Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

C'est quoi une vie de malentendante?

En recherche d'emploi comme sur Tinder, c'est de n'avoir aucune idée à quel moment je suis supposée dire que j'ai une surdité.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

C'est d'essayer de se trouver une job, puis qu'ils nous proposent une entrevue par Skype et qu'on ne sait pas trop quoi leur dire.

Dans mon cas, pour avoir déjà été refusée dans trois organismes gouvernementaux en relation d'aide à cause de ma surdité (sans nommer de places, on s'entend qu'il y a un problème quand un organisme en relation d'aide refuse d'engager une personne vivant avec un handicap), on dirait que je ne sais plus trop si je dois parler de ma surdité ou non.

Alors dans ce cas, je peux utiliser divers stratagèmes pour tromper l'ennemi, comme par exemple (tiré d'une histoire vraie) dire que j'ai un accent juste à cause que ma grand-mère est Française, ou encore dire que je viens d'une autre région du Québec. Oui, oui, c'est un accent du Bas-du-Fleuve, voyons! Puis, dès qu'ils m'engagent, disons après la période de probation, me révéler sous toute l'atrocité que représente mon handicap. Wait 'till you see it! Au moins, comme ça, j'ai la chance de prouver que je suis compétente même si j'ai un handicap.

Bref, je suppose que je vais tenter ma chance avec Skype (bonne chance pour lire les lèvres avec le décalage), parce que c'est jamais winner en partant de refuser une modalité obligatoire dans le processus de sélection. Je sais bien que, dans le monde idéal, on dit qu'il faut demander les adaptations nécessaires et que les employeurs marquent souvent qu'ils appliquent un programme d'accès à l'égalité en emploi, mais il reste qu'ils me le refusent quand même sous le même prétexte. Alors ou est la contradiction? C'est bien facile de marquer qu'on encourage à postuler les personnes avec un handicap, quand on les refuse de toute façon, après coup.

C'est de se mettre sur Tinder (why not?), d'avoir des matchs et de n'avoir aucune idée à quel moment je suis supposée dire à la personne que j'ai une surdité. Je me sens comme dans ma recherche d'emploi : est-ce que je le cache pour prouver à la personne que je suis quand même compétente dans mon rôle de blonde malgré ma surdité, puis un beau jour, bang!, j'annonce que je suis une personne avec une handicap SÉVÈRE ET MAJEUR, une surdité PROFONDE (ben quoi, c'est comme ça qu'ils me qualifient à l'Aide financière, je ne chialerai pas, ça me donne des bonnes bourses).

Ou bien sinon, je l'écris dans ma petite définition sous mes photos : «Bonjour, je m'appelle Anaïs, je suis sourde. Si tu aimes beaucoup répéter, que tu articules particulièrement bien et que tu es le genre à constamment parler fort, écris-moi». Le match parfait, quoi!

C'est d'aller faire du yoga et de carrément n'avoir aucune idée de ce que la professeure raconte lorsqu'elle te dit de fermer les yeux à la fin, pendant la période de méditation. Ça a l'air bien intéressant ce qu'elle dit, mais moi, je fais juste dormir (tu essaieras de rester couchée pendant 10 minutes les yeux fermés en entendant rien autour de toi, c'est sûr que tu t'endors). Tant pis pour les techniques de respiration!

C'est d'avoir un meilleur ami pour qui sa blague la plus drôle est de te regarder en souriant et en faisant le son «sssssss» pendant de longues minutes, juste parce qu'il sait que tu ne l'entends pas. Mais ça ne me dérange pas, parce que moi, je suis capable de comprendre les gens dans les bars et pas lui. Vive la lecture labiale!

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mai 2017

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.