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La fin du Hamas?

Isolé diplomatiquement et ayant perdu le contrôle de sa politique, le Hamas est à un tournant de son histoire. Entre garder sa ligne politique bien que le contexte ne s'y prête plus, ou adhérer à un gouvernement de réconciliation nationale avec le Fatah, les prochains mois vont être décisifs.
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Le Hamas - parti politique qui contrôle la bande de Gaza - est à un tournant de son histoire. Le parti se retrouve en effet dans une impasse politique, un isolement diplomatique qui précipite le mouvement dans une crise sans précédent qui peut mettre fin à sa popularité historique

Le Hamas a largement gagné les élections palestiniennes en 2006 pour deux principales raisons. La première raison était l'étendue importante de la corruption chez les adversaires du Fatah et la seconde étant l'image de la résistance contre l'occupation israélienne qui collait au mouvement.

Le Hamas s'est précipité dans la crise qui est la sienne tout d'abord à cause du changement géopolitique au Moyen-Orient. La première puissance alliée du mouvement palestinien était la République islamique d'Iran. En effet, l'Iran sous Ahmadinejad soutenait le Hamas financièrement, logistiquement - avec l'acheminement des armes - et diplomatiquement avec la reconnaissance de la légitimité du Hamas comme représentant de la Palestine après la victoire des dernières élections organisées. L'Iran assurait un financement important au Hamas et à la bande de Gaza, privé des fonds alloués à la Palestine par les États-Unis et l'Union européenne, qui eux estimaient que les Palestiniens avaient fait un mauvais choix électoral.

En plus du financement important de l'Iran, le leader du Hamas, Khaled Mechal, déclaré objectif militaire par Israël, était réfugié en Syrie, ce qui donnait avec le soutien de Bachar Al-Assad une légitimité régionale plus importante au Hamas.

Enfin, au lendemain de la révolution égyptienne, et de l'arrivée au pouvoir des frères musulmans, la diplomatie égyptienne a totalement changé à l'égard du Hamas, le blocus égyptien a été levé, l'aide internationale ainsi que les matériaux de construction dont manquait cruellement la bande de Gaza était acheminée très rapidement. Tandis que les puissances occidentales pensaient à inclure à nouveau le Hamas à la table des négociations en raison de l'influence grandissante du mouvement, le changement géopolitique du Moyen-Orient a précipité le Hamas dans un isolement diplomatique sans précédent.

Le premier coup dur pour le Hamas a été naturellement le coup d'État militaire de l'armée, faisant de l'Égypte une dictature militaire dont le Maréchal Al-Sissi est à la tête. Dès l'arrivée au pouvoir des militaires, la répression à l'égard des frères musulmans a été terrible, ainsi que tous les mouvements idéologiquement affiliés comme le Hamas. Ainsi, le blocus a été de nouveau mis en place, et le Hamas a été déclaré organisation terroriste par l'Égypte.

De plus, la direction du Hamas, après une longue hésitation, s'est distancé de Bachar Al-Assad lorsque la guerre civile a commencé, ce qui a poussé les cadres du Hamas à quitter Damas pour rejoindre Doha. Or, le Qatar, à cause de son soutien actif aux frères musulmans et au Hamas, a subi la foudre diplomatique de l'Arabie-Saoudite qui utilisait son influence sur le CCG (Conseil coopération du Golf) pour menacer de sanctions importantes le petit émirat. Le règlement de la crise s'est soldé pour le Hamas par un soutien moins accru qu'il était en droit d'espérer de la puissance financière qatarie.

Enfin, l'Iran de Rohani a cessé l'appui au Hamas pour trois raisons. La première étant le sentiment de trahison découlant de l'absence de soutien au régime d'Al-Assad, allié de Téhéran, qui les a soutenus. Deuxièmement, en pleine négociation avec les 5+1 sur son programme nucléaire, l'Iran préfère se distancier du Hamas qui représente un poids inutile dans le gage de la bonne foi iranienne. Enfin, la grande crise géopolitique que connaît le monde arabe sur fond de guerres religieuses entre sunnite et chiite pousse l'Iran à revoir la priorité des groupes politiques ou militaires qu'il faut financer. La priorité étant donné à la Syrie, l'Irak et au Yémen au détriment du Hamas et même du Hezbollah.

