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État islamique: mythes et réalité

Pour triompher de l'extrémisme islamique, nous devons conditionner l'aide que nous apporterons aux États arabes touchés par ce fléau à l'élaboration de programmes socioéconomiques et politiques concrets sur le long terme.
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On a beaucoup parlé de la stratégie de Barack Obama visant à affaiblir et « détruire » l'État islamique (EI). Sans juger de la justesse de cette stratégie, il est indispensable de se pencher sur trois facteurs distincts, mais interdépendants afin d'augmenter les chances d'un succès américaine: l'analyse rigoureuse des causes profondes du phénomène, la prise en compte des facteurs sociopolitiques et économiques lors de l'élaboration de la campagne militaire, et la capacité réelle -et non pas idéale- des membres de la coalition qu'Obama a réunie. En suivant ces principes, l'EI sera définitivement affaibli et ne pourra plus poser de problème majeur à aux alliés des États-Unis au Moyen-Orient, ni menacer la sécurité des pays occidentaux.

La montée en puissance de nombreux groupes jihadistes remonte à plusieurs décennies, quand des dictateurs arabes corrompus et impitoyables enfreignaient impunément les droits de l'Homme, privaient leurs citoyens de justice sociale, et réprimaient violemment les mouvements d'opposition.

Ajoutons à cela l'invasion regrettable de l'Irak décidée par George W. Bush, qui a réveillé le conflit opposant sunnites et chiites, et les violents bouleversements qu'ont connu plusieurs pays arabes dans la foulée du Printemps arabe, dont le point culminant est la guerre civile syrienne, qui fait toujours rage.

Attiré par la désintégration de la Syrie, comme d'autres groupes jihadistes, l'État islamique est une sous-branche d'Al-Qaïda (il fait preuve d'une telle sauvagerie que l'organisation créée par Ben Laden refuse de le reconnaître). Au nom de l'Islam, il se livre à des violences d'un autre âge afin d'établir un royaume islamique dans une vision pervertie de la religion, de l'Histoire et de la culture.

Dans le même temps, les régimes autoritaires séculaires et religieux de la région ont versé de l'huile sur le feu en soutenant financièrement et militairement des groupes jihadistes rivaux, tout en attisant les haines entre eux, et contre l'Occident.

Des millions de jeunes Arabes, sans ressources ni espoir, ne savent plus où se réfugier. Ils brûlent d'une haine tenace à l'encontre des leaders corrompus qui les gouvernent, insensibles à leur détresse, mais aussi de l'Occident, qui n'a jusqu'ici agi que pour protéger ses intérêts.

C'est pourquoi une campagne militaire doit obligatoirement être accompagnée de programmes de développement économique durables afin de créer des emplois et des opportunités qui redonneront courage à cette jeunesse désœuvrée.

Les États-Unis, l'Europe et les États pétroliers de la région doivent financer ces objectifs à hauteur de milliards de dollars, afin de persuader les hommes et les femmes de la région de rejeter l'extrémisme et d'adopter une attitude modérée.

Les projets de développement durable permettront non seulement de dynamiser les énergies locales, mais aussi d'accroître le sentiment de responsabilité nécessaire à la construction d'un système social et économique parti de rien. Les populations s'affranchiront ainsi progressivement des aides de l'État, toujours conditionnées à un lien de subordination.

Nous devons soigneusement étudier le rôle et la responsabilité de chacun des membres de la coalition (dont beaucoup sont encore inconnus) et n'entretenir aucune illusion sur leur importance et leur efficacité.

En Irak : il ne faut pas se faire d'idées sur la composition et l'efficacité du nouveau gouvernement. Même si les Kurdes s'engagent volontairement au côté des Occidentaux pour maintenir leur autonomie et l'intégrité de leur territoire, le soutien actif de toutes les tribus sunnites est loin d'être assuré, étant donné le conflit durable et violent qui les a opposées au gouvernement chiite de Maliki pendant huit ans.

Avant de se joindre aux chiites, ils voudront savoir ce qu'ils peuvent tirer de la situation. Je persiste à penser qu'il sera nécessaire d'en passer par un régime sunnite autonome, doublé d'un partage équitable des recettes pétrolières, dans une sorte d'État fédéral.

Les États-Unis doivent se préparer à cette éventualité, et signifier au gouvernement Abadi qu'il est impératif, pour faire cesser les violences, de convaincre les sunnites que leur participation à la lutte contre l'État islamique sera récompensée, et ne servira pas uniquement à consolider le pouvoir des chiites.

