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La fan #1 de Donald Trump

Vous avez vu le film? Eh bien, depuis 2015, vous faites partie bien malgré vous du.
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J'ai pris toute une décision. Tellement inattendue que je me sens fébrile. Bon, en même temps, celle-ci n'est pas très importante dans ma vie personnelle, mais elle est tout de même symbolique et représentative de mon époque.

Voici: j'ai décidé que j'allais devenir la fan #1 de Donald Trump. Je vous entends déjà grogner, bande de cyniques! Ne vous inquiétez pas: ma santé mentale va très bien.

J'ai choisi que j'allais admirer, soutenir, encourager et vanter cet homme. Je vais dire de lui, à qui veut bien l'entendre, qu'il est une personne brillante, qu'il a un sens de l'humour débridé, qu'il possède une vision claire et qu'il est avant-gardiste. Trump est un visionnaire, vraiment. Et un être très inspirant, hors du commun. Rien de moins.

J'ai une condition, toutefois. Ou un rêve. Un espoir. Ou alors une prémonition.

C'est que celui-ci organise une conférence de presse. Une grosse conférence de presse. Qu'il s'assure que celle-ci soit diffusée partout sur la planète et dans la Voie lactée. Voici à peu près comment l'événement se déroulerait.

Premièrement, le titre : What the World must know about Trump...

Je me rends, avec tous les journalistes qui ont réussi à se déplacer jusqu'à l'élocution du politicien, qui promet d'être mémorable. Ça commence.

Le voilà qui s'installe sur le podium. Je ne peux détacher mon regard de l'homme grandiose. Il a surement mis des chaussures avec talons intégrés pour paraître plus grand. Son veston cache à des endroits stratégiques des coussinets pour qu'il semble plus imposant, peut-être même musclé. Il avance d'un pas «surassuré», son sempiternel toupet doré décoiffé avec son habituelle précision, la bouche froncée qui nous rappelle la partie anatomique d'un postérieur aviaire bien connu, les paupières demi-closes abritant un regard assuré, déterminé et légèrement arrogant, les sourcils asymétriques prêts à suivre le mouvement d'un rire entendu.

Il avance donc, grand, fier, confiant, le teint aussi doré que si on avait fabriqué une crème auto bronzante expressément pour lui en faisant fondre tout ce qu'il possède d'or, de bijoux et de milliards. On perçoit ses mains, son index nerveux, prêt à se brandir au moindre commentaire désobligeant, frétillant d'envie de se dresser tel un monolithe, une arme massive prête à faire taire ses détracteurs, un bazooka militaire entraîné à vaporiser toute forme d'intelligence qui ose se manifester, voire le contester.

Il s'immobilise enfin derrière le micro. Curieusement, il attend le silence. Une grande émotion semble l'envahir. Ses traits se contractent brièvement avant de se détendre. Un sentiment qu'on n'a à peu près jamais vu sur son visage semble vouloir s'installer. Les journalistes sont confus. Qui est cet homme? Est-il moins... non, c'est impossible. Le doute persiste pourtant. Est-il moins... jaune? Pas le temps de réfléchir davantage: le politicien va parler.

On dirait qu'il a renvoyé à la ferme le postérieur aviaire qui se tenait sur ses lèvres depuis que toutes les caméras du monde lui font l'amour. Bref... Le voici qui prend le micro.

«Chers amis, bonjour. Merci de vous être déplacés pour cette conférence de presse. Je vous garantis que vous ne le regretterez pas...»

Il s'arrête encore. Ces sourcils ont une courbe normale, ce qui est étrange. Son regard est presque franc. Qu'est-ce qui se passe? Est-ce un imposteur? A-t-il un gentil frère jumeau? Dans la foule, une vague de curiosité balaie le plancher.

«Je suis ici aujourd'hui pour vous dire la vérité. J'espère que vous pourrez la comprendre et surtout, la supporter...»

Un autre silence. Il nous dévore des yeux. Il prend son temps. Qu'est-ce qu'il attend? On sent que les agents du service de sécurité sont sur les dents. Est-il en train de faire un coup d'État? Ou un coup d'éclat? Nous sommes suspendus à ses lèvres. En observant de plus près, un constat qui confirme: la poule est décidément partie. Victoire!

«La vérité, plusieurs d'entre vous s'en doutent. Quelques-uns l'ont pratiquement dévoilée à de nombreuses reprises. La voici.

Ma campagne électorale est complètement et entièrement une blague. Il s'agit en fait de la plus grande production de télé-réalité jamais réalisée. Tous les grands producteurs de la télévision américaine sont complices: ils travaillent TOUS ensemble pour cet événement d'une importance sans précédent...»

