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Kony 2012: une pub qui ne sauvera pas le monde, sauf que...

En quelques semaines, son réalisateur, Jason Russell, soutenu par de nombreuses célébrités américaines, est devenu l'un des sujets de conversation favoris des médias dans le monde entier. Arrêté cette fin de semaine pour un étrange fait divers (il se serait masturbé sur la voie publique), le projet de communication qu'il a initié via son organisme controversé Invisible Children démontre à quel point le phénomène d'amplification des réseaux sociaux peut-être redoutable, pour le meilleur comme pour le pire. Récit d'une campagne de pub ratée.
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TMZ

À l'origine, une vidéo sur le web qui milite pour l'arrestation d'un tortionnaire ougandais, visionnée 112 millions de fois en six jours, le succès le plus rapide de l'histoire (il avait fallu 56 jours à Justin Bieber pour atteindre ce chiffre avec son vidéo clip Baby, ndlr).

En quelques semaines, son réalisateur, Jason Russell, soutenu par de nombreuses célébrités américaines, est devenu l'un des sujets de conversation favoris des médias dans le monde entier. Arrêté cette fin de semaine pour un étrange fait divers (il se serait masturbé sur la voie publique), le projet de communication qu'il a initié via son organisme controversé Invisible Children démontre à quel point le phénomène d'amplification des réseaux sociaux peut-être redoutable, pour le meilleur comme pour le pire.

Récit d'une campagne de pub ratée.

20 février 2012

Mise en ligne de la vidéo "Kony 2012″ avec un objectif: rendre aussi célèbre que Georges Cloney un homme recherché depuis des années, Joseph Kony, un tortionnaire Ougandais. Quelques jours après la mise en ligne de la vidéo, plusieurs tweets d'artistes et célébrités américaines endossent la campagne et relaient massivement le message de l'organisme Invisible Children, à l'origine de l'affaire. On compte parmi eux la chanteuse Rihanna, Zooey Deschanel, le rappeur américain Sean Diddy Combs, les acteurs Georges Clooney ou Angelina Jolie et même Bill Gates.

Dans la vidéo partagée sur les principaux réseaux sociaux, Jason Russell, le réalisateur, se met en scène avec son enfant pour dénoncer les agissements de ce chef de guerre. Saluée par le président Obama lui-même, elle fait rapidement le tour du monde. On y parle plus du réalisateur et de son fils Gavin que de la cause qu'ils défendent.

26 février 2012

Seulement six jours après sa mise en ligne, le film, tourné à la manière d'un documentaire de 30 minutes a dépassé les 112 millions de visionnements. Il s'agit de la vidéo qui a atteint le plus rapidement les 100 millions de l'histoire du web, selon Visible Measure, une plateforme d'analyse publicitaire de vidéos sociales. Déjà, dans les médias, on parle de "webtsunami" pour cette vidéo que l'on qualifie de la "plus virale de l'histoire du web". Bien sûr, à la vitesse à laquelle la vidéo sur le web s'est propagée, on oppose aussi le manque de recherche et de jugement sur les motivations du réalisateur et la crédibilité de l'organisme qu'il a co-fondé. Simon Jodoin dans Voir soulève l'épineuse question des internautes, globalement trop enclins a partager tout trop vite, alors que Mathieu Géniole dans le Nouvel Obs parle d'une "vidéo guimauve".

Dur de croire qu'une campagne de pub pourrait changer un dossier politique aussi complexe.

15 mars 2012

Vers 11h30 heure locale, à San Diego, Jason Russell, le réalisateur de 33 ans à l'origine de la vidéo est arrêté dans la rue, nu, victime de "déshydratation, épuisement et malnutrition" selon le site à potins TMZ. Il se serait masturbé dans la rue. Son avocat justifie cet épisode par un agenda trop rempli par des relations publiques dans les dernières semaines. Les mauvaises langues parlent déjà d'un personnage complexe et désaxé. En parallèle, plusieurs organismes mettent en cause la légitimité de l'ONG Invisible Children, dont les fonds proviendraient de parties obscures et dont les motivations ne seraient pas claires. Le très sérieux magazine américain "Foreign Affairs" mentionne que Invisible Children "manipule les faits à des fins stratégiques, exagérant l'ampleur des exactions commises par la LRA". Le site Charity Navigator ne lui donne quand à lui que deux étoiles, faute de savoir ou vont les dons exactement. Des groupes se sont formés pour s'opposer au mouvement d'Invisible Children #stopstopkony.

Et maintenant?

En un mois à peine, l'opération Kony 2012 a fait parler plus qu'il n'en faut. Et c'est avant tout le ton sensasionnaliste et démagogique de la campagne qui la discrédite. Et nombriliste aussi. On y parle plus du réalisateur et de son fils Gavin que de la cause qu'ils défendent. Le discours faussement humaniste, l'image misérabiliste de l'Afrique qui y est dépeint et le déploiement massif d'une identité digne d'une campagne de publicité politique peine à convaincre. Celui qui se qualifie comme le fils d'Oprah, Steven Spielberg et Bono (rien de moins...) selon le site Australien News.Com semble plus animé par le besoin de se faire connaître que par une démarche vraiment désintéressée. Dur de croire en effet qu'une campagne de pub pourrait changer un dossier politique aussi complexe.

L'avenir au contenu?

Si d'un côté le pouvoir des internautes semble se confirmer (relayer massivement, faire pression, recourir à des influenceurs connus), force est de constater que Kony 2012 manque de substance pour aller plus loin. Des groupes se sont formés pour s'opposer au mouvement d'Invisible Children, #stopstopkony. Si la communication entourant les causes sociales doit choquer pour sensibiliser et se démarquer dans un univers médiatique encombré, on peut toutefois se demander si le médium et l'emballage publicitaire peuvent réellement masquer le manque de contenu évident dont souffre une telle campagne.

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