

Le désaveu est d'autant plus cinglant que dans une des trois circonscriptions (Beyrouth I, à majorité chrétienne), la liste «alternative» a remporté 60% des suffrages - un camouflet pour les partis chrétiens «traditionnels» qui prétendent souvent représenter 90% de «leur» électorat. Quant à Beyrouth II (à majorité sunnite), l'abstentionnisme était maître du jeu, discréditant à son tour le Courant du Futur qui revendique depuis des années son monopole sur la communauté sunnite.

Ces élections municipales ont également été un pied de nez pour le Hezbollah, dont la popularité qu'on croyait absolue, a également été épinglées par cette vague citoyenne, après que le mythe sécuritaire eut déjà été ébréché au cours des trois dernières années par une dizaine d'attentats aux abords ou à l'intérieur de la banlieue sud, son chef lieu dans la capitale...

Dans la ville de Baalbek, l'un des principaux bastions du parti chiite, une coalition de familles et d'indépendants, rassemblés sous le slogan «Baalbek Madinati» («Baalbek ma ville», en allusion à la liste beyrouthine), ont en effet remporté, contre toute attente, plus de 45% des votes dans cette ville qui compte 27 000 électeurs, dont 18 000 chiites; le différentiel de voix entre les deux listes s'est élevé seulement à 700 votes.

Le résultat est d'autant plus vibrant que des pratiques d'intimidation flagrantes ont été exercées durant la journée électorale. Selon plusieurs témoignages, la présence de civils armés aux alentours, voire même à l'intérieur des bureaux de vote à l'heure du décompte des voix, ainsi que l'intrusion de délégués électoraux dans l'isoloir pour murmurer à l'oreille des votants «Résiste avec ta voix» (en allusion à la «Résistance islamique», nom souvent attribué au Hezbollah), se sont conjuguées au paiement de montants ayant atteint plusieurs centaines de dollars, dans certains cas, pour «inciter» les plus réticents à exercer leur «devoir» démocratique.

Si cette liste, contrairement toutefois à «Beirut Madinati», n'est ni issue de la société civile ni réellement laïque ou progressiste et que certains enjeux électoraux diffèrent de ceux de la bataille ayant eu lieu dans la capitale, ces résultats restent révélateurs d'un recul de la popularité du Hezbollah au sein même de sa communauté. L'aventurisme en Syrie -le parti combat auprès de l'armée de Bachar el Assad depuis 2012 et aurait déjà perdu plus de 1 500 combattants -ainsi que l'insécurité rampante- 11 attentats ont été perpétrés dans des zones sous le contrôle du parti entre 2013 et 2015, faisant 120 morts parmi les civils et plus d'un millier de blessés - mais aussi l'omniprésence des armes, la terreur et les services sociaux financés par l'argent iranien destinés aux seuls «résistants» ont, sans doute, alimenté le mécontentement des populations vivant dans ces zones.

Outre ces facteurs, la paralysie politique totale et l'incurie de l'État, à l'ombre d'une crise de déchets inédite, ont provoqué un mouvement de protestation transcommunautaire au Liban l'été dernier, entraînant dans son sillage de nombreux membres de la communauté chiite.

Les résultats des élections dans la plaine de la Bekaa, et plus particulièrement à Baalbek font, en tous cas, écho à un sondage publié en juillet dernier par l'ONG «Hayya bina», selon lequel plus de 81% des membres de la communauté chiite estiment que le pays évolue dans la mauvaise direction, tandis que 50% estiment que l'engagement militaire du «parti de Dieu» a eu un impact négatif sur les liens avec les autres communautés du pays.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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