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Le Parti québécois et la laïcité: une descente aux enfers?

Décidément, alors que la course à la direction touche à sa fin, il est difficile de ne pas voir que le Parti québécois s'embourbe dans le débat sur la laïcité.
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Décidément, alors que la course à la direction touche à sa fin, il est difficile de ne pas voir que le Parti québécois s'embourbe dans le débat sur la laïcité. Cette aspiration à la laïcité, à savoir une nette dissociation de l'État et des institutions publiques à l'endroit toute croyance ou pratique religieuse, demeure pourtant une attente largement partagée par les Québécoises et les Québécois depuis plus de 50 ans. Celle-ci est l'expression de la modernité et de l'avancement de la démocratie. Si le Parti québécois décide aujourd'hui de tourner le dos à une réelle laïcité, s'il lorgne vers le communautarisme et les compromis avec divers intégrismes religieux, dont l'intégrisme islamique, il ne se sortira pas de sa torpeur et des reculs sévères qu'il a subis depuis quelques années.

Un spectacle qui déçoit

Le spectacle qui s'est déroulé sous nos yeux a de quoi inquiéter. D'un côté, on se dresse dur comme fer contre l'idée d'une charte de la laïcité: c'est l'option de Paul St-Pierre Plamondon. Sur le flanc gauche, Martine Ouellet explique qu'on ne veut pas débattre de cette question puisque le débat sur «la charte des valeurs» aurait été prétendument une source de division parmi les Québécois en 2014. Comme consolation, la candidate indépendantiste renvoie le peuple québécois à une lointaine proclamation constitutionnelle dans un futur Québec souverain. En attendant, elle n'a rien à proposer.

Le candidat le plus en vue, Alexandre Cloutier, se présente comme la voie de «l'indépendance et de la diversité», comme le candidat qui veut éviter les fractures en stipulant que la laïcité serait génératrice de divisions. Celui-ci affiche clairement ses couleurs communautaristes, notamment vis-à-vis de l'intégrisme islamique: après avoir pris bien soin de saluer la fête de la fin du ramadan (l'Aïd al-Fitr), Alexandre Cloutier a validé la thèse du «racisme systémique» dont la société québécoise serait prétendument porteuse, de quoi enchanter la mouvance intégriste et islamiste au Québec qui en fait son cheval de bataille; l'aspirant-chef s'aligne aussi sur les strictes conclusions du rapport Bouchard-Taylor et se refuse d'interdire le port de signes religieux par les enseignants. Pourtant, l'éducation devrait être le secteur clé d'affirmation de la laïcité dans un État puisque le processus de socialisation de la jeunesse y est déterminant. Cloutier attribue également la défaite subie par le PQ en 2014 à la prétendue division suscitée par le débat sur la laïcité, sans pour autant offrir une quelconque donnée fondée.

À propos de ces élections de 2014, il est bon de mettre les choses au clair. La laïcité n'a pas été la source de la défaite au PQ. Tout contredit cette thèse associant la laïcité à un pôle de division. En janvier 2014, les sondages révélaient que 60% des Québécois dans leur ensemble et 70% des francophones soutenaient l'idée de l'instauration d'une charte de la laïcité et l'interdiction du port de signes religieux. À la veille du déclenchement de la campagne électorale, bénéficiant d'une vague d'opinion très favorable à la laïcité, les intentions de vote pour le PQ grimpaient à 40%, une croissance manifestement redevable à son positionnement sur cet enjeu. Malheureusement, après le lancement de la campagne, le bras levé de l'indépendance de Pierre-Karl Péladeau a tout bousillé et offert la victoire sur un plateau d'argent à ses adversaires, permettant ainsi au Parti libéral du Québec (PLQ) de gagner et à la Coalition Avenir Québec (CAQ) de rebondir en menant une offensive soutenue contre l'indépendance et la tenue d'un potentiel référendum.

Au cours des deux dernières semaines de campagne, contre toute attente, la CAQ a connu une remontée de ses appuis en appelant à l'adoption d'une charte de la laïcité, mais sans souveraineté ni indépendance. Cet appel lui a permis de ravir une part de la base électorale du Parti québécois. Malgré tout, même avec la défaite du PQ, il reste que tout près de 50% des Québécois et Québécoises ont voté pour la laïcité, si on considère les suffrages cumulés en faveur du PQ et de la CAQ. En considérant ces données, comment peut-on aujourd'hui expliquer que l'aspiration à la laïcité est une source de division parmi la population?

Si le Parti québécois pactise avec les intégrismes plutôt que de prôner une réelle laïcité, le Parti libéral et Québec solidaire auront tôt fait de lui couper l'herbe sous le pied.

