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En septembre 1993, je publiais dansun billet intitulé. 20 ans plus tard, et alors que le Québec se passionne pour la Charte des valeurs, mon article conserve tout sens.
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En septembre 1993, je publiais dans Le Devoir un billet intitulé Intégration des allophones :la troisième voie. 20 ans plus tard, et alors que le Québec se passionne pour la Charte des valeurs, mon article conserve tout sens.

Les allophones qui veulent s'intégrer et les Québécois aux intérêts divergents de ceux des affairistes pourraient rester un temps prisonniers de la question nationale et du bipartisme.

Un certain discours politique qui consiste à faire croire aux allophones que «nous sommes tous des immigrants» avait poussé, dans les années 70, quelques leaders ethniques soutenus par certains observateurs «pure laine» à préconiser le plus sérieusement du monde «l'intégration mutuelle».

De nombreux défis auxquels le Québec fait et fera face, celui de l'intégration des allophones risque, plus que tout autre s'il n'est pas pris très au sérieux et à temps, d'hypothéquer dans un avenir prévisible l'harmonie sociale que nous avons connue jusqu'à présent.

Le constat d'échec des démarches dites d'intégration poursuivies depuis une vingtaine d'années, invite toutes celles et tous ceux concernés par cette problématique à identifier les causes et à formuler des pistes de réflexion sinon pour amorcer un virage salutaire, du moins pour maintenir le débat devenu une affaire de tous. Selon moi, deux causes principales sont à la base de cet échec. Elles relèvent, d'une part, d'un certain discours politique relayé par quelques soi-disant «représentants» ethniques, très médiatisés par ailleurs, et, d'autre part, des politiques gouvernementales, quel que soit le parti au pouvoir, qui soulèvent bien des questions.

Le discours en question consiste à faire croire aux allophones que «nous sommes tous des immigrants»; donc nous sommes tous des Québécois et par conséquent il n'y a pas d'efforts particuliers à faire par les nouveaux arrivants pour s'intégrer à la majorité hormis l'apprentissage de la langue française par les non-francophones. Ce discours avait poussé dans les années 70 quelques leaders ethniques soutenus par certains observateurs «pure laine» à préconiser le plus sérieusement du monde l'«intégration mutuelle».

La «convergence culturelle»

Ce concept avait engendré celui de la «convergence culturelle» dénoncé comme une démarche ethnocentrique. Depuis quelque temps, nous baignons dans l'euphorie de l'«interculturalisme» qu'on oppose un peu trop facilement au multiculturalisme. Quoi qu'il en soit, ce discours, toujours en vogue, leurre les allophones et à la fois envoie à la société d'accueil un message qui dénote sinon le mépris, du moins le peu de respect que l'on aurait pour sa langue et sa culture. Comment débloquer cette situation, du côté des allophones, et envisager l'avenir avec un peu plus d'optimisme?

Premièrement, les allophones, notamment ceux nés à l'extérieur du pays, doivent reconnaître la situation fragile de la culture québécoise et de la langue française en Amérique du Nord et se comporter en conséquence. Deuxièmement, ils doivent réaliser que l'avenir, plus particulièrement celui de leurs enfants, se conjugue avec l'intégration et que celle-ci est en grande partie une question de volonté individuelle et de temps. Cette volonté dit se traduire par l'apprentissage et la pratique de la langue française, la connaissance, même rudimentaire, de l'histoire du Canada et du Québec, l'acceptation et l'intériorisation (avec le temps) des valeurs fondamentales de la société d'accueil.

Cette démarche ferait réaliser à tout le monde qu'au Québec, il y a des Québécois (francophones et anglophones) parmi lesquels un grand nombre d'anciens immigrants d'origines diverses (irlandaise, italienne, grecque...), des allophones en voie de devenir Québécois et des allophones qui resteront toujours des allophones, notamment ceux qui continuent à faire du camping à la périphérie de la société québécoise et ceux qui vivent comme des «immigrés», c'est-à-dire dans l'idée d'un hypothétique retour définitif dans leur pays d'origine.

Là réside un des noeuds de l'intégration, en ce sens que les enfants qui vivent dans ces milieux se retrouvent avec un problème d'identité très aigu. D'où tous les risques qu'engendre ce genre de problème. Enfin, il y a les immigrants, ceux qui n'ont pas encore leur citoyenneté canadienne.

Est Québécois...

