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Voilà, nous sommes replongés dans le débat de la laïcité. Ce débat est d'ailleurs bien mal parti. Clarifions quelque chose d'emblée, si nous voulons avoir un débat serein sur la question, en partant de l'hypothèse qu'une telle chose soit encore possible, il faut dès maintenant cesser les amalgames du genre: les pro-charte sont racistes et xénophobes alors que les anti-charte sont multiculturalistes et trudeauistes.
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Voilà, nous sommes replongés dans le débat de la laïcité. Ce débat est d'ailleurs bien mal parti. Clarifions quelque chose d'emblée, si nous voulons avoir un débat serein sur la question, en partant de l'hypothèse qu'une telle chose soit encore possible, il faut dès maintenant cesser les amalgames du genre: les pro-charte sont racistes et xénophobes alors que les anti-charte sont multiculturalistes et trudeauistes. La réalité est, évidemment, bien plus complexe.

Les trois écoles de pensée

Actuellement, le débat sur la laïcité met en opposition trois grands groupes: 1) les tenants de la laïcité ouverte ou inclusive (neutralité de l'État, liberté des individus), les tenants de la laïcité classique de type République française (neutralité absolue de l'État et des individus) et les catholiques conservateurs (héritage catholique de l'État et laïcité des individus sauf pour les catholiques). Il y a bien sûr les multiculturalistes, mais à part crier au loup et faire référence à la ségrégation raciale du temps de Martin Luther King, ils sont plutôt absents du débat.

Ces trois groupes ne s'entendent pas très bien ensemble. Ils ont parfois des points de contact. Par exemple, les laïcs inclusifs et les laïcs républicains sont pour le retrait du crucifix de l'Assemblée nationale. Cependant, ils ont également des points de divergences, notamment sur la présence légitime ou non de la religion catholique dans le patrimoine québécois. Dans un passé relativement récent, les laïcs républicains ont, grâce à la Révolution tranquille, fait reculer les catholiques conservateurs en mettant des services fondamentaux comme la santé et l'éducation sous le contrôle de l'État.

Ce qui est fascinant ici, c'est le génie tactique de Drainville qui a été en mesure de fédérer les laïcs républicains et les catholiques conservateurs, pourtant ennemis de longue date, derrière son projet de charte des valeurs québécoises. Le trait d'union qui fédère ces deux tendances est leur malaise commun face à l'Islam. Quoique pour des raisons bien différentes, les deux tendances ont de la misère à composer avec cette nouvelle réalité qui est héritée de l'immigration arabo-musulmane des dernières décennies.

Cette semaine, j'ai acquis la profonde conviction que, dans toute cette histoire, ce sont bien les laïcs républicains qui se font manipuler par le PQ. Pensons-y un peu, si le PQ était le moindrement sérieux dans son désir de mettre en œuvre une véritable laïcité de l'État, il retirerait le crucifix de l'Assemblée nationale (qui a justement été mis en place par Duplessis pour consacrer le lien entre l'Église et l'État), il légiférerait contre les prières dans les conseils municipaux, il cesserait de financer les écoles confessionnelles, etc. Pourtant, rien n'est fait sur ces dossiers. Pourquoi?

C'est simple, à cause des sondages.

En effet, sondage après sondage, une portion très importante de Québécois affirme vouloir que le crucifix demeure à l'Assemblée nationale. Le PQ, le PLQ et la CAQ se prononcent donc en faveur de son maintien, et ce malgré la contradiction évidente avec le principe de séparation de l'Église et de l'État.

Un sondage Angus Reid nous apprenait cette semaine que lorsque l'on demande aux Québécois de se positionner sur la présence de chacun des signes religieux dans la fonction publique, d'énormes disparités resurgissent. En effet, alors que la kippa juive est rejetée par 55%, le kirpan sikh et le voile musulman sont refusés à 83 et 63%, la croix, elle, est acceptée à 63%. C'est contradictoire, mais c'est comme ça.

Ça, le ministre Drainville le sait, et c'est précisément pourquoi il décide de tolérer les «petits signes ostentatoires». Bien que son document montre des petites croix et des petites étoiles de David juives, il sait très bien qu'au final, ce sont surtout des petites croix chrétiennes que l'on retrouve en pendentifs et qu'une majorité de Québécois n'y voit aucun problème.

À mes amis laïcs républicains, j'ai bien peur que vous serviez actuellement de caution pour que le PQ mobilise le vote adéquiste/caquiste dans le seul et unique but d'aller chercher une majorité aux prochaines élections, qui, advenant des sondages positifs pour le parti au pouvoir, pourraient en effet arriver aussi tôt que le 9 décembre prochain. Êtes-vous prêts à jouer ce rôle? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle?

Les dangers pour la suite du mouvement indépendantiste

Je pense que le prix à payer est trop lourd. Je suis entièrement d'accord avec Josée Legault et Maria Mourani qui craignent que cette tactique électoraliste du PQ mette en péril le projet indépendantiste à court terme. Il nous a fallu plusieurs années pour passer outre le vieux démon du «vote ethnique» de Parizeau et voilà qu'on se sent étrangement ramené à une époque révolue où la langue et la foi catholique étaient les deux piliers de l'identité canadienne-française. Un retour à ce nationalisme identitaire freine beaucoup la possibilité de convaincre un immigrant que l'avenir du Québec réside dans son indépendance. Cette possibilité s'éloigne d'autant plus si l'immigrant en question est de confession autre que catholique.

Il y a un autre problème. En effet, il ne faut pas la tête à Papineau pour deviner que la presque entièreté des institutions de la communauté anglophone se prévaudra du droit de retrait permis par le projet actuel de Drainville. Que fera un immigrant nouvellement arrivé qui désire travailler dans le secteur public tout en conservant le droit d'afficher sa foi? Il se tournera immanquablement vers un emploi dans une institution anglophone, accélérant ainsi le phénomène des transferts linguistiques si bien identifié par Curzi comme étant à la source de la lente anglicisation de Montréal. En d'autres mots, la charte du PQ risque fort de pousser les allophones dans les bras des anglophones. Voilà l'intégration made in PQ...

Si les péquistes espèrent faire du repli identitaire la voie royale vers l'indépendance du Québec, ils se mettent le doigt dans l'œil jusqu'au coude. On ne construit pas un nouveau pays sur la peur. On le construit sur l'entraide, l'espoir et la solidarité. Maria Mourani et Josée Legault ont raison. Le PQ pourrait peut-être gagner sa majorité sur la question de la charte, mais il risque de mettre en péril pour plusieurs années l'accession du Québec à l'indépendance. Et ça, je ne leur pardonnerai jamais.

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