Après un silence de mort, la foule est en délire. On texte l'info à qui mieux mieux à l'éditeur. On rit, on crie, on hurle, on se félicite, on veut se battre. Quelques journalistes cowboys dégainent et on entend des coups de feu tirés vers le ciel. Heureusement, personne n'est blessé. Massivement engourdis depuis au moins Columbine, on a l'habitude: personne ne réagit tant qu'il n'y a pas de sang et de cadavres. Quant à l'acteur (car c'est bien de cela qu'il s'agit), il n'a pas terminé son discours. Il tente de ramener le silence.

«Nous travaillons aussi avec la prestigieuse Université de Harvard dans la plus importante étude sociologique jamais réalisée. Je vous mentionne quelques éléments de cette étude, dont les résultats seront rendus publics dans les plus brefs délais:

•Jusqu'où un peuple peut-il aveuglément suivre un candidat qui dit des bêtises à répétition?

•Quelle est la tolérance réelle des gens en matière de racisme, de sexisme, de misogynie, etc.?

•Combien de mensonges un politicien peut-il dire sans perdre ses partisans?

•Quel est l'impact des lacunes du système de l'éducation au sein de l'électorat américain en ce qui concerne sa capacité de compréhension, son jugement et son sens de l'analyse?

•À combien de scandales un candidat doit-il être mêlé avant que son parti de même que l'électorat le rejettent?

•Quelle gravité les scandales doivent-ils comporter?

•Jusqu'où le peuple américain est-il prêt à aller pour préserver le deuxième amendement de la constitution (le droit de porter des armes)?

•Combien de tueries massives seront nécessaires en sol américain pour que les Républicains mettent fin à leur association avec la NRA (National Rifle Association)?

Je m'arrête ici, mais vous comprenez que jamais une étude n'aura eu une telle importance.»

Cette fois, le silence est total. Il en profite pour continuer. Son ton est complètement différent. Tout comme son teint, d'ailleurs. Exit le jaune; il est un peu rosé.

«Vous comprendrez, chers concitoyens, que je suis plus que déçu. J'avais juré aux producteurs qui m'ont approché que jamais leur projet ne fonctionnerait. Jamais je ne remporterais suffisamment de primaires pour rafler l'investiture aux élections américaines... Je leur avais dit que vous étiez beaucoup plus intelligents qu'ils ne le croyaient. Visiblement, j'avais tort.

Êtes-vous complètement cinglés?! Vous rendez-vous compte que vous êtes en voie de me choisir pour représenter les États-Unis d'Amérique? Vous avez quasiment fait de moi le commandant en chef des forces armées, le leader du monde libre! Pourquoi me pardonnez-vous si facilement toutes les incohérences et les inepties qui truffent mon discours? J'en profite d'ailleurs pour remercier mes talentueux rédacteurs, qui ont créé, depuis plus d'un an, des imbécillités d'une rare profondeur.

Je suis un milliardaire. Un homme d'affaires. Je suis coloré, excentrique, fougueux, passionné, intense, impulsif. J'ai vécu les plus grands succès et les pires échecs. En général, je suis moyennement intelligent, mais j'ai le sens des affaires. Et j'ai de la gueule.

Mais... Je ne suis pas votre président. Je ne serai jamais votre président.

On dit que les peuples ont les chefs qu'ils méritent. Cette phrase à elle seule devrait vous foutre la trouille.

Retournez à la maison. Faites vos devoirs. Faites preuve de jugement critique. Écoutez, analysez, comparez, réfléchissez, lisez, discutez.

Oh... et vos enfants? Assurez-vous qu'ils restent à l'école le plus longtemps possible!

Quant à moi, il va sans dire que mon nom ne sera pas sur le ballot de votes en novembre 2016.

En terminant, une note. Vous avez vu le film The Truman Show? Eh bien, depuis 2015, vous faites partie bien malgré vous du Trump Show. La différence est simple, mais d'une importance capitale. Dans The Truman Show, seul Truman ne savait pas qu'il était dans une télé-réalité. Dans The Trump Show, seuls Trump et les producteurs savaient qu'ils l'étaient...

Pour la dernière fois, il prend une pause, nous regarde tous, presque un à la fois. Il saisit le micro et, en imitant soit le Minion King Bob, soit le président Barack Obama, il dit:

«Trump, over and out.»

Puis il laisse tomber le micro et quitte les lieux sans ajouter un mot, sans répondre aux questions, sans même tourner la tête.

Et voilà pourquoi je suis maintenant la groupie #1 de Donald Trump, le meilleur acteur de tous les temps.

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