Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Aswat Nissa, la voix des femmes tunisiennes

La Tunisie est le premier pays du monde arabe à adopter une constitution qui reconnaisse l'égalité hommes-femmes et reste le seul pays du monde arabe à être considéré comme «libre».
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Le 14 Janvier 2011, la dictature Ben Ali tombe en Tunisie et soudain le paysage politique s'ouvre. On peut voter. On peut décider des dirigeants politiques pour la première fois depuis des décennies.

Les partis politiques se créent et, avec eux, un mouvement citoyen exigeant une meilleure gouvernance et une plus grande transparence des instances politiques, comme les initiatives OpenGov ou Al Bawsala de l'activiste Amira Yahyaoui.

La blogosphère explose et de jeunes femmes font progressivement entendre leur voix, telles Lina Ben Mhenni de Tunisian Girl ou Hendoudfree.

La parité est instituée en politique et les partis sont censés présenter autant d'hommes que de femmes sur leurs listes.

Le 26 janvier 2014, la Tunisie est le premier pays du monde arabe à adopter une constitution qui reconnaisse l'égalité hommes-femmes!

Et aujourd'hui, selon un récent rapport publié par Freedom House, la Tunisie reste, comme en 2015, le seul pays du monde arabe à être considéré comme «libre», selon l'ONG.

Mais, dans la réalité, la représentation des femmes dans la sphère politique reste encore minime.

Dans cette vidéo, quelques chiffres clés le démontrent:

• seulement 7 % des décideurs politiques sont des femmes ;

• seulement 3 des 27 ministres sont des femmes ;

• 41,9 % des femmes diplômées d'université sont au chômage.

L'association Aswat Nissa se lance alors dans différentes campagnes de sensibilisation. C'est à ce moment-là, me raconte Sarrah Ben Said, leur directrice exécutive, dans leur nouveau bureau du quartier Lafayette de Tunis, qu'ils réalisent leur propre théorie du changement : si l'on ne féminise pas le champ politique en profondeur, la situation ne changera pas.

2016-02-28-1456676526-2869197-Aswat.jpg

Photo: Aurélie Salvaire

Alors Aswat Nisaa lance l'Académie politique des femmes, un programme de formation destiné aux femmes politiques ou aspirantes politiques tunisiennes, quel que soit leur parti.

Son objectif : rajeunir et féminiser le paysage politique et féministe, mais aussi faire en sorte que dans chaque parti, les thèmes qui préoccupent les femmes soient pris en compte.

Ce constat contraste avec l'image d'avant-garde du pays en termes de droit des femmes...

Dès le début du XXe siècle, Tahar Haddad a activement milité pour l'émancipation de la femme tunisienne et l'abolition de la polygamie dans le monde arabo-musulman.

En 1967, le président Bourguiba met en place un «Code du statut personnel» exceptionnel pour l'époque, qui vise à instaurer l'égalité entre hommes et femmes, abolir la polygamie, et n'autorise le mariage que sous consentement mutuel des époux.

Aujourd'hui, la Tunisie est le seul pays du monde arabe à fournir l'avortement à la demande.

Mais malgré cette situation exceptionnelle de féminisme d'État, certains prétendent qu'il ne s'agit que d'un écran de fumée occultant une réalité et des mentalités encore profondément traditionnelles.

Le premier avril sort ainsi le film Le Challat de Tunis, l'histoire d'un «balafreur» à moto qui coupait au rasoir les fesses des femmes selon lui trop court vêtues...

De nombreuses associations dénoncent la violence conjugale qui est encore subie par une Tunisienne sur deux, et le tabou dont sont victimes les mères célibataires.

L'AFTURD (Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement) et l'ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates) travaillent sans relâche sur la recherche, le plaidoyer et le lobbying politique.

L'association Beity est également très active et propose un hébergement provisoire pour les femmes victimes de violence. ENDA propose depuis 20 ans des microcrédits aux femmes tunisiennes afin de monter leur propre activité.

Ces associations craignent aujourd'hui un recul sur les acquis des dernières décennies, notamment avec le retour au pouvoir du parti islamiste Ennahda.

Ainsi, le 4 janvier 2016, l'État décide de suspendre les activités de l'association Shams, première association légalisée qui revendique ouvertement la dépénalisation de l'article 230 du Code pénal, criminalisant l'homosexualité.

La bonne nouvelle : le 23 février 2016, l'association gagne son procès contre l'État et est autorisée à poursuivre ses activités.

Mais la route reste longue pour les féministes en Tunisie, comme partout ailleurs...

Espérons que les élections municipales de novembre 2016 sauront changer la donne et qu'Aswat Nisaa saura faire entendre la voix des citoyennes du pays!

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

1. Islande

Les meilleurs et les pires pays pour les femmes selon le Forum économique Mondial

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.