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L'entraînement de la police afghane suspendu

Les soldats de l'Otan avaient été accueillis en libérateurs, ils sont aujourd'hui les occupants dont il faut se débarrasser. Entre départ précipité des nations alliées, incompréhensions mutuelles entre Afghans et occidentaux et montée en puissance des talibans qui menacent le pays du Nord et Sud, la tâche promet d'être rude et la retraite, dans un peu plus de deux ans, incertaine.
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Afghan National Police (ANP) stand in formation during a graduation ceremony at a police training centre in Herat on September 6, 2012. The Taliban are involved in a quarter of Afghan security personnel attacks on NATO colleagues, according to a military commander. The surge of assaults, unprecedented in modern warfare, have seen Afghan troops opening fire on their NATO colleagues more than 30 times this year, killing at least 45 foreign troops -- most of them Americans. AFP PHOTO/ Aref Karimi (Photo credit should read Aref Karimi/AFP/GettyImages)
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Afghan National Police (ANP) stand in formation during a graduation ceremony at a police training centre in Herat on September 6, 2012. The Taliban are involved in a quarter of Afghan security personnel attacks on NATO colleagues, according to a military commander. The surge of assaults, unprecedented in modern warfare, have seen Afghan troops opening fire on their NATO colleagues more than 30 times this year, killing at least 45 foreign troops -- most of them Americans. AFP PHOTO/ Aref Karimi (Photo credit should read Aref Karimi/AFP/GettyImages)

Le départ des troupes internationales d'Afghanistan -la retraite militaire de l'Occident ironiseront les mauvaises langues- restera un long parcours semé d'embûches. Après défections et retours anticipés pour cause de danger (l'armée française y fait bonne figure avec deux ans d'avance sur le calendrier initial), l'OTAN via les forces spéciales américaines vient de décider de suspendre l'entraînement d'une partie de la police afghane. "Un à deux mois" officiellement, plus peut-être...

Mille nouveaux candidats sont appelés à attendre des jours meilleurs pour se porter volontaires après une série d'attaques mortelles menées par les recrues elles-mêmes contre leurs mentors internationaux. Les chiffres sont là, inquiétants: 35 incidents de la sorte depuis début 2012, 15 pour le mois d'août seulement et 45 soldats de la coalition internationale de l'OTAN tués par leurs élèves.

L'annonce tombe plutôt mal alors qu'en mai dernier, lors du sommet de l'OTAN à Chicago, l'Alliance confirmait sa stratégie de sortie la constitution d'une force militaire afghane forte de 352.000 éléments (police et armée) pour octobre 2012, son déploiement sur l'ensemble du pays d'ici 2013 et le retrait des troupes internationales fin 2014, un processus en cours alors que les Afghans assurent déjà la sécurité du pays sur 75% du territoire. La transition doit permettre un retrait digne, la tête haute, tout en claironnant le succès d'une mission démarrée avec brio au lendemain du 11 septembre 2001 mais aujourd'hui critiquée par les Afghans comme les nations contributrices de troupes.

La formation des forces afghanes doit également permettre à Karzai et ses affidés de consolider leur assise politique et surtout honorer le partenariat stratégique signé en mai dernier avec les Américains afin que ceux-ci puissent conserver quelques bases militaires aux pieds de l'Hindu Kush. Pas question pour Washington d'un remake des années 90 où, après le départ des soviétiques -et quelques années d'anarchie-, les moudjahidins reprirent à l'ennemi communiste les principales villes du pays avant que les talibans ne les en chassent à leur tour. L'armée et la police afghanes auront donc pour ingrate tâche d'empêcher les talibans de reprendre la main.

A peine élu en 2009, Obama avait pris la mesure du problème. Un an après son arrivée à la Maison Blanche, le prix Nobel de la Paix avait non seulement doublé le nombre des troupes américaines au sol mais fait de l'entraînement intensif des forces afghanes une des pierres d'angle de sa stratégie militaire. Reste que former 350.000 troupes dans un pays où règnent analphabétisme, corruption et népotisme n'est pas chose aisée. Si l'armée a toujours été chouchoutée (salaires, équipement et formation), la police elle, est restée le parent pauvre du dispositif: corrompue, mal-aimée et souvent en première ligne dans la lutte anti-insurrection, planquée dans des fortins au milieu de nulle part, prête à courir au premier assaut taliban et avec pour unique protection et allégeance à l'état afghan un bout de drapeau noir, rouge et vert au dessus de la tête...

Le recrutement est à l'image des forces police: pitoyable. Pour tenir les objectifs, il a fallu abaisser les standards et les normes: la quantité au mépris de la qualité. Et quand les américains ont décidé de former en trois semaines une police locale (ALP, Afghan Local Police) attachée aux villages "difficiles" et représentant 10% à 20% des effectifs, de nombreuses voix se sont élevées contre une force au sein de laquelle on relève un taux d'analphabétisme de 90 à 98% selon la Commission afghane de droits de l'homme... Seuls les chefs de guerre et petits commandants locaux y ont trouvé leur compte, trop contents d'y caser leurs hommes en les faisant payer par les Américains.

La légèreté du recrutement et les infiltrations probables des talibans auront eu raison, pour l'instant, de la très controversée ALP. Mais c'est aussi -et une nouvelle fois- l'incompatibilité culturelle entre paysans afghans formés à la va-vite et mentors occidentaux qui est montré du doigt. Les soldats de l'Otan avaient été accueillis en libérateurs, ils sont aujourd'hui les occupants dont il faut se débarrasser. Entre départ précipité des nations alliées, incompréhensions mutuelles entre Afghans et occidentaux et montée en puissance des talibans qui menacent le pays du Nord et Sud, la tâche promet d'être rude et la retraite, dans un peu plus de deux ans, incertaine. Sans même parler de l'avenir des Afghans.

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