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«Rafael, il y a une petite fille qui a un dessin de toi, peux-tu le signer s'il te plait.»
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Cette semaine, à la Coupe Rogers, j’ai cédé mon coeur à Rafael Nadal.
USA Today Sports / Reuters
Cette semaine, à la Coupe Rogers, j’ai cédé mon coeur à Rafael Nadal.

Je suis une fan de Roger Federer.

Une parmi des millions.

Mais cette semaine, à la Coupe Rogers, j'ai cédé mon coeur à Rafael Nadal.

L'entraînement vient de se terminer. Le soleil plombe sur les têtes, surtout la sienne, qui absorbe les rayons depuis plus de deux heures et demie. Son corps a dévoré chaque frappe de raquette comme un prédateur, ses muscles ont sailli comme autant de coups de couteau, la sueur a inondé ses joues creuses, ses traits crispés par l'effort et l'intensité.

Lentement, Nadal sort du terrain et se dirige vers la sortie .

Une allée. Une masse humaine contenue de chaque côté du chemin par des grilles de fer qui le protègent. Je dis protège. Car lorsqu'une muraille doit nous séparer de cet amour, c'est qu'il dérange.

Une voiturette de golf l'attend au bout de l'allée, son équipe y est déjà assise, prête à l'évacuer dès qu'il aura franchi ces quelques pas qui le séparent du véhicule.

Nadal prend son souffle. Et avance vers la foule. Sillonne longuement les deux côtés du rideau de fer, souriant, signant, touchant, cachant sa fatigue. Il donne. Et ça se voit.

Puis, d'une enjambée, atteint la voiturette de golf, s'assoit derrière, dos à son équipe, face à la foule. Ses épaules s'abaissent, son torse se vide délesté d'un poids.

Et c'est là qu'il la voit.

La petite fille au dessin.

Son visage en gros plan, colorié maladroitement, tenu avec l'énergie du désespoir par les mains d'une fillette de 5 ans, blonde et bouclée.

C'est la fille de mon ami, Dorothée, que j'accompagne.

«Rafael, il y a une petite fille qui a un dessin de toi, peux-tu le signer s'il te plait?»

Je saisis l'occasion et lui crie en espagnol:

«Rafael, il y a une petite fille qui a un dessin de toi, peux-tu le signer s'il te plait?»

Or, la voiturette s'est mise en marche. C'est trop tard.

Nadal, lui, ne nous a pas quittés des yeux. Son visage se transforme. Ses traits se crispent, torturés. Tristesse, malaise, culpabilité. Nos prunelles se rencontrent, il ne se défile pas.

Puis les siennes se fixent, résolues, et sa voix tonne:

«PARA!»

«Arrêtez!», en espagnol.

Le taureau de Manacor a parlé.

La voiturette s'immobilise.

Nadal fait signe à un membre de son équipe de venir chercher le dessin de Dorothée.

Il le signe, nous le rend.

La foule, cette foule qui l'aime et qu'il aime, l'applaudit à tout rompre.

Annie Dufour

Nadal, lui, nous regarde encore.

Il sourit tristement.

«Je suis désolée de ne pas pouvoir faire plus.»

C'est qu'on lit dans ce visage, ce beau visage torturé.

Emily Brontë avait raison

«J'ai connu cent façons d'aimer. Chacune pesait à l'être aimé.»

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