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Comment réagir à #moiaussi en tant qu’homme?

Écoutons les femmes, exigeons qu'elles soient prises au sérieux, croyons ce qu'elles disent et surtout, ne nous arrêtons pas là.
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Décidément, les temps sont durs. À la lourdeur naturelle de novembre s'ajoute une montagne d'effroi, une pluie de dénonciations troublantes qui semblent venir de toutes parts. Alors que tous ces hommes de la sphère publique sont pointés du doigt pour leurs gestes immondes, beaucoupdefemmesréagissent, et on semble enfin les écouter. Il était temps. Cependant, je vois, je lis, j'entends aussi beaucoup d'hommes partager leur opinion. Parfois, c'est humain, rassurant. Parfois, ça l'est beaucoup moins.

Dans tout ce brouhaha, les interventions qui m'inspirent le plus misent généralement sur une chose bien précise: l'importance de tendre l'oreille lorsque les femmes s'expriment. De les écouter. De leur donner le bénéfice du doute. De les croire.

Pendant trop longtemps, chaque fois qu'une femme portait plainte contre un homme le moindrement connu pour agression sexuelle ou viol, les réactions n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui. On traitait celles qui osaient parler de menteuses. On les accusait de vouloir s'enrichir sur le dos d'une célébrité, d'être profiteuses. Souvent, les procès avortaient. Les peines étaient réduites, voire inexistantes. Souvenez-vous Julian Assange. Jian Ghomeshi. Même Gilbert Rozon, sur qui on enquête enfin pour vrai, s'en était sorti avec une absolution complète en 1999. On comprend donc qu'il était facile d'avoir l'impression que les hommes célèbres étaient intouchables. Au-delà de tous les blâmes, plus précisément ceux venant de femmes.

Puis, le vent a tourné. Malgré les ratés du passé, certaines femmes ont osé prendre la parole et confier leur histoire. Cette fois, on les a entendues. On les a écoutées. Soudainement, l'impression qu'il n'y avait rien à faire s'est dissipée, pour laisser sa place à une confiance en soi contagieuse. Le mouvement organique qui s'en est suivi a enfin donné une voix à ces millions de femmes jusqu'alors muettes quant à leurs expériences.

Or, malgré le changement de mentalité, certains hommes demeurent fidèles à leur vieux réflexe, celui de croire que presque toutes ces femmes surfent sur la vague de dénonciations. Qu'elles orchestrent un coup monté contre ces hommes. Que le nombre d'accusations dépasse largement le nombre de vraies inconduites ou agressions (alors que ça ne pourrait pratiquement pas être davantage le contraire). Ils déclarent que le pouvoir de l'homme n'a rien à voir avec le consentement de la femme. Ils s'entêtent à croire que ces femmes-là l'ont cherché. Qu'elles ne savaient pas ce qu'elles voulaient. Qu'elles ont posé un geste délibéré qu'elles ont tout simplement regretté par la suite. Qu'elles exagèrent, puisque la dénonciation est au goût du jour.

Pourquoi systématiquement douter des femmes lorsqu'elles partagent leur expérience?

Pourquoi, donc? Pourquoi ces hommes réagissent-ils ainsi? Pourquoi systématiquement douter des femmes lorsqu'elles partagent leur expérience? Pourquoi, dans ce genre de situation, accordent-ils à l'homme le bénéfice du doute, alors que la femme en est complètement privée?

Récemment, j'ai lu un texte qui contenait peut-être des éléments de réponse. Il s'agit de la réflexion d'un ami (un Américain préférant ne pas être nommé), un petit essai bien ficelé qui m'a fait réfléchir. Il y parle de la tendance masculine à croire que le monde des hommes est «plus vrai» que celui des femmes. Selon cette manière de voir les choses, les hommes chassent, alors que les femmes tissent. Les hommes, c'est l'action, et les femmes, la conversation. Les hommes innovent, au contraire des femmes. Nécessairement, poursuit-il, cette perspective aussi arbitraire qu'erronée mènera à la déduction que les femmes ne savent pas ce qu'elles veulent. Qu'elles doivent se faire dire ce qu'elles veulent.

