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Tort sur la hausse, mais pas le laissez-faire

Avec la probabilité d'une élection provinciale imminente, il y aura des débats et des décisions d'importance capitale et si la population peut s'intéresser avec autant de vigueur aux enjeux beaucoup plus graves, ce sera bénéfique pour tous. Cela dit, je crois que le mouvement de protestation des étudiants devrait plutôt être dirigé vers quelque chose de réellement inquiétant pour l'avenir, par exemple notre dette record qui va coûter bien plus cher aux étudiants que la hausse elle-même.
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CP

Comme vous le savez sûrement, environ 200 000 étudiants étaient dans les rues de Montréal jeudi pour protester contre la hausse des frais de scolarité. Ce débat monopolise l'attention médiatique depuis quelques jours et divise l'opinion publique. Bien que je sois personnellement en faveur de la hausse proposée, c'est plutôt ce que ce mouvement a exposé, pas seulement par rapport à ce sujet, mais au sens plus large, qui m'inquiète sincèrement. J'y reviendrai après avoir mis en perspective cette hausse.

Tout d'abord, l'argument principal du mouvement anti-hausse est que celle-ci va diminuer l'accessibilité aux études pour les démunis, alors que ce n'est absolument pas le cas. La hausse n'empêchera pas ceux qui proviennent de milieux plus modestes de se rendre à l'université, car la réalité est que la source de la problématique se trouve beaucoup plus tôt dans leur parcours et c'est là comme choix de société que l'on doit décider d'investir.

D'ailleurs si un gel des frais de scolarité (comme nous avons depuis une vingtaine d'années au Québec) était vraiment la solution pour améliorer l'accessibilité, on devrait logiquement avoir au Québec le meilleur taux de fréquentation universitaire au Canada, puisque nous avons les frais de scolarité les plus bas au pays. Pourtant, le Québec est parmi les derniers en termes de fréquentation universitaire.

En fait, dans tout le Canada, il n'y a aucune corrélation significative entre les frais de scolarité et la proportion des gens qui fréquentent l'université. Certaines provinces qui ont les frais les plus élevés sont parmi les meilleurs au point de vue de la fréquentation, certains sont au milieu; il n'y a simplement pas de lien entre les frais de scolarité et l'accessibilité des études au Canada.

De plus, les provinces qui ont augmenté leurs frais de scolarité n'ont pas connu de baisse d'accessibilité et leurs hausses étaient plus importantes. Car dans notre cas, même en passant de 2168 $ à 3793 $ par année, les frais de scolarité au Québec seraient non seulement bien en deçà de la moyenne canadienne, ils seraient également les troisièmes plus bas, derrière Terre-Neuve et le Manitoba.

Vu le contexte, il n'est définitivement pas exagéré de cesser de gaspiller des fonds publics sur un gel des frais surtout que le système actuel est beaucoup plus fondé sur l'inégalité que le système proposé par le gouvernement.

Puisqu'une majorité des étudiants universitaires n'ont pas recours à des prêts ou des bourses, maintenir des frais de scolarité artificiellement trop bas profite donc majoritairement à ceux qui n'en ont pas besoin. C'est donc dans le système présentement en place qu'il y a de l'inégalité, car la subvention des frais se fait mur-à-mur, plutôt que de cibler précisément ceux qui ont besoin d'assistance financière pour payer leurs études. Hausser les frais de scolarité, c'est de faire le choix de société d'investir des dizaines de millions additionnels pour les prêts et les bourses pour ceux qui proviennent de milieux moins nantis.

Quant à ceux qui protestent pour dire que c'est une privatisation de notre système d'éducation, il faut quand même nuancer : plutôt que de payer 87 % du coût total, le gouvernement (les contribuables) paiera maintenant 83 % des frais, ce qui est loin d'être déraisonnable. Finalement, par rapport à leurs affirmations que l'éducation doit être une priorité, je suis en parfait accord et c'est pour cela que la hausse est nécessaire : en ayant davantage d'investissements, nous pourrons avoir une qualité supérieure d'éducation postsecondaire.

Une chose que je dois leur concéder, c'est comment le mouvement est en train de faire en sorte que les Québécois sortent de la bulle d'indifférence dans laquelle ils étaient entrés par rapport à tout enjeu public. Cela ne peut être qu'une bonne chose étant donné la tendance alarmante du faible taux de participation et du faible intérêt envers la politique que l'on observe. Cette indifférence chronique est ce qui, selon moi, est le plus menaçant pour le Québec.

Avec la probabilité d'une élection provinciale imminente, il y aura des débats et des décisions d'importance capitale et si la population peut s'intéresser avec autant de vigueur aux enjeux beaucoup plus graves, ce sera bénéfique pour tous. Cela dit, je crois que le mouvement de protestation des étudiants devrait plutôt être dirigé vers quelque chose de réellement inquiétant pour l'avenir, par exemple notre dette record qui va coûter bien plus cher aux étudiants que la hausse elle-même.

Alors au bout du compte, les motivations du mouvement sont nobles, mais mal fondées, ou à tout le moins fortement biaisées par l'idéologie. C'est cela qui est beaucoup plus effrayant, soit que la grande résistance au changement que certains observateurs affirmaient être innée dans la société québécoise pourrait s'avérer en fait absolument et indéniablement réelle.

Ce changement est très mineur en comparaison à ce qui devra être fait tôt ou tard pour attaquer la dette faramineuse, le fardeau fiscal énorme, les défis démographiques dans les coûts de la santé, le taux de décrochage élevé, la piètre performance économique, les faibles investissements privés, les régimes de pensions, et le coût élevé des programmes sociaux et des subventions, etc.

Le fait qu'il y ait autant de mobilisation et d'hostilités pour contrer ce changement est un signal clair que toutes réformes qui devront inévitablement être considérées, autant par le gouvernement fédéral que provincial, sur quelques sujets que ce soit vont faire face à une opposition féroce de la part des nombreux défendeurs du statu quo.

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