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Epigénétique et Holocauste

Depuis peu, des stress psychologiques intenses, traumatismes, abus, maltraitances, guerres ou conflits, et catastrophes naturelles majeures ont pu être mis en lien avec des modifications épigénétiques.
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Depuis peu, des stress psychologiques intenses, traumatismes, abus, maltraitances, guerres ou conflits, et catastrophes naturelles majeures ont pu être mis en lien avec des modifications épigénétiques (affectant le fonctionnement des gènes sans modifications de leur séquence ADN). Certains gènes impliqués dans la neurotransmission ou l'axe hormonal du stress ainsi que les voies de réponse immunitaire, pourraient ainsi être la cible de ces modifications et celles-ci expliqueraient une vulnérabilité ultérieure plus grande des sujets exposés. Fragilité, anxiété, risque accru de développer des états de stress post-traumatiques, des troubles psychiatriques, ou encore une moins bonne immunité, seraient des conséquences possibles.

Effets transgénérationnels

Il a été suggéré que ces changements épigénétiques pouvaient, dans certains cas, être également retrouvés dans la descendance des personnes directement exposées à ces évènements délétères hors norme. Chez les rongeurs en laboratoire, cette démonstration d'effets épigénétiques transgénérationnels, sur 4 générations pour certains, a été bien décrite depuis plusieurs années, et pour différentes situations d'expositions environnementales et de gènes cibles. Dans certains cas, ce «passage» à la génération suivante avait un biais de transmission maternel ou paternel. Comment cette transmission est-elle possible, alors que les marques épigénétiques reçues des parents sont effacées et reprogrammées durant la vie embryonnaire, à chaque génération, n'est pas encore établi.

Bon nombre d'études se sont penchées sur les survivants de l'Holocauste, leur descendance, mais cet aspect épigénétique potentiellement transgénérationnel n'a pas encore été clairement exploré. Une étude (1), en 2011, avait démontré sur 137 sujets descendants d'un parent survivant de l'Holocauste, une relation entre l'exposition de l'apparenté et le bien-être subjectif (émotionnel ou physique) du descendant, dans le sens d'un moindre bien-être du descendant si sa mère avait été exposée, et non si son père avait été exposé. Comme s'il y avait eu un biais de transmission maternel. Ce bien-être subjectif diminué allait avec une plus grande utilisation de médicaments psychotropes et autres médicaments non psychotropes (pour l'hypertension par exemple) pour ce groupe de descendants.

Tout récemment, c'est un article (2) d'une revue israélienne de psychiatrie et sciences apparentées qui soulève la question fort pertinente, de la transmission de marques épigénétiques par les survivants de l'Holocauste à leur descendance, soulignant qu'il y a bien eu les récits, la communication, l'éducation, faite à ces enfants, devenus maintenant des adultes, mais peut être bien aussi des éléments biologiques, comme des modifications épigénétiques. De là, une vulnérabilité accrue ?

Du génome à l'épigénome

Bien entendu, la génétique est aussi impliquée de manière directe dans l'effet qu'un stress environnemental majeur, ou traumatisme, peut avoir sur un individu, dans la mesure où certains individus ont déjà, de par leurs variations génétiques, une vulnérabilité (ou au contraire peut être une faculté de résilience) plus grande que d'autres, et que ce facteur génétique pourrait être transmis. Mais on estime que le facteur héréditaire n'explique qu'une moindre proportion de la réponse au traumatisme : le 30% environ (3).

L'épigénétique : une mémoire biologique ?

Si l'on met tout cela ensemble : génome, épigénome, générations, individus et traumatismes, on est tenté de croire qu'en effet, une compréhension plus claire de facteurs de vulnérabilité chez des sujets et descendants de sujets exposés à des traumatismes majeurs, comme l'Holocauste, viendra de l'épigénétique.

Mais par ailleurs, comment comprendre ce très étonnant constat: une étude scientifique (4) vient de rapporter que les survivants de l'Holocauste (20 ans ou moins à cette époque) auraient une longévité plus grande que ceux qui n'ont pas été exposés à ce traumatisme. Un effet discuté non pas comme une conséquence, mais comme un cumul de facteurs génétiques, psychologiques, physiques et de tempérament, qui mis ensemble, auraient permis la survie. Difficile d'y voir clair entre ce résultat et des effets épigénétiques potentiellement délétères du traumatisme, ou alors une longévité qui n'implique pas nécessairement moins d'affections non mortelles (et celles-ci alors en lien avec l'épigénétique).

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(1) Flory et al., Dis Markers, 2011

(2) Kellermann, Isr J Psychiatry Relat Sci, 2013

(3) Skelton et al., Neuropharmacol, 2012

(4) Sagi-Schwartz et al., PLoS One, 2013

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