Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La maladie de notre fille a changé le regard que je porte sur mon mari

Si David a toujours été un père aimant, je vois désormais qu'apprendre à être le père d'un enfant autiste l'a fortifié.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La routine peut rendre quelqu'un aveugle à la beauté. Cela se fait progressivement. Vous avez beau faire le même trajet tous les matins pour vous rendre au travail, ce n'est que le jour où vous êtes côté passager que vous remarquez la vieille ferme derrière les arbres. C'est là, arrêtée à ce feu qui vous rend habituellement fébrile, que vous appréciez enfin la véritable beauté de cette ancienne bâtisse: son reflet dans la mare, le style de sa toiture métallique. Être passagère vous donne l'occasion de savourer l'atmosphère et les paysages auxquels vous ne prêtez généralement pas attention.

La vie de famille peut avoir le même effet. Vous n'oubliez pas que votre mari est merveilleux -vous l'avez épousé après tout, et le mariage, c'est aussi faire au quotidien le choix de la même personne- mais les jours deviennent des mois, puis des années. Vos enfants grandissent et la routine s'installe. Bien plus gratifiante que votre trajet quotidien certes, mais routine néanmoins. Ensemble, vous maîtrisez les bases de l'éducation. Sans vous en rendre compte, vous endossez des rôles différents. Ils deviennent une seconde nature, jusqu'au jour où vous vous surprenez à enchaîner les préparatifs de la journée, non pas dans l'indifférence mais comme une machine bien huilée. Ça roule, c'est tout.

Jusqu'à ce qu'un événement vienne tout bouleverser.

Pour David et moi, c'est arrivé quand Piper a été diagnostiquée autiste. Piper est notre rayon de soleil. Née en juillet 2012, cadette de nos trois enfants, elle est venue au monde pleine d'audace et de joie. Et puis, entre 2 et 3 ans, son rire enjoué et contagieux s'est éteint. Les mots et les gazouillis ont cessé, remplacés par les colères et le mutisme. Morts d'inquiétude, nous l'avons emmenée chez son pédiatre en août dernier. Cette visite a déclenché une série d'événements qui ont fait valdinguer notre train-train.

C'était terrifiant. Tandis que le monde poursuivait sur sa lancée, j'ai eu l'impression que, pour nous, le temps s'était brutalement arrêté. J'avais peur pour Piper, pour son avenir. Je m'inquiétais pour Kaydence et Cameron, rongée que j'étais par la culpabilité de leur manquer d'affection, tant nous étions absorbés par Piper, qui avait désespérément besoin de nous. Je m'inquiétais de l'effet que cette situation aurait sur David, le risque qu'il garde pour lui ses sentiments. J'étais encore plus inquiète de la manière dont cette nouvelle réalité affecterait notre mariage.

Nous avons connu des jours noirs, c'est indéniable. N'importe quel couple serait perturbé par la souffrance de leur enfant. L'épuisement a eu parfois raison de nous et exposé nos rejetons à plus de stress que nous ne l'aurions souhaité. Puis les choses se sont stabilisées. Grâce à un réseau de soutien fantastique, des thérapeutes et des enseignants remarquables, Piper a recommencé à communiquer. C'était merveilleux de voir la petite flamme se raviver à mesure que son corps et son esprit se libéraient des frustrations. Cela a exigé de nous de sérieux efforts, c'est certain, mais notre machine bien huilée est enfin passée à la vitesse supérieure afin de répondre aux exigences de notre nouvelle routine. Malgré quelques hoquets ça et là, nous avons œuvré de concert et repris notre vie de famille.

La suite tient du miracle. J'ai délibérément pris du recul, reprenant le statut de passagère. Je me suis obligée à examiner notre nouvelle routine au lieu de ne penser qu'à l'étape suivante. De ce fait, il m'a été donné un de mes plus beaux cadeaux en dix ans de mariage: je vois à présent mon mari sous un tout autre jour.

Je vois un homme qui s'est dévoué corps et âme pour que notre famille reste soudée et je me rends soudain compte que mon cœur n'était pas le seul à souffrir ces derniers mois. En dépit de sa souffrance, il est allé de l'avant avec le calme et la sérénité que je lui connais depuis toujours, mais dont je ne m'avais jamais compris à quel point ils étaient vitaux pour notre couple. Les jours les plus difficiles avec Piper, il m'arrive encore de craquer. David me rassure, me permet de souffler, et prend le relais sans faillir. Il a toujours conduit les enfants à l'école. Mais tant que je ne m'étais pas assise sur ce siège passager, à observer sa routine, je n'avais jamais imaginé qu'il utilisait ce moment pour apprendre à connaître ses enfants sur le bout des doigts. Je vois à présent que Kaydence et Cameron y ont trouvé la stabilité et l'attention dont ils avaient besoin pour affronter cet orage avec nous.

Si David a toujours été un père aimant, je vois désormais qu'apprendre à être le père d'un enfant autiste l'a fortifié. J'ai remercié énormément de gens pour leur soutien dans cette épreuve, mais ma reconnaissance la plus vive va à mon mari, cet homme qui ne nous a jamais laissés nous égarer.

2016-04-22-1461302316-1304855-image.jpeg

Photo: Angela Ashton Smith

Ce blog, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Julie Flanère pour Fast for Word.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.