Dans la présente course à la direction au Parti québécois, bien entendu, il y a aussi Jean-François Lisée. Rappelons qu'après avoir appuyé en 2014 le projet de loi 60 sur la «Charte des valeurs et de la laïcité», celui-ci a renié le projet de son propre gouvernement après la défaite. Voilà qu'il revient aujourd'hui timidement avec un projet timoré, aussi calqué sur les recommandations du rapport Bouchard-Taylor. Pour un candidat qui se dit favorable à la laïcité, il est étonnant que Jean-François Lisée soutienne des recommandations qui sont à cent lieues des dispositions qui devraient régir un État laïque. Il faut savoir qu'en novembre 2014, le gouvernement algérien a lui-même étendu la règle d'interdiction du port de signes religieux aux agents des douanes, en plus des agents en situation d'autorité déjà visés par des restrictions: ceux des services de sécurité, de la police, de la gendarmerie et de l'armée. Est-il nécessaire de rappeler que l'Algérie n'est pas un État laïque, mais plutôt un État dont les principales législations sont fondées sur la charia? Il est assez renversant de voir que le modèle de laïcité prôné par le Parti québécois serait très proche de celui du régime en vigueur en l'Algérie, lui-même pas très éloigné des recommandations du rapport Bouchard-Taylor!

Concernant les autres employés de l'État, à l'interdiction faite aux juges, aux policiers et aux gardiens de prison d'arborer des signes religieux, Jean-François Lisée juxtaposerait une «incitation» ou une «préférence» exprimée aux employés des organismes publics pour qu'ils s'abstiennent d'arborer de tels signes. Sans coercition. Cela se ferait donc selon le bon vouloir de chacun, comme si on pouvait proclamer l'interdiction de fumer dans les institutions publiques en laissant libre cours à chacun! Dans le contexte actuel de montée de l'intégrisme islamique qui fait la guerre à la modernité sans aucun compromis, cette proposition de Lisée ressemble beaucoup au roseau qui plie sous les vents de la tempête! Il est d'ailleurs assez révélateur que le financement des écoles privées à vocation religieuse ne soit aucunement remis en cause dans la plate-forme proposée. Qui plus est, lors du débat officiel tenu à Montréal, Jean-François Lisée a annoncé qu'il appuierait d'emblée le projet de loi 62 déposé par le gouvernement Couillard (proposant d'interdire le voile intégral seulement pour la perception et la réception des services publics). Il le ferait même si les propositions du rapport Bouchard-Taylor étaient écartées en commission parlementaire. Enfin, Lisée se rallie maintenant à la cause de la lutte contre le racisme systémique. C'est dommage! Voilà une autre thèse susceptible de plaire à ceux et celles qui hier se battaient pour l'adoption d'une loi permettant de poursuivre les auteurs de prétendus discours haineux.

En revanche, rendons justice à Jean-François Lisée et saluons-le pour sa volonté d'abolir le volet «culture religieuse» du cours ECR et de le remplacer par un enseignement centré sur l'apprentissage de la citoyenneté. Il ne fait pas de doute que cette proposition pourrait rallier une majorité de la population québécoise.

Une laïcité de fait et d'apparence s'impose

Il faut réaffirmer que la laïcité signifie une indépendance complète de l'État et des religions. Elle suppose également une neutralité de fait et d'apparence des agents de l'État et des organismes publics. L'affichage de signes religieux, quels qu'ils soient, ne devrait pas être autorisé dans l'exercice des emplois publics. Ni la croix catholique, ni le turban sikh, ni le voile islamique, ni la kippa. Le fait de brandir ces signes brime invariablement la liberté de conscience des utilisateurs de services publics ou des autres employés qui se voient constamment interpellés par des croyances religieuses affichées et non désirées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la France a interdit le port du voile islamique à l'école; parce que l'école publique est obligatoire, le port du voile heurte immanquablement la liberté de conscience des autres élèves tout en exerçant une pression indirecte sur les jeunes filles non musulmanes.

Sur cette question du voile, il faut dépasser le sens commun et les choix prétendument individuels de chacun. Le voile n'est pas qu'un simple vêtement. Il est l'expression on ne peut plus nette d'une idéologie politico-religieuse qui veut que les femmes intériorisent et inoculent ce principe de ségrégation. D'ailleurs, l'imposition du voile chez les filles de familles musulmanes intégristes, en très bas âge, est le symbole même d'un endoctrinement et d'une entrée dirigée dans le monde de la ségrégation sexuelle. Tout type de voile islamique exprime le traitement séparé qu'on cherche à imposer, sur une base volontaire ou non; mais à la différence du hidjab, le niqab et la burka élèvent clairement cette ségrégation à un niveau d'asservissement et d'avilissement total. Les musulmanes laïques ne portent pas le voile. La ségrégation sexuelle des femmes, non souhaitée par les Québécois et les Québécoises, est donc au cœur de l'intégrisme islamique et de l'islamisme comme idéologie; une ségrégation qui est prônée partout, dans toutes les sphères de la vie familiale, à la plage, à la mosquée et même jusqu'au cimetière. Les intégristes musulmans et les islamistes font d'ailleurs du port du voile islamique un instrument de lutte contre la modernité.

Bref, si le Parti québécois pactise avec les intégrismes plutôt que de prôner une réelle laïcité, le Parti libéral et Québec solidaire auront tôt fait de lui couper l'herbe sous le pied. Ils sont champions en ce domaine. À l'autre bout de l'échiquier, la Coalition Avenir Québec enfourchera le débat identitaire, prônera une certaine laïcité sans souveraineté, comme elle l'a fait en 2014, et marquera des points au détriment du Parti québécois.

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