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La Meute et la nouvelle extrême droite québécoise

La Meute se distingue surtout par sa volonté de délégitimer les institutions démocratiques par l'entremise d'une critique radicale soi-disant du « système », de l'« establishment » et des « élites ».
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Quelle que soit la forme sous laquelle s'exprime cette violence, elle a toujours besoin d'un bouc émissaire.
Shutterstock / Brian A Jackson
Quelle que soit la forme sous laquelle s'exprime cette violence, elle a toujours besoin d'un bouc émissaire.

Karl Marx disait que l'histoire se répète deux fois, d'abord comme tragédie et ensuite comme farce.

Au Québec, depuis quelques mois, cette farce a pris la forme d'un groupuscule d'extrême droite nommé La Meute, et son agent de propagande, un certain André Pitre, surnommé drôlement Stu Pitt.

Pourtant, chaque fois qu'ils prennent la parole en public, Stu Pitt et les responsables de La Meute nient leur appartenance à l'extrême droite. Davantage que l'islamophobie ou le racisme, ce qualificatif semble donc particulièrement les déranger.

Pourquoi ?

Parce que, avant d'être la présente farce, l'histoire de l'extrême droite a justement été une horrible tragédie. Une catastrophe qui a vu l'Europe s'immoler sur l'autel de son propre impérialisme colonial et qui a coûté à l'humanité une guerre mondiale, des dizaines de millions de morts et un holocauste.

Mais c'est peine perdue. Stu Pitt et La Meute ne trompent que ceux et celles qui le veulent bien. Leur appartenance à l'extrémisme de droite saute aux yeux. Il suffit pour s'en rendre compte de rappeler les principaux traits qui caractérisent ce dangereux courant populiste. Bien qu'il y ait à cet égard une petite difficulté : certains de ces traits se retrouvent également chez des formations politiques qui ne font pas nécessairement partie de ce courant.

Ainsi, comme La Meute, le PQ et la CAQ adoptent depuis quelques années le discours clivant du « Nous » contre « Eux ». En vertu de ce discours identitaire exacerbé, ces partis divisent les citoyens du Québec en deux catégories mutuellement exclusives. D'un côté, des Québécois à part entière, dit « de souche », qui incarneraient naturellement « notre identité » et « nos valeurs », et, d'un autre côté, des Québécois « d'origine autre » qui doivent complètement se délaisser de leur culture d'origine pour devenir « réellement Québécois » aux yeux de ces partis.

Sous l'apparat d'une généreuse volonté intégrationniste, La Meute partage donc avec le PQ et la CAQ un même discours identitaire assimilationniste à connotation plus ou moins xénophobe. Ce rejet commun de « l'identité civique » du Québécois, au profit de son « identité ethnique », amène par ailleurs ces trois entités à critiquer plus ou moins de la même manière les politiques d'immigration actuelles. C'est pourquoi cette critique aussi ne suffit pas pour établir l'appartenance de La Meute à l'extrême droite.

La Meute se distingue surtout par sa volonté de délégitimer les institutions démocratiques par l'entremise d'une critique radicale soi-disant du « système », de l'« establishment » et des « élites ».

En fait, par rapport aux partis traditionnels, La Meute se distingue surtout par sa volonté de délégitimer les institutions démocratiques par l'entremise d'une critique radicale soi-disant du « système », de l'« establishment » et des « élites ». En effet, par définition, l'extrême droite est un courant populiste qui prétend parler et agir au nom du « peuple » et de ses « intérêts ». Or, ce populisme ouvre la voie à des attaques peu nuancées contre les institutions politiques et médiatiques qui font vivre la démocratie. Dans le discours de Stu Pitt et de La Meute, ces institutions et ces élites, parce qu'elles seraient toutes corrompues, complotent contre les intérêts du peuple. C'est-à-dire, finalement, contre la démocratie.

L'ironie vient ici du fait que, avec cette critique radicale, l'extrême droite mine plus gravement le fonctionnement démocratique des institutions. Ce faisant, elle encourage le surgissement de la violence dans la vie de la cité, et ce, de deux manières. La première s'incarne dans l'idée de l'homme providentiel qui viendrait sauver le peuple des mains de ses propres représentants. C'est le modèle historique des chefs fascistes et nazis, à la manière de Mussolini ou Hitler. On retrouve ce modèle – pour l'instant dans une forme atténuée – dans la figure erratique du président américain Donald Trump.

Au Québec, nous n'avons heureusement pour le moment aucune personnalité politique sérieuse qui souhaite assumer ce rôle. Mais le danger existe. En désespoir de cause de pouvoir déloger les libéraux lors des prochaines élections, les chefs du PQ ou de la CAQ pourrait bien être tentés par le diable du populisme extrémiste.

La seconde manière à travers laquelle l'extrême droite encourage l'émergence de violence dans la vie politique québécoise est celle de la formation d'une nébuleuse de groupuscules suprématistes blancs, tels les Soldats d'Odin, la Storm Alliance, la Fédération des Québécois de souche et bien évidemment La Meute.

Mais, quelle que soit la forme sous laquelle s'exprime cette violence, elle a toujours besoin d'un bouc émissaire. C'est-à-dire d'un groupe ethnique ou religieux minoritaire, et suffisamment stigmatisé, pour pouvoir l'attaquer sans craindre une réaction énergique de la part des autorités et de l'opinion publique plus généralement.

Dans ce sens, ce sont présentement les musulmans qui représentent cette cible idéale. D'ailleurs, parce qu'elle a été trop longtemps ignorée, voire tolérée, l'islamophobie a été la clef qui a permis d'ouvrir la boîte de Pandore d'où sont sortis les groupes racistes et xénophobes actuels de l'extrême droite québécoise. Et c'est peut-être la lutte à ce fléau qui pourrait également constituer la clef de leur défaite à l'avenir. Mais c'est déjà là une autre question.

Avril 2018

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