Le gouvernement du Canada songe à rendre la vente de paquets de cigarettes banalisés obligatoire, sous prétexte que cette mesure a contribué à réduire la consommation de tabac en Australie. Il est vrai que la lutte au tabagisme, plus particulièrement auprès des jeunes, est un objectif qui reçoit l'appui d'une grande majorité de la population, y compris des propriétaires de dépanneurs.
Or, un examen attentif de ce qui est arrivé en Australie après l'apparition de ces paquets soulève plusieurs questions et ne permet pas de conclure que la consommation de tabac baisserait de manière significative au Canada.
En fait, le tabagisme a déjà atteint un creux historique dans notre pays. Ce progrès est dû en grande partie aux efforts des dépanneurs, qui assurent chaque jour la vente de produits du tabac dans un cadre très strict. Les membres de notre association restreignent l'accès aux substances dont la vente est limitée en fonction de l'âge - telles que le tabac, les billets de loterie et l'alcool - et je peux vous assurer qu'ils prennent cette responsabilité au sérieux.
Parmi les nombreuses mesures destinées à réduire et à mieux encadrer la consommation de tabac au Canada, plus particulièrement chez les jeunes, l'on dénote l'interdiction de l'étalage visible (présentoirs munis de rabats); l'interdiction de faire quelque forme de publicité ou de marketing que ce soit pour ces produits à l'intérieur d'un commerce; la présence de graphiques soulignant les dangers du tabagisme sur 75 pour cent de la surface des paquets; l'exigence d'une pièce d'identité prouvant l'âge du client au moment de l'achat; ainsi que des taux de taxation volontairement élevés dans un but dissuasif.
De plus, les employés de dépanneur suivent une formation intensive afin de manipuler les produits du tabac comme il se doit et mieux reconnaître l'âge des clients.
Les partisans de l'emballage neutre croient que ces mesures sont insuffisantes. Ils affirment que l'élimination de l'espace dévolu à la marque, qui n'occupe plus que 25 pour cent de la superficie d'un paquet, se traduira par une baisse additionnelle de la consommation de tabac au pays. Or, les données en provenance d'Australie - le seul pays à avoir imposé l'emballage neutre - indiquent que cette mesure a eu un effet négligeable.
Les consommateurs australiens demandent ouvertement à leurs détaillants s'ils savent où trouver des produits moins dispendieux, quitte à ce que ceux-ci proviennent de sources illégales.
Par ailleurs, les détaillants australiens ont décrit l'ère du paquet neutre comme un «nivellement par le bas». L'imposition de cette mesure s'est traduite par l'achat de cigarettes moins dispendieuses en plus grande quantité. Certains rapports font même état d'une augmentation de 50 pour cent de la consommation de ces produits bas de gamme. Les consommateurs ont commencé à demander ouvertement à leurs détaillants s'ils savent où trouver des produits moins dispendieux, quitte à ce que ceux-ci proviennent de sources illégales.
Cette demande a été satisfaite par le marché émergent du tabac de contrebande. Selon la firme KPMG, la part de marché des produits du tabac illicites est passée de 11,5 pour cent en 2012 à 14,3 pour cent en juin 2014.
Pour mieux évaluer l'impact d'une politique semblable à celle de l'Australie, il faudra tenir compte du fait que l'étalage visible y a été interdit deux ans à peine avant que l'emballage neutre ne fasse son apparition, ce qui complique l'évaluation du pouvoir de dissuasion respectif de ces mesures. (Dans les provinces canadiennes, l'interdiction de l'étalage visible s'est généralisée à partir de 2003.)
Une autre différence à considérer est la moindre importance des graphiques de mise en garde. En Australie, ceux-ci n'occupaient que 33,3 pour cent de la surface d'un paquet avant que l'emballage neutre ne fasse son apparition.
En résumé, l'imposition de l'emballage neutre a eu un effet minime sur une consommation de tabac déjà en baisse de manière générale, et un impact quasiment nul sur la consommation des jeunes en particulier. L'adoption d'une réglementation similaire au Canada sera-t-elle un moyen efficace de lutter contre le tabagisme? C'est peu probable.
Le gouvernement fédéral entend valoriser la prise de décision fondée sur la science. C'est pourquoi il devrait examiner attentivement les données en provenance d'Australie afin de mieux évaluer l'effet de l'emballage neutre. Nous n'avons pas besoin d'une politique adoptée à l'aveuglette et calquée sur la politique inefficace d'un autre pays. Nous méritons une solution faite sur mesure pour les Canadiennes et les Canadiens.
Ce texte initialement publié sur le Huffington Post Canada a été traduit de l'anglais par Pierre-Etienne Paradis.
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