Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les homosexuels, nouveaux parias de la société russe?

Tout à commencé en 2011, quand les villes de Kostroma, Kazan, Samaran et Saint Petersbourg ont adopté des lois locales interdisant les manifestations gaies. Et puis le cadre législatif est devenu national.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

C'était en mars l'an passé. Micha ne s'y attendait pas. Alors qu'il sortait comme tous les matins de son appartement pour se rendre à son travail, un groupe d'hommes s'est jeté sur lui. Tabassé, il a passé trois semaines à l'hôpital. Sa faute : être homosexuel ! Micha n'est pas provocateur et quand on le croise dans la rue on peut très bien l'imaginer au bras d'une femme. Mais voilà il aime les hommes.

Ce directeur commercial de quarante ans est en couple depuis huit ans. Avec son compagnon ils se sont fait des promesses. En 2008 sur la tour Eiffel, ils ont échangé des alliances, qu'il porte à l'annulaire de la main droite comme les Russes orthodoxes.

Depuis quelques mois, Micha a de plus en plus peur

Tout a commencé en 2011, quand les villes de Kostroma, Kazan, Samaran et Saint Petersbourg ont adopté des lois locales interdisant les manifestations gay. Et puis le cadre législatif est devenu national. En juin dernier, Vladimir Poutine a promulgué une loi dite "loi anti-propagande". Elle punit de prison ou d'une amende tout adulte faisant la promotion de l'homosexualité auprès de mineur. Avec des termes assez vagues qui laissent une large marge de manœuvre à la police et à la justice.

Igor, conseiller marketing qui fréquente les boites de nuit branchées gais de la capitale, l'a constaté. Les descentes de police se multiplient sous prétexte de chercher de la drogue. "La pression s'accroit sur les établissements" affirme-t-il . "Par exemple, le bail du Central Station, le club le plus connu de la communauté gay, n'a mystérieusement pas été renouvelé dernièrement. Au Barry Bar, le manager qui organisait des soirées gay a été licencié et depuis la porte de l'établissement est fermée à la communauté" raconte-t-il navré.

"Alors on se cache, on veille à ne rien laisser paraitre"

Depuis quelques temps, Christine évite tout contact physique en public avec sa compagne. Elles ont même trouvé "un truc" pour pouvoir partir ensemble en vacances, sans éveiller les soupçons. Christine a changé son identité civile. Elle a pris le nom de naissance de sa compagne. Ainsi elles peuvent se faire passer pour des sœurs ou des cousines lorsqu'elles réservent une chambre d'hôtel, par exemple.

Igor a un ami gay qui a pu adopter deux enfants. Comment ? En cachant scrupuleusement ses préférences sexuelles et en distribuant des pots de vin. Seulement voilà, une autre loi à l'encontre de cette communauté est en préparation. Elle projette de retirer les enfants aux parents ayant "des relations sexuelles non traditionnelles".

Mais certains homosexuels russes ne veulent pas se laisser faire

Un réseau LGBT pour "Lesbiennes, Gays, Bi et Trans" est en train de se construire. Déjà présent à Saint Peterbourg, il prend forme depuis septembre à Moscou. Micha et Christine sont à pied d'œuvre. Ce mouvement se veut ouvert et accepte aussi bien les homosexuels décomplexés que ceux qui se cachent. Il compte aujourd'hui une centaine de membres dans la capitale. Une hotline a même été mise en place pour écouter les personnes en souffrance et répondre à leurs questions. Une dizaine d'anonymes appellent chaque jour.

Et ce que les bénévoles entendent n'est que le reflet de l'opinion russe à l'encontre des homosexuels. Une opinion largement défavorable.

74% des russes associent l'homosexualité à une maladie mentale

Le résultat d'un sondage de l'Institut Levada, l'un des plus gros centres indépendants d'étude sociologique du pays. Son directeur, Lev Goudkov constate que depuis deux ans, les homosexuels sont de plus en plus honnis par la société. "Si la Perestroïka a permis une meilleure intégration, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts" analyse-t-il. En 1993, le pouvoir russe avait décriminalisé l'homosexualité. En 1999, la loi affirmait même que ce n'était pas une maladie mentale. Les choses ont bien changé !

Lev Goudkov attribue la montée de l'homophobie à la politique de Vladimir Poutine. "L'actuel Président s'appuie sur les traditions, sur les symboles de la Russie traditionnelle et flatte l'électorat conservateur. Il y a deux ans, les critiques vis-à-vis du pouvoir se sont multipliées. L'actuel Président a donc choisi de discréditer les contestataires en les assimilant à des agents de l'étranger. Et pour faire passer son message, il a tout mélangé : Occident, Amérique, homosexuels, pédophiles".

"C'est ce qu'il a fait avec la loi dite Magnitski. Suite à la mort de l'avocat Sergueï Magnitski dans une prison russe en 2009, les États-Unis ont pris des sanctions à l'encontre de personnalités impliquées. Moscou en a profité pour répondre et interdire l'adoption d'enfants russes par les Américains sous le prétexte qu'ils pourraient être en danger dans un pays qui autorise les mariages gais. Cette loi Magnitski, promulguée en décembre 2012, a fait beaucoup de mal à la communauté et depuis l'homophobie s'est aggravée".

"Aujourd'hui plus de 80% des Russes sont opposés au mariage homosexuel et à toutes manifestations identitaires type "gay pride". Mais les homosexuels ne sont pas les seuls à être la cible du pouvoir. Des minorités ethniques, le sont tout autant comme les immigrés caucasiens qui travaillent à Moscou".

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Daniel Cohn-Bendit

Ils se sont élevés contre la loi anti-gay en Russie

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.