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L'ouragan déclasse les élections mais remonte notre esprit d'union

L'ouragan Sandy a révélé la véritable union bipartisane à laquelle nos leaders n'apportent qu'un soutien de façade. Soudain, dans une campagne où la question principale concernait le rôle du gouvernement, plus personne ne demande : "Pourquoi est-ce que le gouvernement est impliqué ?" Les gouverneurs dans les états appliqués n'ont pas demandé de l'aide aux "créateurs d'emplois", ils ont réclamé l'aide fédérale.
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AFP

L'ouragan Sandy a peut-être été déclassé en ouragan de classe 2 après avoir déferlé sur les Caraïbes, mais on ne l'a certainement pas ressenti comme ça. Ce qui est sûr en revanche, c'est la façon dont Sandy a rapidement rétrogradé les élections. Ce qui s'apparentait à une histoire de classe 5 s'est subitement transformée en une simple perturbation de l'actualité. Alors que Sandy approchait, les élections ont presque disparu des radars, les deux candidats ayant annulé leurs apparitions. Au lieu de se réunir avec David Axelrod et David Plouffe, Obama s'est réuni avec les responsables des secours dans la "Situation Room" (celle de la Maison-Blanche et non pas celle de CNN).

Les gens qui consultaient les pronostics de Nate Silver du New York Times toutes les 5 minutes se sont retrouvés rivés au moindre mot sortant de la bouche du Dr Jeff Masters de Weather Underground ou de Louis Uccellini, directeur des Centre nationaux de prévisions météorologiques dont les prédictions ont eu immédiatement plus d'impact que de savoir qui allait remporter le vote des mères adeptes des supermarchés Wal-Mart. Et le vote par anticipation dans le Maryland a été annulé.

Mais Sandy ne s'est pas contenté de reléguer en queue de magazine les élections. Il les a aussi transformées. À un moment où la politique nous divise, Mère Nature nous réunit. Soudain, les murs artificiels érigés par le processus politique pour nous séparer en microgroupes dans le but de nous faire croire que nous n'avons pas d'intérêts communs, ont été balayés par l'énorme ouragan. Comme pour insister encore sur la façon dont nous sommes tous liés les uns aux autres, la pleine lune - celle que nous aurions dû voir hier soir si les nuages ne nous l'avaient pas cachée - était de mèche avec l'ouragan pour amplifier ses effets.

L'ouragan Sandy a révélé la véritable union bipartisane à laquelle nos leaders n'apportent qu'un soutien de façade. Soudain, dans une campagne où la question principale concernait le rôle du gouvernement, plus personne ne demande : "Pourquoi est-ce que le gouvernement est impliqué?" Les gouverneurs dans les états appliqués n'ont pas demandé de l'aide aux "créateurs d'emplois", ils ont réclamé l'aide fédérale. Et le gouvernement - qui représente le peuple américain - y a répondu avec empressement. Cela devient tout de suite plus facile de voir le but du gouvernement : rendre notre pouvoir collectif plus efficace.

Dans le New Jersey, Chris Christie, le même gouverneur qui avait ouvert la Convention nationale républicaine par un discours dans lequel il critiquait violemment la déclaration d'Obama expliquant que le gouvernement avait un rôle à jouer pour aider les gens à construire des entreprises, a remercié le Président Obama pour son empressement à envoyer des secours dans son état et sa sagesse à n'avoir pas circonscrit les options d'aides pour le New Jersey à celles de l'état.

"[Le Président Obama] m'a appelé la nuit dernière vers minuit (...) pour me demander ce qu'il restait à faire [et] m'a proposé tous les fonds dont nous pourrions avoir besoin" a raconté Christie. "Je dois reconnaître que l'administration, le Président lui-même et le directeur de l'Agence fédérale des situations d'urgence (FEMA), Craig Fugate, se sont montrés remarquables jusqu'ici. Nous collaborons très bien avec eux et je veux remercier personnellement le Président pour son attention spécifique." Un peu plus tôt, avant même l'arrivée de la tempête, Christie avait demandé au Président de décréter l'état de catastrophe naturelle pour le New Jersey, ce qu'Obama lui avait accordé.

Et ce n'est pas seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les états et les localités qui ont répondu présents pour protéger les vies et les biens de leurs citoyens. A New York, presque 400 000 personnes ont été évacuées des zones inondées et le métro a été coupé (un processus laborieux qui peut prendre jusqu'à dix heures) pour la seconde fois seulement de son histoire. Le département des sans-abri a doublé d'efforts pour inciter ceux qui vivaient dans les rues à venir se réfugier dans ses centres. La Garde nationale de la Virginie a reçu le feu vert pour faire venir 500 gardes afin de dégager les routes. Et les entreprises de services publics le long de la côte Est ont tenu prêtes des milliers d'équipes d'intervention pour venir en aide aux millions de personnes privées d'électricité.

Et puis il y a eu les mises en garde qui nous ont rappelés que le gouvernement avait déployé des hommes ayant permis de sauver des vies, et que les responsabilités fonctionnaient dans les deux sens : "Si vous n'évacuez pas, vous mettez non seulement votre vie en danger mais aussi celles des personnes qui viendront vous secourir" a ainsi déclaré le maire de New York, Michael Bloomberg. La mise en garde par le Service de Météo nationale du New Jersey était encore plus directe - ou "pertinente", pour reprendre la juste expression du Dr Jeff Masters :

"Si vous n'avez pas envie [d'évacuer], pensez à ceux que vous aimez, pensez aux services d'urgences qui n'arriveront pas à vous joindre quand vous passerez cet appel paniqué pour qu'on vienne vous secourir, pensez aux équipes de secours ou de réanimation qui vous sauveront si vous êtes blessé ou recouvriront votre corps si vous n'avez pas survécu."

