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Dans ce long périple pour me faire une place dans la société d'accueil, je ne me souviens pas avoir été heureux.
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Le mois de février au Canada et surtout au Québec, auquel je me référerai, est l'occasion de célébrer le parcours de nombreux héros de la cause noire.

De nombreuses activités sont au programme de ce mois qu'on a eu l'amabilité de consacrer à notre communauté, ou Peuple si on fait fi des contraintes de territoire et de souveraineté éparses pour mettre en avant la force unique de notre diversité. Février, mois court, mois froid, mois pendant lequel les membres de la communauté hibernent pour la plupart et doivent faire preuve d'un grand courage pour montrer leur soutien aux rendez-vous de la programmation.

Ne serait-on pas mieux dans un mois d'été à refléter la chaleur de nos âmes, de notre rapport à la nature, comme ç'a toujours été le cas sous les latitudes de notre environnement légitime? Tant mieux, nous y sommes et, avec le recul, j'observe la place du Noir dans la programmation de la Cité: salon de l'immigration, festivals colorés, Saint-Jean-Baptiste et austérité au soleil. Montréal brille de tous ses feux multiculturels.

Mais revenir sur ce mois de faits vrillés ne m'empêche pas de voir les conditions actuelles des immigrants de notre communauté qui sont souvent reçus, mais pas toujours inclus, ou du moins pas là où ils mériteraient de l'être.

Le fait de changer le nom d'un ministère ne change rien à la réalité sur le terrain, mais montre soit que le mal est à présent considéré, ou qu'il est exposé au vu et au su de la société tel un serpent d'airain pour conjurer la grogne qu'on serait en droit de manifester face à tant d'iniquité.

«Au pays des aveugles, les borgnes sont rois», dit l'adage. Après avoir fait miroiter toutes sortes d'idées sur mon futur règne d'immigrant qualifié (si ce n'est «califié» en dupe) au terme d'une sélection minutieuse, la réalité a été tout autre une fois «chez nous». Loin de m'imposer aux borgnes, j'ai perdu mes yeux et perdu de vue mes connaissances, mes compétences et presque la richesse de mes valeurs culturelles pour me ramener au niveau de l'accueillant peu friand de ma prétention à me faire valoir.

Alors, pris dans le tumulte de la lutte pour un meilleur quotidien, je prends à mon compte la devise de mon oppresseur et «je me souviens». Je me souviens de mon parcours. Moi l'immigrant, nouvelle marchandise échangée pour bâtir la richesse d'autres nations. Accueilli, difficilement inclus, et intégré à titre posthume.

Je me souviens, jeune, avoir été poussé au départ par les craintes sur mon futur que faisait peser les tenants des comptoirs dans ma terre natale. Ces nouveaux administrateurs qui ont ma peau mais prennent le pot avec les mêmes vendeurs de miroiteries et de plaisirs qui durent le temps d'un règne, ou qui règnent le temps qu'ils durent. Exilé pour acquérir la connaissance et la compétence que ne peut offrir ma patrie, je prends alors de la valeur sur le marché international de la main d'œuvre qualifiée. Je me souviens le rejet de mon maître de formation ne pouvant m'intégrer à l'économie locale saturée en savants de toutes origines, coloniales mais pas assez locales. Choisir et non subir, telle est l'équation. Je me souviens m'être tourné vers le cousin innocent et appelant. Dans sa lutte fratricide pour la langue, l'Abel province me veut pour yeux. Pour yeux tout seul. Victime d'une injustice d'intégration à l'échelle fédérale qu'elle me fera subir à son tour, individuellement.

Dans ce long périple pour me faire une place dans la société d'accueil, je ne me souviens pas avoir été heureux. Est-ce dû à la condition d'un Peuple plongé dans l'insuffisance de revenus et les calculs pour les fins de mois difficiles, ou encore la contorsion d'identité de ceux qui veulent montrer pattes blanches et refléter le modèle de réussite généralement observé?

Réussir, c'est avoir une maison, une activité professionnelle, une famille à deux enfants, une voiture par conjoint... (Suggestion de présentation: l'abus de dettes est dangereux pour la santé). La deuxième génération aura sans doute le défi de ne plus troquer leurs rêves pour la survie ou l'honneur. Me souviendrai-je de mes frères ayant directement étudié ici et pu ainsi bâtir un réseau, arme indispensable et utile pour déjà trouver un stage, puis s'intégrer, une fois la fameuse étape de la sélection passée? Me souviendrai-je aussi de tous ces parcours oubliés et qui s'achèvent au point de départ, dans une forme géométrique bien connue de notre histoire: Afrique-Europe-Amérique du Nord.

Le mois de février doit être tourné aussi vers l'avenir pour que cette réalité devienne ce que d'autres étudieront comme fait du passé, si nous nous levons tous pour donner un poids économique à notre communauté par notre réussite de carrière ou d'affaires, que notre voix soit prise en compte dans les décisions qui concernent nos «chez nous» d'exil et d'origine . Alors, je me souviens et «je me lève pour l'affirmation économique des diasporas noires».

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