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À six ans, j'ai fait ma première fellation.«C'est un jeu», qu'il m'a dit. «Tu ne veux pas jouer?» C'était trop gros et je lui ai vomi dessus. Il m'a dit que je ferais mieux la prochaine fois.
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À six ans, j'ai fait ma première fellation.

"C'est un jeu", qu'il m'a dit. "Tu ne veux pas jouer?"

C'était trop gros et je lui ai vomi dessus.

Il m'a dit que je ferais mieux la prochaine fois.

À sept ans, un garçon de ma classe a essayé de m'embrasser

pendant que les autres l'encourageaient.

Il m'a enlacé par derrière, en rigolant.

Je lui ai jeté du sable dans les yeux et me suis retrouvée chez le principal.

À huit ans, le maître m'a demandé de rester après la classe.

Il m'a portée sur ses épaules et m'a dit que j'étais jolie.

"Oh, la chouchoute!" ont crié mes amies, les yeux plein de jalousie.

Ils m'ont ignorée à la cantine ce jour-là.

À neuf ans, une fille plus âgée m'a demandé de soulever ma jupe pour elle dans le bus.

Elle était jolie et gentille, et elle m'a dit que si je voulais être son amie,

il fallait que je fasse ce qu'elle me demandait.

Je voulais être son amie.

À dix ans, quelqu'un de ma famille m'a demandé de lui faire un bisou sur la joue chaque fois qu'il venait.

Il était gros et parlait fort, et je me cachais sous mon lit

quand j'apprenais qu'il allait nous rendre visite.

On me prenait pour une enfant malpolie.

À onze ans, le type du garage a dit que nous ne partirions

que si je lui faisais un câlin chaque jour.

Il sentait le savon bon marché et la cigarette.

À douze ans, j'ai vu un homme mettre la main sur la poitrine de ma mère

alors que nous marchions dans la rue.

Elle l'a giflé. Les passants lui criaient de se calmer.

Elle ne s'est pas calmée.

À treize ans, en sortant d'un restaurant, j'ai vu un homme

qui s'approchait de moi en se masturbant.

Quand il m'a croisée, il m'a adressé un clin d'œil salace.

Avec mes amies, nous avons détourné les yeux, horrifiées.

À quatorze ans, un jeune homme dans une belle voiture m'a suivie jusqu'à chez moi alors que je rentrais de mon cours du soir.

J'ai ignoré son offre de me raccompagner et j'ai paniqué quand il est sorti de sa voiture.

Il m'a acheté une boîte de chocolats que j'ai refusée. Il s'est garé au bout de ma rue et est resté là pendant une heure.

"Ça m'excite de voir que tu as peur."

À quinze ans, on m'a tripotée dans le bus. J'avais tellement honte que je me suis confiée à un ami.

Il s'est mis en colère parce qu'il n'arrivait pas à croire que je n'aie pas crié au type d'arrêter. J'ai murmuré que j'avais eu peur et que j'étais seule mais il a continué à m'engueuler sans m'écouter. À ses yeux, ma passivité et mon silence expliquaient pourquoi ces choses-là continuaient de se produire. Il n'a pas attendu de connaître ma réponse.

À seize ans, j'ai découvert que Messenger avait un dossier "Autres" où les messages d'inconnus étaient automatiquement rangés.

Par curiosité, j'ai ouvert le dossier et y ai trouvé de nombreux messages d'hommes que je n'avais jamais vus auparavant.

Ils me faisaient des avances, me disaient que j'étais sexy, me demandaient des photos déshabillées et m'insultaient.

Effacer les messages.

À dix-sept ans, j'ai appelé à l'aide quand un type ivre m'a agressé sexuellement dans une rue fréquentée.

Il m'a semblé que les gens autour de moi accéléraient le pas.

À dix-huit ans, on m'a expliqué que le sexisme n'existait plus dans les sociétés modernes.

Que le harcèlement n'était pas aussi terrible que les femmes le disaient.

Que je devais faire attention à la façon dont je m'habillais.

Même si j'avais six ans et que je portais un pyjama rose.

Que je devais faire entendre ma voix.

Mais pas trop, car une fille doit être bien élevée.

Que je ne devais pas hésiter à demander de l'aide.

Mais sans exagérer non plus.

Que je devais rester chez moi le soir parce que c'est dangereux de sortir la nuit.

Que les agressions en plein jour, ça n'existe pas.

Que je devais toujours me déplacer avec au moins deux garçons.

Que j'avais besoin d'être protégée.

Qu'être une fille n'est pas si dur qu'on le prétend.

Aujourd'hui, j'ai dix-neuf ans.

Aujourd'hui, je suis fatiguée.

Ce poème, publié à l'origine sur Glasnost, puis sur le Huffington Post américain, a été traduit par Laura Pertuy pour Fast for Word.

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