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Le président haïtien Michel Martelly joue avec le feu

Plus le temps passe, plus le président haïtien, Michel Martelly, joue avec le feu en déclarant vouloir gouverner par décret sur la base de l'article 136 de la Constitution.
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Plus le temps passe, plus le président haïtien, Michel Martelly, joue avec le feu en déclarant vouloir gouverner par décret sur la base de l'article 136 de la Constitution, une fois la caducité du Parlement constatée à la date fatidique du 12 janvier 2015. Car, d'ici là, faute de solution à la crise préélectorale actuelle, le pays risque sérieusement de s'embraser et devenir de facto ingouvernable.

Tout indique que le président Martelly joue la montre pour gagner du temps. Mais, c'est sans doute « byen konte, mal kalkile » dans le contexte actuel! En effet, ce dont il ne s'aperçoit pas - ou feint de ne pas s'apercevoir -, c'est que le temps joue plutôt contre lui. Et que l'heure est grave ! Comme le dit, l'écrivain canado-haïtien, Dany Laferrière, dans son dernier roman L'Art presque perdu de ne rien faire (Grasset, 2014), « la montre-bracelet ne se contente pas de signaler que le temps n'avance pas comme on voudrait, elle crée aussi ce nuage d'ennui qui va pourrir l'atmosphère » (p. 189). C'est un euphémisme que de dire que le nuage d'ennui qui pourrit l'atmosphère haïtienne depuis avril 2011, début de l'ère Tèt Kale, résulte des méthodes pseudo-démocratiques de l'équipe néoduvaliériste au pouvoir. Même si l'opposition hétéroclite a aussi sa part de responsabilité dans cette impasse.

Après avoir lu le roman de Dany Laferrière où il parle du « temps » comme « une autre forme d'ennui », et suivi attentivement la dernière interview, assez surréaliste d'ailleurs, accordée le 31 octobre à TV5 Monde par le président haïtien, je me suis demandé si, à certains égards, celui-ci ne s'ennuyait pas au fond de lui-même tellement il semble dépassé par les événements. Le costume de président paraît trop grand pour lui ! A l'évidence, il a donné une nette impression que certaines capacités inhérentes à l'exercice de la fonction de Chef d'Etat, dont l'impérieuse nécessité d'assurer la cohésion nationale notamment en cette période aussi difficile pour le peuple haïtien, lui échappaient totalement. Aucune vision politique, de l'aveu même de l'intéressé! Quant au cap qui devrait être fixé en vue de mener le pays sur le chemin d'une lutte sans merci pour plus de justice sociale, contre la corruption et l'impunité, c'est le vide sidéral. Ne reconnaît-il pas d'ailleurs lui-même que « jusqu'à présent l'Etat haïtien est corrompu » ! Par ailleurs, le président se contente de faire du « voye monte » permanent avec des programmes bidons pendant que le pays s'enfonce dans l'abîme.

Alors, frappé par l'incongruité de ses propos, j'ai voulu faire une petite sieste, « cet Art presque perdu de ne rien faire » qui « permet aux pensées de jaillir, s'attachant aux petites et aux grandes choses, aux rêves, et aux lectures » avant de me replonger dans la lecture du roman de Dany Laferrière. Mais, cette fois, à haute voix - en suivant le conseil de l'auteur pour qui « il reste qu'en lisant à haute voix [...], on a à la fois le son et les images » (p. 173). C'est ainsi que je crois avoir eu le son et les images des propos du président en l'imaginant répéter en boucle devant ses conseillers : « Avant, je m'ennuyais qu'après deux jours de pluie, maintenant l'ennui vient n'importe où, après dix minutes d'attente. Il suffit que j'aie l'impression de ne pas pouvoir agir selon mon gré. » (p. 189).

Mais, ramené à l'actualité du moment, je me suis réveillé brusquement en me disant que, en ces temps de pluies diluviennes qui causent des dégâts énormes dans certaines régions d'Haïti, et particulièrement dans le département du Nord au Cap-Haïtien, le président ne pourrait se permettre le luxe de s'ennuyer en cette période si particulière.

Au contraire, il doit bien se rendre compte que, l'histoire d'Haïti étant ce qu'elle est depuis longtemps, il lui est impossible d'agir selon son gré. Qu'il existe une Constitution haïtienne qui régit le bon fonctionnement de la vie sociopolitique. Et que tout apprenti dictateur qui tente de la bafouer, diffuse inéluctablement un « nuage d'ennui qui va pourrir l'atmosphère », et s'expose ainsi à la sanction suprême du peuple : le « déchoukage » à l'haïtienne ou le « dégagement » à la burkinabè!

Or, il le sait trop bien, Haïti est l'un des pays pionniers en matière de « déchoukage » ! Et cela remonte bien avant le gigantesque mouvement populaire qui a bouté hors du territoire national son ami, l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier, le fameux 7 février 1986.

Par conséquent, que le président Martelly y réfléchisse sérieusement et arrête de jouer avec le feu et donc avec la vie de ces millions d'Haïtiens qui n'ont pas besoin d'un « goudougoudou » sociopolitique, cinq ans après celui du 12 janvier 2010 qui a causé tant de morts dans le pays!

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