En Syrie : le programme de mobilisation, d'entraînement et d'équipement des rebelles modérés pour faire obstacle à l'EI, proposé par Obama, n'aura aucun effet, quand bien même ils seraient surentraînés. Lutter sur deux fronts à la fois, contre l'EI et contre les forces d'Assad, rend leur tâche impossible.

Les États-Unis doivent immédiatement prendre pour cible les positions de l'EI en Syrie, et certains objectifs militaires d'Assad, notamment sa défense aérienne, ses aérodromes et ses troupes, afin de l'empêcher de continuer à se servir de « barrel bombs » qui tuent des milliers de civils sans distinction.

De plus, les États unis devraient profiter de l'inquiétude croissante des Alaouites vis-à-vis d'Assad, car ceux-ci commencent à se rendre compte que la guerre civile ne prendra fin qu'avec son départ.

Une alliance entre Alaouites et sunnites en Syrie est concevable à partir du moment où les premiers auront la garantie qu'ils ne seront pas tenus pour responsables -- après le départ du dictateur, au moment où les sunnites formeront un gouvernement représentatif -- du massacre des communautés majoritairement sunnites par les troupes d'Assad.

Les bombardements aériens américains contre l'EI doivent être massifs et viser l'organisation terroriste à la fois en Irak et en Syrie, afin de l'empêcher de regrouper ses forces, de recruter des combattants et de mettre en place de nouvelles positions défensives, dans le but d'entraver au maximum sa capacité de récupération.

En Arabie saoudite : La guerre contre l'État islamique est, en principe, un conflit religieux qui va au-delà de sa simple défaite. Les chiites iraniens et les sunnites saoudiens se font la guerre par groupes interposés, en Syrie et en Irak, afin de s'assurer une hégémonie régionale. Ils se livrent un combat à mort qui ne s'éteindra pas de sitôt.

L'Arabie saoudite a, en théorie, tout intérêt à ne pas financer les rebelles syriens, et à participer activement à la campagne militaire. Les États-Unis doivent continuer à demander au royaume saoudien d'envoyer des troupes en Syrie pour combattre l'EI. Même si cela profite à l'Iran, également menacé par l'EI, cela contribuera à affaiblir l'emprise de Téhéran sur la Syrie.

L'Iran a toujours été, et sera toujours, partie prenante dans les conflits régionaux, soutenant l'une ou l'autre faction. Il serait illusoire de croire que Téhéran peut nous aider à résoudre le problème qui nous préoccupe. Les Iraniens soutiennent Assad financièrement et militairement, en lui fournissant des armes, des conseillers et même des soldats dans la guerre impitoyable qu'il livre à son propre peuple.

Les Iraniens feront tout pour préserver leur influence en Syrie, pivot stratégique de la zone qui s'étend du Golfe à la Méditerranée, indispensable pour que l'Iran devienne la première puissance de la région. Indépendamment des négociations sur le programme nucléaire iranien, les États-Unis doivent tout faire pour empêcher Téhéran d'influer sur les campagnes militaires en Irak et en Syrie.

En Turquie : Le président Erdogan, suivant ses convictions islamiques, refuse de combattre l'EI, et ne fera sans doute rien de plus qu'apporter un soutien de principe à nos efforts. La Turquie est depuis longtemps le point de passage des jihadistes du monde entier qui se rendent en Syrie et en Irak.

Les États-Unis doivent cesser de trouver des excuses à Ankara et exiger qu'Erdogan prenne des mesures pour enrayer l'afflux de jihadistes et cesser d'acheter du pétrole à l'EI, ce qui permet à l'organisation terroriste de financer ses actions meurtrières. Les Américains doivent faire comprendre à la Turquie qu'elle s'expose à de sérieuses conséquences si elle refuse d'accéder à leurs demandes.

Plusieurs pays arabes, dont l'Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, Oman et le Koweït, devraient apporter leur aide à la campagne contre l'État islamique. Les États-Unis doivent s'assurer que cette guerre a bien l'air d'un conflit interarabe, où les puissances occidentales ne soutiennent que les acteurs modérés de la région tout en protégeant leurs intérêts stratégiques.

Pour triompher de l'extrémisme islamique, nous devons conditionner l'aide que nous apporterons aux États arabes touchés par ce fléau à l'élaboration de programmes socioéconomiques et politiques concrets sur le long terme. Ceux-ci offriront une alternative à la violence à des dizaines de millions de jeunes arabes, et leur donneront l'espoir et la chance de construire un avenir meilleur.

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