Mon ami aurait-il vu juste? Serait-ce pour cette raison que certains hommes doutent systématiquement des femmes? Cela expliquerait-il leurs réactions sur la défensive? Consciemment ou pas, croient-ils qu'elles ne peuvent même pas différencier ce qu'elles désirent de ce qui les repousse? À écouter certains discours, il est facile de le croire.

Remarquez: même si certains hommes y croient, il est également possible que d'autres adoptent simplement cette vision parce que ça les arrange. Mais peu importe que ces hommes soient sincères ou non dans cette piètre manière de percevoir les femmes, il reste que c'est sans doute dû à ce préjugé que, avant aujourd'hui, on ne faisait pratiquement jamais confiance à une femme qui sortait de l'ombre.

Si cette hypothèse est juste, avouons qu'il était franchement temps que ça change, car cette vision est inexcusablement infantilisante.

Si cette hypothèse est juste, avouons qu'il était franchement temps que ça change, car cette vision est inexcusablement infantilisante. Peu de choses manquent autant d'humanité que d'opérer en présumant ‒ sincèrement ou pas ‒ que la femme est incapable de faire la différence entre ses plaisirs et ses aversions.

En fait, en y pensant bien, est-ce que les inconduites sexuelles sont le seul sujet à propos duquel on a tendance à douter systématiquement des femmes? Malheureusement, je ne crois pas. Il y a bel et bien d'autres situations où les hommes pourraient faire mieux, comme en témoigne mon ami, à qui je passe la plume un instant:

«Quand les femmes disent qu'il faut les croire, elles ne vous disent pas seulement de le faire lorsqu'elles affirment avoir été victimes d'un crime. Les leçons que les hommes doivent tirer à propos des femmes ne doivent pas s'arrêter là. Les femmes vous demandent aussi de les croire quand elles vous disent qu'elles n'ont aucune attirance sexuelle à votre égard. De les croire quand elles avouent que quelque chose que vous faites ou que vous dites les met mal à l'aise. De les croire quand elles vous disent qu'elles ont une idée qui mérite d'être entendue, une histoire qui mérite d'être racontée; quand elles déclarent qu'il y a d'autres choses dans leur vie qu'elles considèrent comme plus importantes que vous; quand elles soutiennent qu'elles méritent un salaire égal pour un travail égal; quand elles affirment vouloir ou ne pas vouloir d'enfants; quand elles disent qu'elles préfèrent diriger au lieu d'être dirigées ou qu'elles aimeraient mieux voyager plutôt que s'établir. Croyez-les aussi quand elles vous disent qu'elles sont fâchées, fatiguées, blessées et désespérées. Reconnaissez qu'elles possèdent exactement autant de qualités et de défauts que n'importe quel homme, et que, comme eux, elles sont capables de les inclure à votre vie, si seulement vous les laissez faire.» (traduction libre)

Oui, il était grand temps qu'on commence à faire confiance aux femmes. Donc, sans perdre notre vigilance ‒ la confiance ne doit évidemment jamais être aveugle ‒ continuons à le faire. Écoutons les femmes, exigeons qu'elles soient prises au sérieux, croyons ce qu'elles disent et surtout, ne nous arrêtons pas là. Comme le souligne Bridget Read du magazine Vogue, si nous désirons éradiquer ce genre de comportement répugnant dans l'avenir, faire confiance aux femmes n'est que le début. En effet, souligne-t-elle, dans certaines de ces affaires, l'entourage des coupables n'était pas dans l'ignorance, mais bien dans le silence. Ainsi, il nous faut aussi trouver des moyens d'empêcher que le pouvoir professionnel puisse protéger les coupables de coercition physique ou de violence sexuelle.

Bref, nous avons beaucoup de chemin à faire. Je suggère qu'en route, on écoute ce que les femmes ont à dire.

Avril 2018

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