Contrairement à toutes les définitions avancées, plus ou moins complaisantes ou farfelues, est Québécois celui dont les origines sont canadiennes-françaises; est Québécois celui qui vit au Québec; est Québécois qui veut, etc. La vraie définition, à mon sens, ne peut être que sociologique.

Elle implique deux conditions. Est Québécois celui qui se sent Québécois et qui est perçu comme tel par les autres indépendamment de toutes les autres considérations (origine ethnique, lieu de naissance, race, religion, opinion politique...).

Si la volonté individuelle est le moteur de l'intégration, la société d'accueil joue les rôles d'accélérateur et de frein, plus particulièrement au niveau de cette perception des autres, à travers notamment ses institutions et en premier lieu le pouvoir politique qui contrôle l'immigration, et deux des principaux créneaux d'intégration, l'école et la fonction publique. Comment cette perception peut-elle se manifester et se développer si les allophones sont invisibles dans la fonction publique et parapublique, dans des postes d'influence économique et au sein des syndicats?

Le taux de représentation des allophones et des anglophones dans la fonction publique québécoise en 1979 était de 2,7 %, alors qu'ils représentaient 21 % de la population. Malgré les «mesures énergiques de redressement» annoncées, cette proportion est passée à seulement 3,4 % en 1987 alors que l'objectif fixé en 1983 par le Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles (CIPACC) était d'augmenter cette proportion de 2,7 % à 9,5 % en six ans. Objectif démesuré ou lourdeur bureaucratique, le Comité a été purement et simplement supprimé par le gouvernement du Parti québécois dans la foulée des tractations du fameux «beau risque».

Ce coup de frein a engendré au sein des communautés culturelles des frustrations à la mesure des attentes, voire un repli sur soi que cultive et entretient une institution conçue spécialement à cet effet, en l'occurrence le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (MCCI).

Cette situation a été interprétée, à juste titre, comme un manque de volonté politique d'intégrer les allophones qui s'expliquerait, entre autres, par une étrange vision de l'intégration: celle qui fait croire qu'on intègre des communautés, de préférence électoralement rentables, plutôt que des individus. Combien d'allophones intègres et intégrés, compétents et très au fait de la problématique de l'intégration avaient été écartés des nominations à divers ministères et organismes gouvernementaux parce qu'il fallait «tenir compte des contraintes ethniques et régionales»?

Les impératifs de la partisanerie

Ces exclus auraient pu être des agents dynamiques dans le devenir de la société, au moins dans la première phase, à titre d'«agents intégrateurs» inexistants dans le système. Mais les impératifs de la partisanerie absolue veillaient, quoique les petits calculs politiques n'étaient pas absents. Nous avons vu comment le PQ avait sacrifié sur l'autel de la «représentativité» militants et sympathisants allophones au profit de notables et autres opportunistes de leurs communautés, souvent incompétents et à cent mille lieues des questions de l'immigration et de l'intégration, dans l'espoir - utopique - d'entraîner l'adhésion de leurs «compatriotes» au référendum de 1980. L'échec de cette politique est d'autant plus patent que le PQ n'a plus besoin, aux dires de son chef, M. Parizeau, des allophones pour faire l'indépendance. Et l'intégration, alors?

Quant au Parti libéral du Québec, champion toutes catégories du statu quo, il profite allégrement du fait que la grande majorité des allophones sont, pour diverses raisons, fédéralistes. Leur vote étant acquis, il ne s'embarrasse pas d'une véritable politique d'intégration. Ce ne sont pas les relations minorités visibles/police, le chômage très élevé et la suppression des Centres d'orientation et de formation des immigrants (COFI) qui nous contrediront.

Le peuple québécois, dont l'avenir est en jeu, doit imposer, avant qu'il ne soit trop tard, une véritable politique d'immigration et d'intégration et de nouvelles politiques économiques et sociales pour vaincre le chômage et redonner espoir au million et quelques de chômeurs et d'assistés sociaux. Nous savons tous à quelles sources s'abreuvent les tensions sociales, la xénophobie et le racisme. Mais je crains que les allophones qui veulent s'intégrer et les Québécois dont les intérêts ne sont pas nécessairement et toujours convergents avec ceux de la classe politico-affairiste au pouvoir ou dans l'opposition, resteront encore pour un temps prisonniers à la fois de la question nationale et du système du bipartisme. Dans ce contexte de blocage, seule l'émergence d'une véritable troisième voie semble être l'alternative.

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