Le Hamas qui s'est retrouvé totalement isolé diplomatiquement s'enfonce davantage dans une crise de légitimité politique, précisément au moment où le Fatah va à la conquête de cette même légitimité.

Ismaïl Haniyeh, ancien premier ministre de l'autorité palestinienne et chef du Hamas à Gaza, a toujours déclaré que le parti du Fatah collaborait avec les autorités israéliennes, du fait de sa participation aux nombreuses négociations qui ne sont, selon lui, qu'un gain de temps pour la politique de colonisation d'Israël. De son côté, le Hamas a toujours prôné la résistance à l'occupation israélienne et au vol de territoire continue, fût-elle armée.

Or ces derniers temps, le Fatah a changé de stratégie pour faire connaître la cause palestinienne, délaissant les vaines négociations, et privilégiant l'adhésion à une reconnaissance de l'État palestinien au sein de nombreuses organisations internationales et en mettant en place la transparence de l'administration en Cisjordanie. Les Cisjordaniens vivent mieux que les gazaouis, tandis que la politique de l'offensive diplomatique du Fatah ne peut pas vraiment faire l'objet de critique de la part du Hamas. L'organisation a signé une trêve avec Israël ce qui remet en cause la doctrine de la résistance du Hamas et ne peux pas vraiment se permettre un affront direct avec l'occupant, les livraisons d'armes se faisant moins importantes, et la population gazaouis payant déjà le lourd tribut de la guerre de 2014 en plus du blocus qui les privent des biens de première nécessité.

De plus, le Fatah fidèle à sa stratégie de jouer sur le droit international, menace de mettre fin à la coopération sécuritaire avec Israël, et forcer ainsi Israël à administrer les territoires palestiniens. L'idée étant de forcer Israël à assumer les responsabilités de son statut de puissance occupante et, poussé par la gestion politique et la sécurité palestinienne, le futur gouvernement n'aura d'autre choix que celui d'entamer de vraies négociations en vue de trouver un accord. En effet, l'administration de la Cisjordanie par l'armée israélienne reviendrait à effectuer une pression considérable sur l'armée, puis mènerait à la multiplication des débordements et des affrontements, et risque ainsi d'embourber la classe politique israélienne dans la gestion des territoires occupés.

La menace de quitter la coopération sécuritaire, en plus d'être un élément de pression contre Israël, affaiblit la dernière critique du Hamas à l'encontre de l'autorité palestinienne qui a toujours fustigé cet accord, accusant les forces de polices palestiniennes de faire le sale boulot de Tsahal avec cet accord.

Les cadres du Hamas se retrouvent donc isolés par un contexte géopolitique très défavorable. La stricte application du blocus par l'Égypte et l'éloignement de l'Iran sont des facteurs qui ont considérablement affaibli la capacité militaire et stratégique du mouvement, ainsi que la logistique d'acheminement de ses armes. De plus, au niveau politique, la maturité politique du Fatah et la fin de la collaboration de ces derniers avec une extrême droite israélienne résolue à poursuivre la colonisation, prive le Hamas de la traditionnelle critique qu'il faisait à la Cisjordanie.

Isolé diplomatiquement et ayant perdu le contrôle de sa politique, le Hamas est à un tournant de son histoire. Entre garder sa ligne politique bien que le contexte ne s'y prête plus, ou adhérer à un gouvernement de réconciliation nationale avec le Fatah dont il a toujours combattu la façon de faire... ces prochains mois vont être décisifs. De leurs côtés les Israéliens ont voté pour continuer sur la ligne dure de Benyamin Nétanyahou, misant sur le fait que les primaires américaines ont déjà commencé, et que la mauvaise relation qu'entretient le premier ministre avec le président Obama n'est donc plus un problème. C'est aux Palestiniens à présent de faire preuve d'intelligence politique, de se rassembler dans un gouvernement d'union nationale, et de saisir l'opportunité politique présente, à savoir un rare désamour entre Washington et Tel-Aviv avec un président américain qui n'a plus à faire face à une prochaine élection...

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