Nous ne sommes plus capables de nous unir quand il s'agit de reconstruire nos infrastructures, ni même réparer comme il faut ce que nous possédons, mais nous pouvons au moins nous rassembler pour les protéger du pire - si nous sommes absolument forcés de le faire par une calamité comme l'ouragan Sandy. Mais sommes-nous capable d'un élan similaire quand il ne s'agit pas de catastrophes naturelles ? Pas plus tard qu'en février dernier, les républicains ont proposé une loi pour couper 1,2 milliards de dollars du plan budgétaire du président Obama dédié à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui gère les satellites permettant de surveiller les ouragans comme Sandy et de donner des avertissements précis et opportuns. Et lors d'un débat durant les primaires, on a demandé à Mitt Romney si la FEMA devait être fermée et la responsabilité des catastrophes donnée aux états. Voici sa réponse :

"Absolument. Chaque fois que vous avez l'occasion d'ôter quelque chose du gouvernement fédéral pour la redonner aux états, c'est la bonne chose à faire. Et si vous pouvez aller encore plus loin et renvoyer cette chose au secteur privé, c'est encore mieux. S'agissant du budget fédéral, au lieu de nous demander ce qu'on peut supprimer, on devrait plutôt se demander ce qu'on peut garder."

"Est-ce que cela inclut l'aide en cas de catastrophe ?" a alors demandé le modérateur John King.

"On ne peut pas se permettre de faire ce genre de choses sans mettre en péril le futur de nos enfants. Selon moi, c'est tout simplement immoral de continuer à accumuler de plus en plus de dettes et de les transmettre à nos enfants, sachant très bien que nous serons morts depuis longtemps avant que ce soit remboursé. Cela n'a aucun sens."

La campagne de Romney a répondu lundi que Romney voulait "s'assurer que les états (...) avaient les ressources et l'assistance nécessaires pour faire face à des catastrophes naturelles". Peut-être que l'ouragan Sandy a effacé son Ecran magique (une tempête devrait largement suffire à le faire). Quoiqu'il en soit, comme l'a fait remarquer Matt Yglesias, le budget de Romney prévoit des coupes dans tous les domaines sauf celui de la Défense. Et si vous épargnez Medicare des réductions générales proposées par Romney, le Center for Budget and Policy Priorities estime que cela comporterait des coupures aux alentours de 53 % pour des agences comme la FEMA.

Mais pour l'instant, nous bénéficions d'un moment - imposé par quelque chose de vraiment plus fort que nous - où les deux partis sont d'accord pour dire que le gouvernement est utile. Que ce soit ou pas "vous qui avez construit ça", si un ouragan le détruit, c'est bien d'avoir la FEMA pour vous aider à le reconstruire.

Malheureusement, cet esprit d'union nationale est amené à durer environ 72 heures, avant de se consumer et disparaître quelque part au delà du Canada.

Ce qui est vraiment dommage parce que nous avons un réel besoin d'ouverture entre les partis et d'efforts collectifs, pas seulement pour reconstruire nos infrastructures et résoudre des problèmes comme celui de la crise de l'emploi, mais pour faire face aux causes profondes qui rendent de telles tempêtes aussi puissantes et de plus en plus fréquentes.

Mais cette période électorale va s'achever sans sérieuses discussions à propos du changement climatique. "L'ironie est que les deux candidats ont choisi de ne pas évoquer ce sujet et que maintenant le changement climatique s'adresse à eux" a déclaré Mike Tidwell, directeur du Maryland's Chesapeake Climate Action Network et auteur d'un livre paru en 2006 sur le changement climatique, The Ravaging Tide. "C'est vraiment ce qui se passe ici. Le climat s'adresse directement à eux et à tout le monde."

Michael Mann, physicien et directeur du Centre de sciences du système terrestre à Penn State, explique que si nous ne pouvons pas attribuer de façon concluante la responsabilité de n'importe quelle tempête au changement climatique, "nous pouvons cependant constater que [ce dernier] joue un rôle en créant un contexte favorable pour l'apparition de ces tempêtes. Les niveaux records de chaleur de l'océan Nord Atlantique, en particulier, augmente la puissance de ces phénomènes". Et selon les recherches de la compagnie d'assurances allemande Munich Re, "le nombre de sinistres causés par la météo en Amérique a quintuplé en trente ans". Le mois dernier, une étude des universités de Yale et George Mason a rapporté que 74 % des Américains estimaient que "le réchauffement mondial affecte la météo aux Etats-Unis". Et c'était avant l'ouragan Sandy.

Cet effort collectif, cet esprit "tous ensemble dans la même galère" a été formidable à observer. Nous savons que cet état d'esprit existe, même s'il a été peu présent dans les dernières semaines qui ont mené au désastre actuel. Mais nous ne devrions pas avoir besoin d'une catastrophe naturelle pour nous rappeler à notre nature humaine. Espérons que cet état d'esprit perdurera, même si Sandy s'en va.

Et en attendant, voici une page que nous avons mise en place pour toute personne souhaitant donner un coup de main.

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