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Le masculin doit-il encore « l’emporter » dans notre langue française?

Le français doit absolument être à l'heure de la parité.
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kaan tanman

Le 20 mars de chaque année, nous fêtons la Journée internationale de la francophonie. « La francophonie, ce sont tout d'abord des femmes et des hommes qui partagent une langue commune, le français. Le dernier rapport en date de l'Observatoire de la langue française, publié en 2014, estime leur nombre à 274 millions de locuteurs répartis sur les cinq continents. [...] Une attention particulière est accordée aux jeunes et aux femmes, ainsi qu'à l'accès aux TIC (Technologies de l'information et de la communication). »

En cette journée particulière de célébration, eu égard à la récente Journée des Femmes du 8 mars avec cette sérieuse conscientisation qu'il faut avancer en matière d'égalité, de parité et aussi évidemment de respect, il semble logique de s'interroger sur la règle « le masculin l'emporte » qui fait partie intégrante de la grammaire française.

Dès lors, le féminin est-il le « deuxième sexe » de notre grammaire française ? N'est-il pas temps que le masculin cesse de « l'emporter » ? Cet état de fait n'est-il pas un réel élément « perturbateur » tant au niveau linguistique que pédagogique, voire social ? Peut-on réellement imposer à nos enfants en toute conscience cette règle à notre époque ?

Peut-on réellement imposer à nos enfants en toute conscience cette règle à notre époque?

En effet, la structure d'une langue avec la manière dont les mots sont organisés a un impact sur la façon de penser. On ne peut donc sous-estimer la portée même de cette structure. En néerlandais ou en allemand, on doit parfois attendre la fin de la phrase pour connaître le verbe dans son intégralité. Ces langues demandent donc une rigueur par l'organisation de la pensée au fil des termes qu'on place. Les mots « jouent » donc des airs dans notre inconscient. Ils ont également une certaine musicalité comme celle de la « rapide » langue italienne ou comme celle de l'intonation suédoise avec ses « hauts » et ses « bas ». La Suède, par exemple, est particulièrement novatrice en matière de parité qui s'imprime non seulement au niveau des lois qui sont mises en place en la matière, de leur application, de la conscientisation dans la société, mais aussi au niveau de mesures purement linguistiques. Ce dernier point a créé un débat dans le pays.

En effet, la controverse suédoise « porte non seulement sur l'égalité entre les sexes, mais aussi sur la neutralité de genre dans la langue. Ainsi, en 2012, une polémique a surgi autour du pronom personnel neutre 'hen', un néologisme adopté par certains en option aux pronoms féminin et masculin hon et han. Ses partisans font valoir que 'hen' évite d'en être réduit soit à préciser le sexe, soit à utiliser la lourde formule inclusive 'il/elle' et donne de surcroît une existence linguistique à ceux qui ne s'identifient ni au masculin ni au féminin, ou qui veulent éviter de se définir par l'un ou l'autre. Ses détracteurs objectent que le terme affaiblit et dégrade la langue suédoise et prête à confusion, en particulier pour les enfants. 'Hen' se voit de plus en plus dans la langue écrite et sur les sites Internet suédois. » (Institut suédois, juin 2013)

En français, on n'en est même pas là... Car que faire avec ce « masculin qui l'emporte », qui est absolument dérangeant au niveau de l'égalité femmes/hommes ? En effet, nul ne peut contester l'impact des mots, des règles de grammaire qu'on apprend aux tout-petits et qui vont conditionner leurs pensées. En outre, on sait bien aujourd'hui que les phrases qu'on apprend par cœur, qu'on ne conteste pas, créent un univers intouchable dont des éléments se gravent dans l'inconscient.

Il est donc légitime de s'interroger sur la grammaire française et de vouloir remettre en doute cette règle concernant la prédominance du masculin en français établie par l'État en 1882 lors de la mise en place de l'école obligatoire par les lois Jules Ferry en France.

Pourquoi ne revient-on pas au moins à la règle de proximité qui existait auparavant et qui affaiblirait « ce masculin qui l'emporte »?

Pourquoi ne revient-on pas au moins à la règle de proximité qui existait auparavant et qui affaiblirait « ce masculin qui l'emporte » ? N'avons-nous pas déjà avancé dans la modernité avec la féminisation des métiers ? Ne pouvons-nous pas persévérer ?

Mettre le français à l'heure de la parité

Les femmes se sont trop longtemps tues. Elles se sont trop souvent « [promenées] clandestinement dans l'histoire » (Anna Gold, « La réussite au féminin », Editions Vitamines, Bruxelles, 2014, p.93) en laissant les hommes agir. Depuis trop longtemps, elles sont des « secrets d'histoire ». Dans le passé, elles n'avaient pas droit à la parole : elles étaient uniquement des procréatrices, des personnes soumises au bon vouloir d'un père, puis d'un mari et même de leurs propres fils. Elles n'avaient donc aucun moyen de s'affirmer officiellement. Elles étaient surtout inférieures en droits. Aujourd'hui, nous devons les extraire du passé pour qu'elles soient en pleine lumière.

Car on a trop souvent retiré aux femmes les « mots » en ne leur laissant que les « maux ». Ce phénomène touche de nombreux pays. La célèbre écrivaine anglaise, Jane Austen (1775-1817), ne se serait volontairement pas mariée pour ne pas risquer de perdre la liberté d'écrire à sa guise : un époux aurait pu lui interdire de rédiger des romans.

Il est donc temps que les femmes gravent leurs « réussites au féminin » passées et présentes dans la roche de la postérité.

Il est donc temps que les femmes gravent leurs « réussites au féminin » passées et présentes dans la roche de la postérité. Leur réhabilitation dans l'histoire et dans leurs merveilleuses réalisations doit être visible.

En d'autres termes, il faut un monde où la spécificité des femmes s'imprime dans tous les domaines, ce qui inclut aussi les fondements du langage. Ne demandons donc plus aux grammairiens de constater, mais de modifier. En intégrant la réalité actuelle et donc, un équilibre entre les femmes et les hommes.

Dans les cours de français, faut-il encore faire scander nos enfants cette phrase d'un autre âge, à savoir que « le masculin l'emporte » ? Doit-on encore imprimer plus ces mots dans leur inconscient ? Faut-il rétablir la règle de la proximité qui serait un pas vers la règle de l'égalité ?

Car la langue qu'on utilise tous les jours n'est pas qu'un « instrument » : il peut être porteur de hardiesses et de résolutions positives. Il doit être le héraut de valeurs réalistes destinées aux générations présentes et à venir.

Il ne faut donc plus que le masculin possède une valeur de générique pour éviter tout changement.

Il ne faut donc plus que le masculin possède une valeur de générique pour éviter tout changement. On a besoin d'un français dynamique qui réponde aux besoins modernes. Le français doit absolument être à l'heure de la parité. Il doit effacer tout sentiment de supériorité ou d'infériorité dans ses règles de grammaire, et ce, dans un but de réelle harmonie. Dans toute la francophonie. Pour que, dès l'apprentissage en français, nos enfants qui utilisent notre belle langue aient une grammaire qui leur permette de parler en « termes d'égalité ».

Avril 2018

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