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Il me fallait de temps pour trouver le courage de me replonger dans ces effluves de Charte des valeurs, qui continuent de flotter sur un bout du Québec
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On ne me fouettera jamais pour avoir écrit ce texte. Raif Badawi, lui, a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans prison pour avoir blogué.

J'arrive un peu en retard.

Il me fallait de temps pour trouver le courage de me replonger dans ces effluves de Charte des valeurs, qui continuent de flotter sur un bout du Québec incapable d'ouvrir ses fenêtres pour faire sortir ces courants qui donnent mal au cœur.

Peut-être faut-il tout de même reparler ensemble de cette laïcité qui prétend exclure par nécessité d'unité, libérer par la force, rendre le monde plus égalitaire en excluant toute une classe de citoyennes et de citoyens... Peut-être faut il parler de nos valeurs mouvantes, entre le combat pour la liberté d'expression qui arrive, en quelques jours, à se transformer en combat pour faire taire ceux dont la parole nous dérange, tant que la lutte continue de se diriger contre la même catégorie de gens, pour un voile ou une barbe qui prends pourtant tellement de sens différents selon qui les porte.

Il y a quelques semaines, les Québécois étaient plusieurs à «Être Charlie» et à citer faussement Voltaire pour se battre jusqu'à la mort pour la liiiiibârté d'expression. On m'a dit que toutes les niaiseries, même celles qui insultent et attisent la haine, on le droit d'être dites. Ça n'est pas mon point de vue, mais je peux comprendre l'argument. On s'entend certainement sur le fait que personne ne mérite de mourir pour avoir dit des affaires innocentes rares. Il y aurait toute une hécatombe sinon, et je figurerais sans doute dans le dénombrement des victimes. Mais je peux comprendre l'attachement à la liberté de dire et au droit de le faire.

J'aimerais juste comprendre pourquoi, un tout petit peu plus tard, certains Imams n'ont pas droit de cité dans notre ville, parce qu'on n'accepte pas leurs discours. Comment peut-on justifier de changer les lois de notre ville juste pour qu'ils soient réduits au silence dans notre belle terre si unanime sur l'importance que tout le monde puisse s'exprimer?

On me dit qu'il y a des jeunes vulnérables qui, à cause de la pauvreté et de l'exclusion qu'ils vivent, peuvent être sensibles aux « agents de radicalisation ». Que c'est pour ça qu'il faut agir.

Oui, peut-être...

J'ai comme juste l'idée loufoque et radicale que de travailler sur une vraie lutte à la pauvreté et à la stigmatisation serait plus efficace que d'empêcher l'ouverture d'un centre communautaire. Pour être conséquent, il faudrait alors fermer internet et lutter contre la liberté d'expression que nous, bande de Charlie, avons prétendu vouloir défendre. S'il faut lutter contre les gens qui profanent des âneries idéologiques, on pourrait peut-être commencer par toute l'intolérance qui sort de nos radios-poubelles et qui incitent à la haine.

Mais nous sommes Charlie. Nous ne ferons pas ça...

Si on ne doit pas empêcher les gens de parler, on peut toutefois, sans se renier, travailler à ce qu'il n'y ait personne pour entendre. Tout cela ne rime pas avec austérité, et pas plus avec cette forme de laïcité étrange qui semble avoir oublié le sens du mot neutralité. La lutte à la radicalisation passe par l'inclusion et le partage. La haine et le refus de l'autre ne sont pas que du côté des islamistes. Elle est aussi du côté de ceux qui forcent l'identité de personnes qui n'ont en commun avec les islamistes que le Prophète, pour les assimiler à ces gens qui veulent faire régner leurs lois sur toutes et tous par la terreur.

On n'est pas racistes ou xénophobes.

Non. Jamais.

Mais... cet engouement pour «je suis Charliex, ça impliquait peut-être quand même un petit peu un «je ne suis pas Saïd», finalement.

Souvenez-vous:

Je désapprouve ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire.

Je n'arrive toujours pas à comprendre le sens de cette phrase, lue et relue sur les médias sociaux envahis de Charlies.

Mais où est Charlie, maintenant? Où? Peut-être qu'il pourrait m'expliquer, lui.

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